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Entente confidentielle entre le parc éolien Nicolas-Riou et le Club Appalaches

durée 7 mai 2022 | 06h02
  • Andréanne Lebel
    Par Andréanne Lebel

    journaliste

    Le documentaire «Boisbouscache, territoire sous influence» du réalisateur Jean-Claude Coulbois (https://bit.ly/3ylazFU) a remis au jour une entente confidentielle qui a été conclue entre le Club de pêche et de chasse Appalaches et le parc éolien Nicolas-Riou, permettant la réalisation des travaux de ce projet d’envergure, estimé à 500 M$.

    Tel que confirmé en 2018 par Info Dimanche, le Club Appalaches réclamait une indemnité d’environ 13,6 M$ en raison des travaux d’aménagement du parc éolien sur les terres publiques du TNO Lac-Boisbouscache, où il détient des droits exclusifs de chasse et de pêche. La MRC des Basques avait alors confirmé que cette procédure risquait de retarder la mise en opération du parc éolien. Lors d’une entente hors cour, une compensation présentée comme «généreuse» a été versée au club privé. Il est toutefois impossible de connaitre le montant de cette entente, puisque le tout s’est déroulé sous le couvert de la confidentialité entre le Parc éolien Nicolas-Riou et le Club Appalaches.

    Les terres sont la propriété du gouvernement du Québec et elles sont assujetties à la Loi sur les terres publiques. Un procès-verbal d’une rencontre de la Régie intermunicipale de l’énergie du Bas-Saint-Laurent daté du 20 janvier 2017 permet de confirmer qu’une indemnité de «plusieurs millions et une injonction permanente des travaux» ont effectivement été demandées par le Club Appalaches. «Un protocole de communication a été établi. Il faut comprendre qu’il faut centraliser l’information, donc toujours référer à M. Michel Lagacé et s’abstenir de commenter quoi que ce soit.»

    Le préfet de la MRC de Rivière-du-Loup et président du parc éolien Nicolas-Riou, Michel Lagacé, indique qu’il avait un devoir d’accommodement des différents utilisateurs présents sur ce territoire, dont des acériculteurs, des tracés de véhicules hors route et le Club Appalaches, pour la réalisation du projet éolien. «L’entente a été jugée satisfaisante pour l’ensemble des parties […] Le dossier n’appartenait pas à la Régie intermunicipale de l’énergie, mais au parc éolien Nicolas-Riou.» Le Club Appalaches a donc été compensé pour ses droits exclusifs de chasse et de pêche, sans être propriétaire du terrain.

    Michel Lagacé précise que lorsque le Parc éolien Nicolas-Riou a reçu l’injonction permanente d’arrêt des travaux, les responsables ont mis les bouchées doubles afin de conclure un accord. Il se dit conscient que le dossier du Club Appalaches est sensible dans la région, ce qui nécessitait, selon lui, un contrôle des messages.

    «Au parc éolien, on était en construction, on avait une date d’échéance. Il fallait qu’en décembre 2017, on produise de l’électricité, sinon on était en pénalité vis-à-vis d’Hydro-Québec. On n’avait pas l’intention de payer de pénalité ou d’abandonner le projet», explique le préfet de la MRC des Basques, Bertin Denis. Selon ce dernier, aller à procès et ainsi allonger les délais n’aurait fait qu’empirer la situation, avant que l’organisation n’ait touché ses premiers profits. M. Denis, confirme qu’il était présent lors de la rencontre qui a officialisé cette entente hors cour.

    «Les éoliennes, c’est la seule chose dont la MRC des Basques peut tirer des revenus de cette terre publique. C’est la première fois que ça arrivait, il n’était pas question qu’on lâche le morceau. J’étais contre l’entente, je l’ai signifié. Je suis solidaire de la décision qui a été prise. On aurait probablement perdu plus que ça en revenus avec une injonction permanente», complète Bertin Denis.

    Selon des informations disponibles dans un mémoire déposé au Bureau des audiences publiques sur l’environnement en 2013, le Club de chasse et pêche Appalaches représente une centaine de membres qui, annuellement, «invitent près de 1 500 personnes à séjourner sur le territoire». Cet organisme sans but lucratif estimait que «le projet [éolien Nicolas-Riou] dans sa forme actuelle est inacceptable car il comporte un grand danger de modification irrémédiable causant un préjudice sérieux à un milieu fragile».

    Les représentants du Club Appalaches craignaient les effets de la construction du parc éolien sur les populations de gibier, la faune et sur les activités de chasse. «Globalement, le club soutient que la valeur de son territoire serait réduite, ce qui justifierait des compensations. Par contre, la MRC des Basques, la Première Nation Malécite de Viger et des citoyens estiment qu’il importe de redonner au public un accès complet aux ressources fauniques de ce territoire», indique le commissaire Louis-Gilles Francoeur, dans un rapport d’enquête et d’audience publique sur le projet de parc éolien Nicolas-Riou dans les MRC des Basques et de Rimouski-Neigette déposé en janvier 2016. Le président du Club Appalaches, Pierre Belzile, a refusé d'accorder une entrevue avant d'avoir vu le documentaire «Boisbouscache».

    Toujours selon ce même rapport, la commission a constaté que «le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles n’exige aucun loyer relatif à l’occupation du territoire public pour les nombreux camps et chalets présents dans le TNO Lac-Boisbouscache en sus de ceux reconnus par les jugements de 1998 et 1999.» Les retombées économiques du parc éolien Nicolas-Riou représentent environ 1,1 M$ par année pour la MRC des Basques et la MRC de Rimouski-Neigette, pendant une durée d’environ 25 ans, en plus des bénéfices versés aux actionnaires publics.

    PROJET DE PARC RÉGIONAL

    En septembre 2018, les 11 maires de la MRC des Basques avaient appuyé la création du parc régional Inter-Nations, en collaboration avec la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. Deux ans et demi après avoir été soumis au ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs en 2019 par la MRC des Basques, le projet est revenu au point mort. «La résolution de ce problème est politique, on ne peut pas récupérer un terrain et l’exproprier pour faire la même chose. On sera prêts à aller de l’avant avec le parc régional, dès qu’on aura l’assurance que le gouvernement du Québec va réparer l’erreur qu’il a commise quand il a confirmé la séparation des droits de chasse et pêche du droit foncier», commente Bertin Denis. Depuis 2013, le projet de loi privé 206 permet à la MRC des Basques de constituer un organisme sans but lucratif afin d’exploiter un parc régional. Le Club Appalaches estime la valeur de ses droits exclusifs à environ 50 M$. Le projet du parc régional Inter-Nations est présentement sur la glace.

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