Jour du Souvenir: les alliés, les ennemis et la marine marchande
À l’époque où la guerre éclata, M. Rousseau était déjà en mer, comme matelot. Il a ensuite gravi les échelons jusqu’à se rendre au grade de premier officier. « C’était une période très difficile, se souvient l’homme de courage et d’honneur. La marine marchande, liée par un contrat avec le gouvernement canadien, devait transporter les vivres jusque dans la zone de guerre. »
En effet, les bateaux contenaient de la nourriture, des armes, des médicaments, de l’équipement, du mazout et transportaient également les soldats. Tout le matériel essentiel était acheminé sur les bateaux de la marine marchande.

Le Capitaine Gaston Rousseau, lors de la reconnaissance du gouvernement fédéral, au milieu des années 1990, aux valeureux marins de la marine marchande ayant participé à la libération de l’Europe entre 1939 et 1945.
« Au total, j’ai perdu 80 % de mes compagnons lors de nos actions pendant cette guerre. Nos bateaux étaient continuellement dans la ligne de mire des Allemands. Ils nous attaquaient avec des troupes de sous-marins constituées dans le but de nous détruire. Ils étaient conscients de la valeur de nos déplacements. C’était effectivement un travail très risqué. Les gars se faisaient souvent embarquer de force parce qu’il manquait toujours du monde pour faire le travail. À cause de ça, nous n’avions jamais de congé. Il y avait trop de travail et j’imagine qu’ils avaient peur de ne pas nous revoir si nous débarquions. Moi, je le faisais parce que ça devait être fait et aussi pour gagner ma vie. Mais j’aurais aimé avoir quelques journées de congé », se remémore tristement ce fier marin de carrière.
Gaston Rousseau raconte également ce qui a probablement été son plus dangereux périple en mer : « Une fois, nous transportions du gaz liquéfié. Cette matière était hautement inflammable et je n’ai pas besoin de faire un dessin sur ce qui se serait passé si on nous avait tiré dessus. Tout l’équipage était très nerveux. Il fallait même arroser notre chargement pour maintenir une température régulière. Sinon le gaz aurait pu exploser par lui-même. »
Tout de suite après la guerre, M. Rousseau s’est rendu à Halifax pour passer son brevet de capitaine au long cours. Il a lui-même payé toutes les dépenses encourues. Il fut cinq ans, en tout, sans retourner à voir sa famille à Trois-Pistoles. Ce « laboureur des mers » a navigué partout autour du monde et a eu une carrière hors du commun. Il a également été pilote sur le Saint-Laurent, jusqu’à sa retraite. Il a aussi été nommé commandant du Rassemblement des Grands Voiliers de 1984 à Québec où il était en charge de diriger les voiliers venus de partout vers le port de Québec. Son carnet de bord est bien rempli de nombreuses autres valeureuses actions.
« Je suis conscient de la très grande chance que j’ai d’être ressorti vivant de cette guerre. Ce qui me rend amer c’est qu’ils se sont servis de nous pour faire la guerre sans nous mentionner, sans nous en être redevable. Il n’y a pas longtemps, environ 20 ans, que la marine marchande a été reconnue pour ses actions durant la guerre. Nous nous sommes regroupés, des marins de la marine marchande, et nous avons nous-mêmes payé un monument en la mémoire des nôtres qui ont perdu la vie lors de la Deuxième Guerre mondiale », conclut M. Rousseau. Ce monument a été érigé près du bassin Louise, au Port de Québec et on y retrouve les noms des marins gisant en mer.
Le 11 novembre prochain, à 13 h 30 au Centre culturel de Trois-Pistoles, sera présentée une conférence retraçant les grandes lignes de la vie de Gaston Rousseau. Cette synthèse sera exposée par Gaston Rioux en collaboration avec la Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles. Gaston Rioux est le neveu de M. Rousseau, prénommé en l’honneur de son oncle et dépositaire des archives des familles Rousseau et Rioux. Gaston Rousseau sera également présent afin de livrer un témoignage et de répondre aux questions. Cette conférence est donc une occasion en or pour en apprendre davantage sur une véritable légende vivante, originaire de la région.

« Je suis un laboureur des mers », affirme le capitaine Gaston Rousseau, qui a fait le tour du monde en bateau.