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La sclérose en plaques, ce mal imprévisible

durée 22 mai 2021 | 06h55
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    «Je vis avec un démon à mes côtés. Il est là, je n’ai pas le choix.» Sandra Bouchard utilise ces mots pour décrire le mal qui la gruge depuis maintenant près de 
20 ans : la sclérose en plaques. Une bête invisible, et surtout imprévisible, qui frappe quand ça lui chante. Une maladie parfois furtive et sournoise, mais dont la présence n’empêche pas les personnes atteintes d’avancer et de regarder vers l’avant. 

    Info Dimanche s’est entretenu avec deux personnes qui luttent contre cette maladie auto-immune chronique ciblant le système nerveux central, et dont le mois de mai est celui de la sensibilisation. Elles témoignent des défis quotidiens, mais surtout d’une volonté de profiter des moments les plus simples au maximum. Elles sont catégoriques : ça ne vaut pas le coup de faire autrement. 

    Sandra Bouchard avait 24 ans lorsqu’on lui a annoncé qu’elle était atteinte de la sclérose en plaques. C’est un trouble de la vision qui a été annonciateur du diagnostic et qui l’a incitée à consulter des spécialistes. Elle étudiait alors à l’université, à un bien jeune âge pour faire connaissance avec une maladie pour laquelle il n’existe aucun remède. 

    «C’est tombé comme une tonne de briques», se remémore la résidente de Rivière-du-Loup. «Ç’a été extrêmement difficile pour moi à accepter. J’ai eu une période de déni et je dois dire que j’ai encore de la difficulté aujourd’hui après toutes ces années.»

    La sclérose en plaques est une maladie qui cause des troubles de la vision, de la mémoire, de l’équilibre et de la mobilité. Elle survient principalement par «poussées», des épisodes durant lesquels des symptômes aigus se présentent.

    La maladie peut être source de fatigue extrême, d’incoordination, de faiblesses, de fourmillements, ainsi que de troubles de la sensibilité, de la vessie ou de la fonction cognitive. Elle a aussi des répercussions physiques, émotives et financières, selon la Société canadienne de la sclérose en plaques. 

    «Ce sont des symptômes intrinsèques qui frappent fort et qui sont difficiles à expliquer. Ce ne sont pas de simples étourdissements, par exemple. Je me souviens qu’une fois, au travail, je me tenais sur les murs tellement j’étais en perte d’équilibre. C’est arrivé comme ça, j’avais l’air d’une ivrogne», raconte Mme Bouchard avec une touche d’humour. 

    C’est un état particulier dans lequel peu de gens peuvent se transposer. Mais Claude Saindon fait partie de ce groupe sélect, bien au fait de ce sentiment unique. Même si la sclérose en plaques est une maladie qui se manifeste différemment d’une personne à l’autre, celles-ci partagent souvent des symptômes similaires.

    «Si tu me demandes de marcher en ligne droite maintenant, tu vas croire que j’ai bu une 24», dit-il lui aussi. «C’est une des séquelles que je traine avec moi d’une poussée précédente. Il y en a d’autres.»

    L’homme de Cacouna avait 44 ans quand le diagnostic lui a été partagé, il y a dix ans. Il avait mal à la tête sans arrêt, du lever au coucher. Il s’est dit que quelque chose n’allait pas.

    «C’était un choc quand on me l’a dit, je ne le cache pas. Tu te mets dans la tête que tu vas te retrouver en chaise roulante assez rapidement. Ce n’est pas ce qui est arrivé, mais c’est quand même difficile. Je me tiens occupé pour ne pas penser à tous ces problèmes-là.»

    Il se souvient que les premières années ont été très ardues, accentuées par des poussées répétées. «La première fois, mes yeux ne fonctionnaient plus ensemble. Ensuite, c’était les étourdissements, puis la fatigue», raconte-t-il. «Je dormais des nuits complètes, mais je devais quand même faire des siestes en après-midi. Je pouvais aussi perdre l’usage d’une jambe à tout moment. Parfois je n’étais pas capable me lever, d’autres fois, je m’écroulais en faisant du jardinage. Ça n’avait pas d’allure.»

    PRENDRE SOIN DE SOI 

    Claude Saindon s’estime chanceux d’avoir trouvé une médication qui lui permet d’être actif. Il profite aujourd’hui de la vie «à deux cents miles à l’heure», selon ses propres mots. Cela passe entre autres par le travail qu’il a repris plus régulièrement dans les dernières années. Propriétaire d’un garage mécanique, il est passionné par la reconstruction de voitures. Il a toujours un projet en marche, et probablement un autre en tête. En ce moment, il travaille sur une Ford Mustang des années 70. 

