Cachez ce PEQ que je ne saurais voir
La réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Inclusion (MIFI) est une couleuvre difficile à avaler pour de nombreux étudiants étrangers. Parlez-en au directeur du Cégep de Rivière-du-Loup, René Gingras.
Si ce dernier prend acte du volteface du gouvernement Legault, qui accorde une clause de droit acquis aux étudiants et aux travailleurs étrangers au statut temporaire au Québec, il reproche à la CAQ d’avoir manqué de hauteur dans le dossier en plus d’avoir une vision étroite de la réalité.
«Ça va au-delà de l’impact négatif sur l’effectif étudiant du Cégep et sur les programmes d’études, ça a aussi un impact sur la région. Ces étudiants-là travaillent ici durant leurs études, ils consomment ici, leurs parents les visitent. Les répercussions seront ressenties sur l’ensemble de la région», prévient M. Gingras.
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Cette année, 20 % de la clientèle du Cégep de Rivière-du-Loup provient de l’international, soit environ 200 étudiants étrangers. De ce nombre, une centaine sont en double diplomation, c’est-à-dire des étudiants venus parfaire leur formation en s’inscrivant à la dernière année d’un programme technique et qui ne sont pas admissibles au PEQ. Les autres doivent au minimum compléter 1 800 heures de cours pour se qualifier au programme en vue d’obtenir le Certificat de sélection du Québec (CSQ).
À Rivière-du-Loup, seuls deux concentrations académiques se retrouvent aujourd’hui sur la fameuse liste des formations admissibles : Électronique industrielle et Informatique. C’est peu. René Gingras cible notamment Gestion et intervention en loisir alors que la demande dans l’industrie touristique est forte et que la pénurie de main-d’œuvre y est palpable.
Mais surtout, c’est loin des demandes formulées plus tôt cette année au ministre Jolin-Barette par le Cégep de Rivière-du-Loup. «Nous avions fait des représentations auprès du député Denis Tardif et de la ministre Marie-Eve Proulx afin d’inclure la double diplomation dans le PEQ. Ils ont porté notre démarche au ministre… Mais quand nous avons vu la nouvelle mouture du programme, nous avons bien constaté qu’il n’y avait rien là-dedans. Le ministre a fait la sourde oreille», laisse-t-il tomber.
René Gingras estime peu probable aujourd’hui une hausse des inscriptions des étudiants étrangers et par conséquent de diplomations qui serait pourtant bénéfique aux entreprises. «Ça va devenir très compliqué et cet impact-là pourrait être de façon durable sur le recrutement. Ça nous inquiète franchement.»
Alors que Québec souhaite s’orienter vers une immigration francophone et diplômée, une porte se referme. «C’est là le paradoxe !, lance René Gingras. Les étudiants qui passent par les établissements d’enseignement supérieur sont peut-être les meilleurs immigrants qu’on pourrait imaginer. Ici, ils n’ont pas le choix de parler français, on ne peut pas leur donner un programme autrement qu’en français. Ils maitrisent donc la langue, ils ont des cours, notamment dans la culture québécoise, ils acquièrent des éléments de notre culture, ils participent à des activités culturelles et sportives.»
Pour le directeur du Cégep, ces étudiants représentent donc le meilleur modèle d’immigrants intégrés à la société québécoise. Ce dernier a le sentiment que cette réforme vient couper l’herbe sous le pied des cégeps et universités.
Si la CAQ, devant le tollé soulevé par les réformes de l’immigration, dont le PEQ, a fait marche arrière avec une clause de droits acquis en plus de la motion adoptée par l’opposition, René Gingras entend poursuivre ses efforts parce que l’enjeu, a-t-il expliqué, est plus grand que l’institution d’enseignement.
CLD DE RIVIÈRE-DU-LOUP
Jointes par Info Dimanche, l’agente de développement à l’immigration, du CLD de Rivière-du-Loup, Stéphanie Jeanne Bouchard et la directrice générale, Marie-Josée Huot, ont fait preuve de prudence et de retenue. Toutes deux ont rappelé qu’à l’heure actuelle, le dossier est particulièrement émotif et que le CLD de Rivière-du-Loup n’entend pas prendre position.
Elles ont souligné que près de la moitié des étudiants étrangers actuellement inscrits au Cégep de Rivière-du-Loup n'étaient pas concernés ces nouvelles mesures. «Plusieurs n’ont pas pris la peine de bien regarder les tenants et aboutissants de ces modifications afin de voir qu’est-ce qui s’applique réellement à eux. (…) De ne pas être éligible au PEQ ne signifie pas qu’ils doivent quitter immédiatement après leurs études», souligne Mme Huot.
Cette dernière rappelle qu’il existe d’autres voies que celle du PEQ dont le permis de travail qui pourrait leur ouvrir d’autres portes vers la résidence permanente. «Il faut regarder l’étendue du système d’immigration dont le système Arrima. La voie du PEQ d’un diplômé n’est pas la seule optique pour pouvoir consolider un statut», ajoute la directrice générale du CLD.
Elle s’attend aussi à ce qu’il y ait des ajustements apportés. Déjà l’adoption mercredi de la motion de retrait de la réforme en immigration, qui n’est pas contraignante, accentue la pression sur le gouvernement provincial.
PEQ
Le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) est un programme accéléré de sélection des travailleurs qualifiés qui permet d’obtenir un Certificat de sélection du Québec en vue de la résidence permanente.
Pour justifier ces nouvelles mesures, le premier ministre Legault a soutenu que la priorité était de «se concentrer sur l’économie et répondre aux besoins du marché du travail.»
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