Un vétéran raconte
Le journal Info Dimanche s’est entretenu avec un vétéran qui a servi pendant 25 ans au sein des Forces armées canadiennes. Sous le couvert de l’anonymat, ce dernier a accepté de témoigner sur sa réalité d’ancien combattant.
Alain (nom fictif) est âgé de 50 ans. Il est originaire et réside encore aujourd’hui au KRTB. Marié, père de deux enfants, il a effectué de nombreuses missions, que ce soit en Bosnie ou en Afghanistan. Des épisodes d’angoisse, des pensées suicidaires, il en a eu. Il en a toujours.
«C’est le printemps le pire. Je ne dors pas beaucoup la nuit. J’ai peur de sortir de la maison. Il faut sortir, mais c’est difficile. Je suis plus dépressif. L’automne, j’ai des flashbacks, le temps de la chasse, je me jette encore à terre quand ça tire», admet l’ex-militaire.
S’il mentionne ne pas regretter ses années de services, il précise qu’il aurait pu et du demander de l’aide plus rapidement. Surtout, assure-t-il, qu’elle est disponible même en mission «Est-ce que j’avais des prédispositions, c’est possible. Mais les gars, on ne demande pas d’aide. On est les meilleurs, les plus forts, on ne veut pas envoyer un message de faiblesse à nos collègues, on est un peu machos. Mais un moment donné, on perd nos repères.»
RETOUR
C’est cette perte de repères, la peur de mourir, d’être blessé, de ne plus revoir ses enfants, combinées à une fatigue extrême et au rythme effréné de militaires en mission qui selon Alain, fissure les carapaces et rend difficile la gestion du stress. «C’est pas seulement les bombes, c’est l’entrainement, les missions, le manque de sommeil, la fatigue…»
Ses symptômes de stress post-traumatique, Alain les ressentait déjà avant son retour. Des manifestations qui se sont accentuées une fois à la maison. «Il y a de l’aide, soutient-il. Mais ce que propose [Myriam Courbron] oui c’est intéressant. C’est difficile de sortir de la maison. Ici on est en sécurité, mais ça ne doit pas devenir un piège.»
MÉFLOQUINE
L’ex-militaire pointe aussi du doigt la méfloquine, un antipaludéen, qui a été administré par voie orale aux militaires pour prévenir la malaria. «Ça engendre des dépressions, plein de militaires en ont souffert, et chez certains les effets sont permanents», lance Alain.
En novembre dernier, l’armée a annoncé qu’elle procédait à une réévaluation du médicament. Nos voisins du sud sont allés encore plus loin alors que les forces spéciales l’ont bannie dès 2013. Mais médicament ou non, l’ancien combattant implore les militaires, «il faut demander de l’aide».
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1 commentaires
Une jambe fracturée est facile à détecter mais une brisure de l'âme qui se terre à la maison l'est moins.