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Dossier - Violence sexuelle et conjugale

Emma* ou l’importance d’être crue

durée 27 novembre 2021 | 06h59
  • Andréanne Lebel
    Par Andréanne Lebel

    journaliste

    À l’occasion de la campagne des 12 jours d'action contre les violences faites aux femmes qui se déroule du 25 novembre au 6 décembre, Info Dimanche a rencontré trois femmes de la région du KRTB qui ont vécu des situations de violence conjugale et sexuelle. À travers leurs témoignages, elles illustrent la dynamique de contrôle et de prise de pouvoir qui s’exerce par la violence, sous toutes ses formes. Leur identité est protégée afin d’assurer leur sécurité. 

    L'histoire d'Emma*

    * Les noms des victimes ont été modifiés afin de conserver leur anonymat. 

    «J’avais 15 ans. À l’école, j’étais la fille un peu gênée. Si je disais une menterie à mes parents, je ne me sentais pas bien et il fallait que je leur en parle. Je voyais que toutes les filles de mon âge allaient en auto avec des gars. Je me demandais ‘’pourquoi moi je ne fais pas ça? Pourquoi personne ne m’invite?’’»

    Un homme qui affirmait avoir 22 ans l’a invitée à bord de son véhicule pour une balade. Elle le connaissait puisqu’il baigne dans le monde de la musique rap, apparaissant dans des vidéoclips sur le Web. «Il m’a agressée. Ç’a pris trois jours avant que je dénonce. Je suis allée toute seule au poste de police. Après ça, je l’ai annoncé à mes parents.» Ils ont fondu en larmes.

    Emma insiste: c’est grâce à l’enquêteur de la Sûreté du Québec que le dossier a pu avancer. Elle croyait que l’agression avait été causée par ses comportements, parce qu’elle avait choisi d’embarquer à bord de son véhicule. Questionnée par les enquêteurs, Emma a hésité avant de dire la vérité par peur de se faire réprimander par ses parents. Quelques années après les faits, sa vision des choses a changé. «Ce n’est pas parce que je vais en auto avec toi que je t’autorise à m’agresser».

    À l’hôpital, elle a complété une trousse médico-légale, qui contenait des traces de l’agression. L’agresseur a plaidé coupable à une accusation de contacts sexuels sur une personne de moins de 16 ans, en 2018. «J’ai encore des problèmes avec lui […] L’autre fois, il m’a coupée dans le chemin de façon dangereuse. Ça a pris deux ans avant que ça aboutisse, j’étais tannée. C’est de l’énergie.»

    PROCESSUS JUDICIAIRE

    Emma s’est retrouvée en terrain entièrement inconnu dans le système judiciaire. Elle a dû répéter son histoire à plusieurs reprises, sans savoir si sa plainte serait retenue. «Tu ne sais pas combien de temps ça va prendre, tu ne sais pas ce qu’ils vont dire. À recommencer, je ne le ferais pas.» Elle nuance toutefois sa position. «Je viendrais au CALACS et je demanderais de l’aide. Est-ce que ça vaut la peine ? Oui, parce que tu as la reconnaissance qu’il soit coupable. Pour le temps que ça prend, l’effort que ça prend, je ne pense pas.»

    Emma a fait face à beaucoup de jugement. Des questions lui ont été posées concernant son habillement au moment des faits. «Ce que je mets, comment je m’habille ou la couleur de la couverte, c’est la dernière chose à laquelle j’ai pensé quand je me suis fait agresser. Je n’ai jamais regardé ça, honnêtement. Je sais que ce sont des détails importants pour les avocats parce que c’est un des crimes les plus difficiles à prouver.»

    L’agression sexuelle a été ébruitée par ses amies à l’école qui avaient aussi des liens avec l’agresseur. Emma croit qu’il aurait pu faire d’autres victimes qui ne l’ont pas dénoncé. Encore aujourd’hui, elle ne se sent pas à l’aise de marcher seule dehors. Afin de protéger l’identité de la victime, Info Dimanche a fait le choix de ne pas nommer l’agresseur dans cet article.

    IMPACTS SUR L’ENTOURAGE

    «Mon père, c’est le genre de gars toujours en joke. Je ne l’ai jamais vu pleurer, sauf deux fois : à la mort de mon grand-père et à mon agression. C’est ça qui m’a fait le plus de peine. Au point où on ne pouvait plus se regarder parce que c’était trop dur pour lui. C’est à moi que c’est arrivé, mais c’est un choc pour mes parents aussi. Dans leur tête, ils n’avaient pas rempli leur rôle», raconte Emma.

    Elle veut continuer d’aller à l’école, de travailler, de voir ses amis, sans laisser cette personne gâcher sa vie. Emma s’accroche aux choses positives. «Je veux prouver que c’est possible de bien s’en sortir. Quand ça t’arrive, tu es dévastée, tu as l’impression que ta vie est terminée, mais ce n’est pas vrai. La seule raison pourquoi je m’en suis sortie, c’est parce que je voulais lui prouver qu’il ne m’a pas atteinte autant que lui voulait.» L’agresseur a écopé d’une probation de deux ans avec un suivi pendant 18 mois pour une accusation de contacts sexuels et de 240 heures de travaux communautaires à réaliser dans un délai de 18 mois. Il lui était interdit d’entrer en contact avec la victime et sa famille pendant cette période.

    «Je ne sais pas comment ça se serait passé si mes parents ne m’avaient pas crue. Peut-être que c’est grâce à mes parents, à Nathalie [l’intervenante du CALACS], à mes amis que j’ai réussi à passer au travers.»

     

    » À lire aussi dans ce dossier : 

    Ressources d'aide régionales pour les personnes victimes de violence sexuelle et conjugale: 

    • CALACS du KRTB : 418 816-1232
    • L’Autre-Toit du KRTB : 418-854-7160
    • Centre-Femmes du Grand-Portage : 418 867-2254

     

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