La «Lettre à Bernard» d'Hugo Latulippe
Le candidat néodémocrate Hugo Latulippe, quatrième lors des élections du 21 octobre dernier, a répondu à la lettre du député conservateur, Bernard Généreux publiée le vendredi 8 novembre dernier et qui faisait suite à une première lettre du cinéaste publiée dans La Presse+.
D'entrée de jeu, Hugo Latulippe reconnait les qualités humaines du député Généreux. «Je vous reconnais dans cette lettre que vous m’adressez, et, d’une certaine manière, je comprends pourquoi les gens ont voté pour vous. Vous avez les qualités humaines indéniables d’un bon politicien, vous êtes un homme aimant et vous parlez avec votre cœur. C’est tout à votre honneur.»
Dans sa première missive, Lettre à Simone, le cinéaste écrivait «À l’échelle de l’Occident, l’adhésion des gens moins scolarisés à des véhicules politiques conservateurs qui promettent perpétuellement de réduire les impôts – et donc forcément de réduire les services et leur universalité – est un mystère pour beaucoup de politologues.»
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Un passage qui a fait réagir, tant dans les sphères politiques que sur les réseaux sociaux, Facebook en tête. Hugo Latulippe souligne que son intention n'était pas de diminuer qui que ce soit et il se questionne à savoir si sa réflexion n'aurait pas dû prendre une forme plus générale.
«Comment se fait-il que, dans une société aussi informée et éduquée que la nôtre ; sachant tout ce que l’on sait en 2019 (sans avoir nécessairement besoin d’un doctorat en biologie ou en économie), nous faisions –selon ce que j’en comprends- des choix politiques qui vont à l’encontre de ce que l’on sait ?», questionne le néodémocrate dans sa lettre du 10 novembre.
M. Latulippe, dont l'environnement a été au coeur de sa campagne, se demande si, comme collectivité, nous n'avions pas échoué à transmettre le degré d’urgence de la situation climatique planétaire.
«Sinon, pourquoi voterions-nous pour des partis qui ne sont pas engagés à démanteler l’industrie pétrolière albertaine (qui est, comme chacun sait, la grande responsable des niveaux de GES catastrophiques du Canada en 2019) aussi vite que possible?»
La Lettre d'Hugo Latulippe
Cher Bernard
D’abord, bravo pour votre victoire sans équivoque. Vous êtes désormais notre député à Ottawa et je suis convaincu que vous ferez ce travail avec énergie et bonne volonté.
Je vous reconnais dans cette lettre que vous m’adressez, et, d’une certaine manière, je comprends pourquoi les gens ont voté pour vous. Vous avez les qualités humaines indéniables d’un bon politicien, vous êtes un homme aimant et vous parlez avec votre cœur. C’est tout à votre honneur.
Je suis par contre bien désolé de lire que ma Lettre à Simone a donné lieu à toutes sortes d’interprétations farfelues, allégations et dérapages rhétoriques qui nous éloignent du sens de mon propos. Les chroniqueurs de certains journaux, qui savent composer des titres parfaits pour faire enrager les gens (et donc générer des clics, et donc générer des revenus !) y sont peut-être pour quelque chose…
Peut-être ai-je aussi été maladroit ? Soit ! Soyez en tout cas assuré que mon intention n’était pas de diminuer qui que ce soit. Ce ne serait d’ailleurs pas très intéressant à faire sur la place publique que de s’en prendre les uns aux autres personnellement. Et puis ça ne mène nulle part.
Peut-être mon questionnement aurait-il dû d’emblée prendre une forme plus générale. Mes questions s’adressent à nous tous -y compris à moi-même puisque jamais je ne me dissocie du peuple que j’aime et qui est le mien.
Comme vous le dites bien, l’éducation d’une population ne se limite pas à son niveau de scolarité et on peut savoir et comprendre beaucoup de choses sans aller à l’école longtemps.
C’est justement de cela que j’aimerais vous reparler. J’insiste.
Comment se fait-il que, dans une société aussi informée et éduquée que la nôtre ; sachant tout ce que l’on sait en 2019 (sans avoir nécessairement besoin d’un doctorat en biologie ou en économie), nous faisions –selon ce que j’en comprends- des choix politiques qui vont à l’encontre de ce que l’on sait ?
Par exemple. Grâce au travail des 30 dernières années des 15 000 scientifiques du GIEC, nous savons que notre mode de vie (notre modèle économique ; nos manières de transiger ; notre façon de calculer la richesse des peuples en la fondant sur des indices comme le PIB ; l’impératif de croissance annuelle que nous appliquons à toutes les sphères d’activités humaines, etc.) est directement lié au réchauffement du climat et nous savons aussi que si ce réchauffement atteint les +2 degrés par rapport à l’année de référence, c’est tout l’équilibre planétaire qui pourrait se dérégler irrémédiablement.
Nous sommes en train de parler de la survie de l’espèce humaine et je pense que tout le monde sait cela (le niveau de certitude des scientifiques sur le rôle des humains dans tout ça atteint désormais 97%). Cet état de fait concerne au premier chef l’avenir de nos enfants et de nos petits enfants.
Allons-nous leur léguer un monde qui glissera vers le chaos ?