    «Tu continues, mais tu apprends vite à connaître tes limites. Évidemment, il arrive que tu les dépasses malgré toi, mais tu reçois des avertissements. Cet automne, après une longue journée de travail, mes doigts étaient crampés et je ne pouvais rien faire. Au moment de me coucher, j’ai perdu l’usage de ma jambe. J’étais au bout du rouleau et mon corps me disait que c’était assez.»

    Le corps de Sandra Bouchard lui a aussi fait le message qu’elle devait prendre du temps pour elle, dernièrement. Depuis le diagnostic, la professionnelle en gestion du patrimoine compte sur les doigts d’une main le nombre de fois où elle s’est absentée du travail ou des études ces 20 dernières années, un rare fait d’armes pour une personne atteinte de la sclérose en plaques. Malgré la douleur, la fatigue et les étourdissements, elle a toujours réussi à continuer. «Ç’a toujours été le nerf de la guerre avec mon médecin de me garder sur le marché du travail», souligne-t-elle. 

    Ce n’est que tout récemment, à la suite d’un nouveau diagnostic, une neuromyélite optique qui s’attaque à sa mobilité, qu’elle a convenu qu’elle devait s’arrêter et prendre du temps pour elle. 

    «Les poussées ne m’ont jamais empêchée de travailler, mais cette fois, elle est sévère au point où elle est débilitante. Elle me donne une douleur dans la colonne, un engourdissement des lèvres aux orteils», confie la mère de famille. Elle a espoir que sa prochaine médication, son prochain «traitement de fond», l’aidera à surmonter cette nouvelle épreuve. «Il y a bien des fois où j’ai continué, mais j’aurais peut-être dû arrêter. Aujourd’hui, je prends le temps de me soigner comme il faut. C’est important.»

    CONTINUER

    Malgré les difficultés, les symptômes toujours présents au quotidien et les nombreux défis liés à la maladie (une année de pandémie et d’inquiétudes, par exemple), Sandra Bouchard et Claude Saindon ne veulent pas «tomber dans le dramatique». Ils ne s’apitoient pas sur leur sort et n’ont d’ailleurs jamais accepté que les autres le fassent pour eux.

    Ils concèdent néanmoins que la maladie reste méconnue et incomprise, notamment parce qu’elle est invisible aux yeux d’autrui. C’est aussi pourquoi ils ont accepté de discuter d’une petite partie de leur réalité. Des histoires de résilience pour lesquelles il y aurait certainement plus à dire. 

    «Je vis avec un démon à côté de moi. Il est là, je n’ai pas le choix. On continue en apprenant à le maitriser, à l’apprivoiser parce que c’est comme ça. Parfois, il est plus difficile à côtoyer, parfois il me fait faire des crises, mais j’ai appris à vivre avec sa présence», image Sandra Bouchard.

    Devant l’imprévisibilité de la maladie, et surtout sa progression, Claude Saindon reste aussi serein. «Ça ne sert à rien de broyer du noir, je ne peux plus m’en faire avec ça. Quand ça va bien, j’essaie de profiter à deux cents miles à l’heure. Pas cent, deux cents...», laisse-t-il tomber. Dans son esprit, les petites choses, les petites joies, ont maintenant plus de valeur. «Je suis encore vivant, toujours debout, alors je continue», dit-il. 

    Tous les deux soutiennent avoir la chance de compter sur un système de soutien «incroyable», des familles présentes, aimantes et compréhensives. C’est leur fondation, leur roc. Ce qui a de plus important, finalement, et ce qui les pousse à continuer d’avancer.  

    EN CHIFFRES

    Le Canada affiche l’un des plus hauts taux de sclérose en plaques du monde, comptant plus de 90 000 personnes atteintes de cette maladie selon les estimations. Elle est le plus souvent diagnostiquée chez de jeunes adultes âgés de 20 à 49 ans, mais elle se manifeste aussi chez des enfants et des adultes d’âge mûr. 

    Chaque jour, 8 femmes et 3 hommes en moyenne reçoivent un diagnostic de sclérose en plaques. Près du trois quart des personnes atteintes sont des femmes. 
    Il est possible de faire un don en visitant le https://scleroseenplaques.ca/.

     

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