Hausse du cout de la vie : «Je suis inquiète, vraiment inquiète»
La directrice générale de la Maison de la Famille du Grand-Portage, France Rousseau, est une femme intrinsèquement positive qui n’a jamais reculé devant un défi ou une épreuve. Mais alors que les familles de la région sont frappées de gauche à droite par des hausses importantes du cout de la vie, au cœur d’une pandémie qui n’en finit plus, elle avoue que l’optimisme en prend un coup. «Voir la vie en rose, ça devra attendre», image-t-elle.
Le ton est tranché, sans ambiguïté. France Rousseau est inquiète, elle qui est déjà à même de constater les impacts de la hausse vertigineuse du cout l’essence, de l’épicerie, des logements et bientôt de l’électricité sur les familles de la région. Des familles, de toutes les classes sociales, précise-t-elle, pour qui elle dévoue son quotidien et vit sur le même diapason depuis des dizaines d’années.
«La pandémie a chamboulé des familles au niveau de l'emploi et au niveau scolaire. Maintenant, ça déboule encore plus avec les hausses au niveau alimentaire, au niveau de l’essence, de l’habitation avec les prêts, et puis tout le reste», constate-t-elle.
«On parle du pain avec la hausse du blé, de l’alimentation en général, mais c’est beaucoup plus que ça. C’est l’ensemble des besoins de base, même la santé, qui sont bousculés et ça ébranle énormément.»
France Rousseau et ses collègues de la Maison de la famille du Grand-Portage ont été témoins de tout le terrain gagné par la détresse et la vulnérabilité, ces derniers mois. Elle remarque aussi, bien malgré elle, que la tendance n’est pas positive et que la situation s’est aggravée davantage depuis la période des Fêtes.
Selon Statistiques Canada, l’Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 0,9 % au Canada en janvier, ce qui porte le taux d’inflation annuelle à 5,1 %, une première depuis 1991. Une situation attribuable à l’augmentation des couts liés au logement (+ 6,2 %), aux aliments (+ 6,5 %) et à l’essence, notamment.
Pourtant, du côté des salaires, les données illustrent une augmentation de 2,4 % au cours de la même période, ce qui signifie que, en moyenne, la hausse des prix a dépassé celle des salaires et que le pouvoir d'achat des citoyens a diminué.
«C’est une crise sociale que l’on vit et les familles touchées sont de plus en plus nombreuses […] Certaines sont habituées de se battre dans l’eau bénite, d’autres non, alors ce sera très difficile», souligne France Rousseau.
«Est-ce que c’est normal qu'on observe une hausse des demandes de dépannage alimentaire en 2022? Non. Je disais ça en 2000 et je le répète maintenant 20 ans plus tard. Ce n'est pas normal et ça n’a pas de sens d’avoir toujours ce même discours.»
Selon elle, la pauvreté comprend trois sphères en contexte de vulnérabilité : culturelle, économique et sociale. Les gens sont pris au piège et ont de la difficulté à combler leurs besoins essentiels. Quand la base en prend un coup, alors imaginez les loisirs, la culture et les sorties…
«La situation de détériore, elle s’alourdit et ça va exploser», craint-elle, appréhendant une hausse des appels encore plus importante que ce qui est déjà observé. «L’élastique est étiré et il menace vraiment de casser.»
Dans un véritable cri du cœur, elle demande aux différents paliers de gouvernement d’être plus actifs, «plus mordants», afin de venir en aide à leur population. «Il va falloir que le politique, les élus municipaux et provinciaux, se baignent encore plus. Ils ne sont pas assez solides actuellement, je veux les voir, les entendre…», lance-t-elle.
Elle demande des «politiques sociales» et davantage de «mesures structurantes» qui ont un réel impact sur le quotidien des personnes dans le besoin. Et ne lui parlez pas du chèque allant jusqu’à 400 $ pour les couples québécois qui gagnent moins de 56 000 $. Cette «aide ponctuelle» n’est qu’un pansement sur une blessure trop importante. Aussi bien dire un diachylon sur une fracture ouverte…
«Quand tu es endetté, que tu reçois ton compte d'Hydro, tu vas le payer rapidement ton 400 $. Si on parlait d’une aide mensuelle, j’aurais applaudi, ce serait une vraie mesure, mais là ce n’est qu’un dépannage», déplore-t-elle, soulignant que les critères d’admissibilité sont aussi trop stricts.
«Tu as beau travaillé fort, avoir deux emplois, l’augmentation du cout de la vie est là pour tout le monde […] Le gouvernement aurait dû établir un barème beaucoup plus accessible pour la classe moyenne. Encore une fois, c’est un dépannage, et ce n’est pas suffisant.»
France Rousseau le répète : elle est inquiète. Elle martèle aussi que les élus, quel que soit leur niveau de pouvoir, doivent se mettre en marche. Rapidement. «Attendez-vous à entendre parler beaucoup plus de vulnérabilité», assure-t-elle, étalant un «optimisme modéré» et prudent pour la suite des choses. «Les gens vont devoir s’entraider, être là les uns pour les autres, pour leurs voisins aussi. Il va falloir revenir à ces liens-là.»
Le message est porté, l’invitation est lancée.
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