Assurance-emploi : «C’est une réflexion de société qu’il faut mener»
Comment se fait-il qu’un pays comme le Canada laisse encore ses citoyens qui combattent des maladies graves s’endetter? Pourquoi les personnes qui affrontent un cancer, par exemple, sont-elles «punies» financièrement? Ce sont des questions qui sont revenues dans l’actualité cette semaine, alors qu’un énième projet de loi visant à modifier la Loi sur l’assurance-emploi maladie a été débattu à la Chambre des communes.
Ces questions sont aussi celles de Nancy Dumont qui est en voie d’être en rémission d’un cancer contre lequel elle lutte depuis plus de 3 ans et 9 mois. Une longue période au cours de laquelle elle a été confrontée à de nombreuses histoires d’horreur. Des familles qui, en plus de se battre pour la vie d’une personne chère, doivent aussi se démener pour ne pas déclarer faillite.
«Des histoires de gens qui doivent aller travailler entre les traitements de chimiothérapie, j’en ai entendu quelques-unes et ça n’a simplement pas de bon sens […] C’est dur à croire aussi, parce que si tu as du chômage-maladie, c’est que tu n’es pas apte à travailler», a partagé Mme Dumont lors d’une généreuse discussion avec Info Dimanche, la semaine dernière.
«Quand tu entends le mot cancer, tu reçois littéralement une tonne de briques. Mais pour certaines personnes, la maladie n’est pas leur seule préoccupation. Ils pensent à son impact sur les finances, les problèmes à venir et ça crée beaucoup d’anxiété. C'est vraiment inimaginable, mais pourtant, ça existe», a-t-elle poursuivi.
Au pays, les patients atteints d’une maladie grave, incapables de travailler et sans assurance privée, reçoivent présentement de l’assurance-emploi un maximum de 15 semaines de prestations de maladie, une disposition qui remonte à 1971. Au cours des prochains mois, les prestations s’étendront sur 26 semaines après une décision du Parti libéral du Canada en 2021, mais cela est encore loin d’être suffisant, selon les patients et les partis de l’opposition.
Nancy Dumont raconte avoir elle-même réalisé l’ampleur du problème lorsque son oncologue lui a confirmé qu’elle serait tenue loin d’un travail pendant une période d’un an. «Elle avait finalement été très conservatrice, mais déjà, à ce moment-là, je ne pouvais pas concevoir d'être arrêtée un an», a-t-elle mentionné.
«Je me disais que j'avais beaucoup de chance d'avoir un employeur comme Univers Emploi qui me fournissait une assurance-salaire longue durée. C'est vraiment là j'ai réalisé que des personnes allaient avoir le même diagnostic que moi, le même choc, mais que leurs prestations allaient s'arrêter après 15 semaines. C’est complètement inconcevable, puisque la maladie n’arrête pas, elle continue de faire des ravages.»
OFFRIR LE MINIMUM
Actuellement, le projet de loi C-215 vise à ce que les prestations d’assurance-emploi maladie s’échelonnent pendant 52 semaines en cas de maladie grave. Il s’agit d’une évidence, «un filet social minimum» qu’il faut offrir, selon Nancy Dumont qui peine à croire que ce débat se poursuit au pays. En exemple, elle souligne que ses traitements de chimiothérapie se sont étendus sur une période plus longue que 15 semaines.
«Comment est-ce possible que des travailleurs puissent recevoir 40 semaines de prestations de chômage dans une période plein emploi, alors qu'une personne, qui n'a pas le choix d'aller à des traitements intensifs pour pouvoir continuer à vivre, doit se contenter de 15 semaines? Il y a quelque chose qui ne marche pas. On a manqué le bateau. Il faut s'ajuster et arriver en 2022», a-t-elle lancé.
La question en est aussi une de société, estime celle qui a décidé de s’impliquer, partageant notamment son témoignage au député Bernard Généreux. «La maladie, elle arrive du jour au lendemain sans prévenir. Elle a un impact sur la famille, les proches, les collègues de travail. Les victimes sont aussi de plus en plus jeunes et elles ont des obligations financières. Ce n’est pas par hasard qu’on constate une multiplication des campagnes de sociofinancement sur les réseaux sociaux», a-t-elle analysé.
«Quand nous ne sommes pas capables de répondre aux besoins de base, c'est toute une communauté qui doit se poser des questions. Qu'est-ce qu'on veut comme pays? Qu'est-ce qu'on veut comme société? C’est une réflexion qu’il faut amener collectivement. Nous sommes tous impliqués.»
Nancy Dumont est une personne intrinsèquement positive. C’est pourquoi elle a espoir que cette nouvelle bataille pour du changement sera «la bonne». Elle déplore cependant elle aussi les longueurs du processus législatif, rappelant que «les histoires d’horreur» se poursuivent – et s’aggravent en raison de la crise sanitaire – pendant que les parlementaires franchissent une à une les étapes nécessaires au changement.
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