Quand je suggérais que nous sommes face « à un problème général d’éducation »… je me demandais en fait ceci : Avons-nous échoué, cher ami, à transmettre à tous le degré d’importance de cette conversation ? Échouons-nous à transmettre le degré d’urgence de la situation climatique planétaire ?
Sinon, pourquoi voterions-nous pour des partis qui ne sont pas engagés à démanteler l’industrie pétrolière albertaine (qui est, comme chacun sait, la grande responsable des niveaux de GES catastrophiques du Canada en 2019) aussi vite que possible?
Je le redis, mes questions sont de l’ordre de l’exigence envers nous comme peuple, comme citoyens pensants, comme collectivité. Mes questions sont liées à mon amour du monde et de la vie aussi ; elles sont bienveillantes, elles visent à nous faire progresser somehow.
Nos choix politiques récents reflètent-ils ce que l’on sait ?
Est-ce que le parti auquel vous appartenez travaillera prioritairement à développer à une filière énergétique alternative et durable, digne d’un pays avancé ? Le contraire serait-il compatible avec la modernité ?
De nouveau, il n’est pas question ici de juger les choix d’une personne en particulier. Ça n’aurait aucun intérêt. Ce que je juge et questionne, c’est notre trajectoire commune. Qu’est-ce que nous choisirons ensemble pour nous et pour nos enfants ? Qu’est-ce qui est sacré ? Qu’est-ce qui mobilisera nos forces, comme peuple, au cours des quatre prochaines années ?
À une autre lettre, je préfèrerais que votre travail soit votre vraie réponse à mes questions de simple citoyen et que votre mandat de député de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup soit consacré à travailler aux solutions à l’immense défi qui est le nôtre comme Québécois, comme Canadiens et comme citoyens du monde.
J’ose espérer que nous trouverons une manière de progresser ensemble. Sachez que je suis disposé à y contribuer, comme citoyen, comme papa, comme travailleur et comme entrepreneur. Je vous offre mes bras, mes aptitudes et ma bonne volonté.
Et sur ce, je vous souhaite un beau début d’hiver, Bernard. Souhaitons-nous des jours heureux. Et un avenir.
Avec mes salutations chaleureuses,
Hugo Latulippe, citoyen de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup
2 commentaires
Cher Hugo,
En passant, je commence cette lettre avec cette formule puisque c'est celle que vous utilisez -mais rassurez-vous, comme vous, je n'y crois pas vraiment-.
Je pensais d'abord dans ma lettre revenir sur la vôtre... Trouvant touchant que vous croyez appartenir au club des mal cités; trouvant attachant le fait que vous ne soyez pas capable de formuler de simples excuses sans passer par des arabesques linguistiques; et trouvant franchement pitoyable ces deux citations de votre propre lettre qui ne feront qu'àjouter de l'eau, dans l'huile sur le feu:
1. "[...] puisque jamais je me dissocie du peuple que j'aime et qui est le mien." Bien à toi oh Roi Latulippe
2. "Mes questions sont liées à mon amour du monde et de la vie aussi ; elles sont bienveillantes, elles visent à nous faire progresser somehow."
Vous posez la question du pourquoi, j’ai les parce que.
Parce que de plus en plus de personnes arrêtent de se voiler les yeux pour ignorer que la majeure partie de la diminution des GES au Canada est due au fait que nous avons déplacé nos industries les plus polluantes en Chine, en Afrique et au Mexique.
Parce qu’il est d’un ridicule consommé, la nouvelle tactique écologiste de rendre leur déplacement en avion zéro émission en plantant des arbres, quand la réelle manière de faire est de ne pas prendre l’avion.
Parce qu’avec cette belle logique, il ne me reste plus qu’à prendre mes pneus d’été, du gaz et des allumettes, faire un beau feu de joie et aller planter 12 arbres pour compenser.
Mon cher Hugo, mes oreilles sillent. Je t’entends dire que je fais de l’anecdotique… et bien non. Ce qui n’est pas anecdotique se sont les lieux des conférences pour le climat : Kyoto, Marrakech, Bali, Poznan, Copênhague, Marrakech, Fidji, Katowice, … Skype tu connais!?
Parce que la population n’est pas déconnectée de la vie réelle, d’une réalité régionale des grands espaces –qui vous ont pourtant amené de la « grande ville » à L’Isle-Verte- qui fait que la circonscription dans laquelle vous vivez est plus grande qu’une cinquantaine de pays dans le monde. Qui fait aussi que, malgré que vous tentiez de faire croire que le fait que les citoyens de St-Omer ne se rendent pas à Montmagny en autobus est simplement un problème d’organisation du transport collectif (reportage de Radio-Canada du 16 octobre 2019), encore pour plusieurs années, le transport dans notre région se fera majoritairement par véhicules à combustion.
Parce que n’importe quel schéma de consommation responsable démontrera qu’il est plus responsable d’utiliser nos ressources locales que de les faire venir de l’étranger. Il est donc plus écologique (Élizabeth May l’a même dit) d’utiliser uniquement du pétrole canadien avant d’utiliser celui des États-Unis (gaz de schiste), du Venezuela (sable bitumineux) et de l’Arabie Saoudite (une pays avec un beau sens de l’éthique).
Je te salue Hugo, mais tes fausses excuses ne passent pas!
Les citoyens finiront bien par comprendre l'urgence d'agir. Ils finiront par comprendre que les solutions à long terme ne sont pas présente au sein du partie conservateur actuel.