Dossier - Violence sexuelle et conjugale
Annabelle* - se reconstruire pour se faire confiance
À la suite du meurtre de la Louperivoise Andréanne Ouellet âgée de 32 ans, victime du 15e féminicide au Québec, deux femmes ont contacté Info Dimanche afin de lancer un message aux personnes qui se sentent prises au piège dans une relation toxique. Elles veulent avant tout partager leur histoire dans l’espoir que l’une d’entre elles se reconnaisse et décide de s’en sortir avant qu’il ne soit trop tard. Les deux femmes qui ont témoigné ont maintenant quitté leur ex-conjoint violent.
* Les noms des victimes ont été modifiés afin de conserver leur anonymat.
Toute sa vie, Annabelle devra vivre avec des répercussions de sa relation toxique, même si elle est maintenant séparée de son ex-conjoint. Cette union a duré plus de 10 ans et elle a été ponctuée de plusieurs séparations.
La relation a débuté en 2007. Un amour de jeunesse retrouvé. «Quand il est revenu dans le décor, je l’aimais encore. J’ai laissé le père de ma plus vieille et je suis partie avec lui en appartement. Dans la relation, tout de suite en partant, ça ne marchait pas. C’était déjà de la manipulation. À un moment, j’ai voulu partir et il avait dévissé mes roues de voiture […] J’avais une amie qui me disait que c’était une relation toxique. L’amour rend aveugle, j’ai resté, j’ai resté», raconte-t-elle.
Pendant que son conjoint travaillait à l’extérieur, elle habitait dans un appartement à Rivière-du-Loup. Il l’a poussée à faire un choix, puisqu’il était selon lui illogique de payer pour deux logements. Elle a alors emménagé avec lui, loin de sa famille et de ses amis. Annabelle affirme que les crises étaient répétées, avec des épisodes de violence physique. Elle s’est déjà retrouvée embarrée à l’extérieur de sa résidence, les serrures de portes avaient été changées et le code d’alarme, modifié.
Enceinte, Annabelle a dû entrer dans la résidence par une fenêtre qu’elle avait laissée entrouverte, au cas où. «Il m’a pitchée sur un mur. Si j’essayais de lui parler, ça ne résultait à rien, j’étais toujours coupable de tout ce qui se passait. À un moment donné, tu finis par y croire, ça te rentre dedans.»
Peu à peu, elle a été isolée de ses amies. Elle a eu recours aux services de La Débrouille de Rimouski, un organisme pour les femmes victimes de violence conjugale. Malgré les ruptures répétées, son ex- conjoint arrivait toujours à la regagner.
«C’est ta parole contre la personne qui t’a fait quelque chose. La violence conjugale, c’est caché. La plupart du temps, s’il y a du monde, ils ne font rien. Dans mon cas, il fallait qu’il impressionne mon entourage. C’est ce qu’il faisait avec mes amies, il achetait du restaurant, les invitait à souper. C’est comme s’il les avait endormies. À un moment donné, je les appelais en pleurant. Elles voyaient clair dans ce qui se passait.»
Lors d’une intervention policière à son domicile, les patrouilleurs ont porté plainte pour Annabelle. Rendue au palais de justice, elle avait repris sa relation, malgré les interdictions de contacts entre eux. «J’ai dit à la juge que j’avais menti. Ce n’était pas vrai que j’avais menti. Il fallait que je m’en sorte pour revenir avec. Je lui ai sauvé la face encore une fois…malheureusement». Annabelle a eu trois enfants pendant cette relation. Elle a porté des plaintes contre son conjoint, puis les a laissées tomber. «C’est comme une boite à surprise, tu ne sais jamais quand ça va péter. Il y a des beaux moments à travers tout ça. Tu essaies d’avoir espoir dans ces beaux moments. À chaque fois qu’il revenait me chercher, c’était toujours des violons qui partaient. Il savait où étaient mes faiblesses. Je voulais avoir une famille unie…»
Elle a pu compter sur l’aide de sa famille pour quitter la maison avec ses enfants et elle a trouvé refuge dans une maison d’hébergement. Annabelle recevait régulièrement des menaces concernant ses enfants ou des propos suicidaires de la part de son ex. Elle a aussi été victime d’une campagne de salissage sur les réseaux sociaux. En 2017, en ayant plus qu’assez, elle a décidé de mettre son pied à terre.
«Il avait du stock chez nous. J’ai mis ça dans des sacs à poubelle. J’ai tout foutu ça sur la galerie, j’ai dit ‘’ tu t’en vas et tu me laisses tranquille’’. Ça n’a pas été facile. J’étais revenue près de ma famille, je m’étais fait des amies. Toutes les personnes que j’avais en commun avec lui, j’ai mis une croix sur elles.»
Deux ans plus tard, sa fille ainée a porté plainte pour agression sexuelle contre son ex-conjoint. Le dossier est encore actif devant les tribunaux. Annabelle ne se sent pas écoutée par la Direction de la protection de la jeunesse. Elle déplore le manque de logique entre les décisions rendues en droit de la famille et les accusations déposées en chambre criminelle. La mère de famille craint qu’il ne s’en prenne aux autres enfants.
METTRE FIN À UNE RELATION TOXIQUE
Annabelle s’est reconstruite. «Je pense que ce qui m’a sauvée, c’est que j’ai un méchant caractère. Pour une fois, il a servi à m’en sortir.»
Elle est allée chercher de l’aide et elle souhaite maintenant adresser un message aux personnes victimes de violence conjugale qui se reconnaissent dans son histoire. «Souvent, tu vas être remise en question. Je n’avais plus d’estime de moi ni de confiance. Ce ne sera pas facile, sauf que c’est faisable. Je me suis accrochée à mes enfants […] C’est possible de refaire sa vie. Il ne faut pas attendre que l’aide arrive, elle n’arrivera pas toute seule. Il faut que tu ailles la chercher».
Si vous ou un de vos proches êtes victime de violence conjugale, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010 ou consultez le sosviolenceconjugale.ca. Voici également quelques ressources d'aide régionales :
- L’Autre-Toit du KRTB : 418-854-7160
- CALACS du KRTB : 418 816-1232
- Centre-Femmes du Grand-Portage : 418 867-2254
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