Partenariat transpacifique: la confiance ébranlée
Rivière-du-Loup – Le Partenariat transpacifique (PTP) conclu la semaine dernière entre le Canada et 11 autres pays est loin d’être perçu comme une bonne nouvelle, selon Bryan Denis, président depuis trois ans de l’Association de la relève agricole du Bas-Saint-Laurent (ARABSL).
« Ça ébranle la confiance et ça soulève une importante problématique, car la perte de marché aux producteurs, notamment aux prix à la ferme, crée une insécurité chez les entreprises. Par conséquent, si notre revenu brut est diminué, les institutions financières peuvent devenir frileuses. Mais il ne faudrait pas en arriver là ! »
Selon le jeune agriculteur de Saint-Cyprien qui a repris la ferme familiale il y a peu de temps, les projets d’expansion seront plus difficilement finançables, ce qui risque fort de compliquer les choses.
À la grande question de savoir que les producteurs se plaignent le ventre plein, comme l’avançait la semaine dernière le ministre conservateur Maxime Bernier, Bryan Denis rétorque que les producteurs ont à cœur de faire prospérer leur entreprise, qu’ils peuvent connaitre des années en dents de scie. « Nous travaillons comme des forcenés et nous tenons au maintien du prix de notre lait. »
Les compensations prévues de 4,3 G$ par le gouvernement pour éponger les pertes des producteurs ciblés ne sont pas suffisantes. « En somme, on doit dire que les conservateurs nous ont bien endormis deux fois, en 2013 et 2015. »
Gabriel Belzile, président du syndicat des producteurs laitiers du Bas-Saint-Laurent
Pour Gabriel Belzile, président du syndicat des producteurs laitiers du Bas-Saint-Laurent, les producteurs laitiers sont déçus de voir que le gouvernement conservateur n’a pas tenu parole quand il disait qu’il allait protéger le système de gestion de l’offre. « Nous avons mal pris le coup, mais nous allons surmonter la situation. »
Les pertes moyennes encourues par ferme laitière seront de 30 000 $ à 40 000 $ par année et la compensation de 4,3 G$ prévue sur une période de 15 ans par le gouvernement pour éponger ces pertes est d’environ 11 000 $, ce qui est nettement insuffisant, estime-t-il.
« On s’est fait avoir. Les conservateurs nous demandaient de leur faire confiance, mais en 2013 dans l’entente avec l’Union européenne (UE) on a dû accepter l’entrée au Canada de 17 700 tonnes de fromages étrangers. Ils nous ont donnés! »
Le PTP pourrait être bon, conclut-il, mais seulement pour des types de production qui ne sont pas soumis à la gestion de l’offre, le bœuf, le porc, le sirop d’érable, etc.
« Nous demandons des excuses au ministre Bernier de nous avoir traités d’illettrés économiques. « Nous entreprises valent des millions et nous savons comment les gérer ! »
Craignez-vous un impact éventuel du PTP sur vos ventes de machinerie et d’équipements laitiers aux producteurs ciblés dans la région ?
Jean-Pierre-Ouellet, garage Alcide Ouellet, Saint-Cyprien
« Nous sommes convaincus que le PTP aura des conséquences sur nos ventes. C’est certain que les producteurs agricoles vont y penser à deux fois avant de se procurer un nouvel équipement. Dans nos régions, les terres sont plus rocheuses et plus difficiles à travailler. Avec moins de revenus, ils ne pourront plus suivre l’évolution des nouvelles technologies. »
« La perte de revenu des producteurs constitue évidemment un désavantage important. Mais il ne faut pas oublier que nous tous, comme consommateurs, nous allons être touchés par ce partenariat. Pour l’instant, on fait miroiter des baisses de prix et une plus grande diversité de l’offre pour les consommateurs, mais je demeure convaincu que nous serons perdants en terme de qualité des produits. Au Canada, les normes de sécurité alimentaire sont très élevées. Les produits sont inspectés plusieurs fois avant d’être mis sur le marché. Je doute que les normes de sécurité des pays émergents impliqués dans le partenariat soient aussi élevées que les nôtres. Certains pourront dire que le litre de lait coûte cher, mais il y a un prix à payer pour la qualité et la sécurité des produits. »
Simon Ouellet, R. Ouellet Équipements, Saint-Jean-de-Dieu
« En tant qu’intervenants dans l’équipement relié à l’exploitation laitière, nous savons déjà que l’impact de l’entente PTP sera négatif pour les producteurs et donc inévitablement pour nous. Les causes seront d’accélérer la disparition des fermes familiales en région et de réduire les investissements effectués par celles qui vont demeurer en opération, ce qui aura bien sûr un impact direct sur les ventes de notre entreprise et sur les emplois que l’on procure dans nos régions. La production laitière étant un moteur économique régional très important, je crois qu’il faut tout faire pour l’encourager à croitre et non l’inverse. »
Pierre Tremblay, Service Agromécanique, Saint-Clément
« Il est certain que le PTP va avoir un impact. Pour des projets, petits ou gros, ça va retarder la prise de décision chez plusieurs, puisqu’ils vont attendre de voir la suite des choses. À court terme, on va connaître une baisse dans le volume des ventes, mais il y en a qui vont y aller quand même. On sent que les clients sont inquiets. Les éleveurs de bœuf et de porc ne sont pas euphoriques, mais ils y voient des opportunités. Il va y avoir une pression sur le prix des produits qui risquent d’être de moins bonne qualité. Mais la pire des choses, c’est la perte de confiance qui va s’installer chez les gens de la relève ou les agriculteurs au seuil de la retraite. Ça pourrait entraîner la vente précipitée de fermes et créer un effet d’entraînement… »
Certains producteurs y verront une certaine opportunité d’augmenter leur quota laitier. Je ne vois pas d’un bon œil qu’il n’y ait que de grosses fermes dans de petits milieux comme le nôtre. J’aime mieux voir 20 plus petits producteurs que cinq plus gros pour le même volume. L’agriculture va quand même survivre en milieu rural. Mais je crains qu’elle soit différente ! »
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