Un monstre nommé Alzheimer
Apprendre qu’un proche est atteint par la maladie d’Alzheimer engendre un grand bouleversement. Réaliser que ce mal incontrôlable, ce «monstre», s’attaque à sa propre mère est épouvantable. Malgré cela, Catherine Normand refuse de broyer du noir. La maladie, aussi destructrice soit-elle, ne doit pas être une fatalité. Et chaque petit moment de bonheur ne doit pas être avalé dans l’oubli.
Catherine a rencontré le monstre qui vit dans la tête de sa maman, il y a environ 5 ans. C’était à la fois un soulagement et un choc, dit-elle. Un soulagement, puisque ce diagnostic expliquait en partie certaines pertes de mémoire qu’elle observait depuis un moment chez sa mère. Un choc, parce que cela signifiait que la femme qu’elle connaissait et aimait tant était portée à disparaître, peu à peu.
«Le plus difficile, c’est que j’essaie de me souvenir des moments forts que j’ai eus avec ma mère avant la maladie et j’ai de la difficulté. L’Alzheimer n’enlève pas juste la capacité de se souvenir, de penser et de parler de la personne atteinte, ça l’enlève aussi aux proches, en quelque sorte», raconte-t-elle.
Impliquée bénévolement auprès de la Société Alzheimer de Rivière-du-Loup, Catherine a partagé son témoignage le 28 février lors d’un cocktail dinatoire au profit de l’organisme. Elle voulait confier son histoire et surtout faire réaliser aux invités qu’il est certes difficile de vivre auprès de la maladie, mais qu’on trouve aussi de «petits bonheurs» à ses côtés.
Car malgré la tristesse, l’incompréhension et la colère, il y a aussi l’amour, beaucoup d’amour. Le monstre ne peut pas être tué et sa présence ne sera jamais acceptée, mais cela ne veut pas dire que la famille ne peut pas l’apprivoiser et l’apaiser. Il le faut, après tout.
Nul doute, l’Alzheimer est une maladie sournoise, vicieuse. Dans le cas de la maman de Catherine, elle est apparue de façon précoce et elle l’a rapidement privée de ses mots, de ses souvenirs et de ses rêves. Elle a «traumatisé chaque petite particule de son humanité» à un âge où on a encore toute une vie devant soi, tout comme des projets et des années de repos qu’on a pourtant mérités.
C’est sans doute pourquoi l’apparition de ce «monstre», comme Catherine le qualifie elle-même, est venue avec un sentiment d’incrédulité et d’impuissance très fort. N’était-ce pas, après tout, une maladie dont les victimes sont des personnes âgées?
«Comprendre pourquoi elle l’a eue aussi jeune a été une épreuve», confie-t-elle. «Mais vivre les différents stades de la régression, c’était dur. Je n’aurais jamais pu me préparer à ça. Pour comprendre ce que la maladie était vraiment, il fallait que je le vive.»
COURAGE ET RÉSILIENCE
Le processus a été long, le sujet a été tabou. Mais il ne l’est plus. Aujourd’hui, la jeune femme trouve les mots justes pour décrire une situation pourtant inexplicable. Elle en parle non pas dans un cheminement personnel, mais plutôt pour aider, si ce n’est qu’une seule personne, à rester courageuse et résiliente à travers les épreuves.
«Les spécialistes amènent souvent la notion de deuil blanc pour les proches, puisque tu perds tranquillement la personne que tu connaissais pour quelqu’un que tu ne reconnais plus. Mais, il faut voir du positif et arrêter d’être triste. Dans mon cas à moi, ça m’a permis de me rapprocher énormément de mon père… et peut-être de ma mère aussi. Je peux prendre soin d’elle comme jamais j’aurais pensé le faire.»
Dans les yeux brillants de sa maman, elle ne retrouve pas que du chagrin, mais aussi du bonheur. Chaque sourire est une petite victoire qu’elle accumule et chérit. «Il faut profiter de ces moments-là. Ma mère, on la fait rire et on lui partage des bonnes nouvelles. Par exemple, lorsque je lui ai annoncé mon mariage, ses yeux brillaient. C’est évidemment la perception que j’ai, mais étant donné que je ne peux pas savoir ce qu’elle comprend exactement, quand elle sourit, je prends ça pour ce que c’est. Elle semble contente? Alors, elle est contente», dit-elle.
Quelque part, elle se considère aussi chanceuse de pouvoir encore avoir sa maman auprès d’elle. «Je suis encore capable la serrer dans mes bras et de lui dire que je l’aime. C’est précieux. Oui, ma maman est malade, mais des gens ont perdu leur mère il y a dix ans […] C’est difficile, mais il faut vivre avec», complète-t-elle avec philosophie.
Si les dernières années lui ont appris quelque chose, c’est de vivre pleinement chaque moment et apprécier les petits bonheurs, que ce soit une jasette autour d’un café ou un simple souper avec ses proches. «Il faut savourer tout cela. La maladie de ma mère m’a appris la résilience. J’ai un mari que j’aime, un chat qui me fait rire, une famille super soudée et des amis fidèles. Je suis reconnaissante. Même si c’est contradictoire, c’est ce que je vis. Dans tout ça, il ne faut surtout pas s’oublier et laisser la maladie nous avaler à notre tour.»
Au même titre que son papa, inspirée par son courage, sa force, son dévouement et son amour inconditionnel, Catherine a elle aussi décidé de devenir une «chevalière» contre le monstre qu’est l’Alzheimer. En s’impliquant pour la cause, elle espère qu’un jour, nous serons tous en mesure de comprendre l’ampleur de la détresse que vivent les victimes de la maladie et que les chercheurs pourront trouver, une fois pour toutes, une façon de la combattre.
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