Phase III de l’autoroute 85
Un laboratoire de passages fauniques
Les usagers de l’autoroute 85 ne s’en rendent pas compte, mais déjà plusieurs passages fauniques ont été aménagés sous l’axe routier de grande envergure. Au total, 31 traverses sont ou seront créées sur les 40 kilomètres de la phase III de la construction de l’autoroute Claude Béchard. Jessy Héon, biologiste au ministère des Transports pour le projet de la 85 mentionne que les infrastructures mises en place serviront de laboratoire pour le reste du Québec.
Parmi les corridors, 8 seront destinés à la grande faune, tels que les cerfs, les orignaux, puis les 23 autres seront réservés à la petite et moyenne faune comme les renards, les marmottes, les visons, les grenouilles, les salamandres, etc. Malgré les différents types de ponceau à fabriquer (sec ou humide), la biologiste explique la difficulté de désigner les endroits clefs où les installer. Même si des recherches ont été réalisées, aucune tendance générale ne s’en est dégagée, car très peu d’études ont été effectuées sur le sujet.
En se fiant aux données d’accidents de l’ancienne route 185, d’un inventaire aérien, d’une carte écoforestière, puis de discussions avec le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs ainsi que les acteurs de la région, des emplacements ont été choisis. Des milieux attrayants et référentiels ont été sélectionnés pour attirer les animaux à traverser de l’autre côté de la route tels que les abords de cours d’eau, des fonds de vallée ainsi que des couverts de forêt intéressants.
«La 85 est comme un grand laboratoire où l’on veut tester la préférence d’utilisation de différents passages fauniques», déclare Mme Héon. Des ponceaux secs détenant des tunnels de 300, 600 et 900 millimètres feront l’objet d’un dispositif expérimental qui aura un suivi universitaire. Des caméras vidéo et thermiques risquent d’être fixées à l’intérieur afin de savoir si les passages sont utilisés, le nombre de bêtes qui traversent ainsi que celles qui rebroussent chemin. Ce dernier élément permettrait de vérifier si les animaux s’acclimatent aux passages au fil du temps. Elle ajoute que les conclusions et données recueillies pourront servir lors d’autres projets routiers réalisés au Québec.
DES QUESTIONS DE SÉCURITÉ
Le premier point majeur à l’installation de passages fauniques est la sécurité routière. «La route 185 était quand même assez accidentogène. Il y avait une part des collisions qui provenait de la grande faune, des cervidés», confie la biologiste. Même si des clôtures d’exclusion installées tout au long de l’autoroute Claude Béchard visent à diminuer la mortalité des conducteurs en empêchant les chevreuils et orignaux de se retrouver sur la chaussée, des brèches sont parfois observées. Ces zones d’intrusion peuvent notamment se situer au niveau des bretelles d’entrée et de sortie de l’autoroute, où les clôtures ne peuvent s’appuyer sur des structures pour rester étanches.
«Donc une autoroute, même si certaines bêtes sont capables de passer à travers le maillage des clôtures grande faune, ça reste une entrave aux déplacements», indique Jessy Héon en spécifiant que cela concerne majoritairement les animaux de petite taille. La migration des espèces est aussi un phénomène qui joue pour beaucoup dans la création de corridors écologiques. Avec le réchauffement climatique, les animaux sont appelés à se déplacer dans les prochaines années, voire décennies, d’après la biologiste. Des organismes de conservation ont appris au ministère des Transports que la région de la phase III de la 85 constitue un axe de déplacement majeur pour plusieurs espèces animales partant des États-Unis pour remonter vers la Gaspésie.
Sans traverse, les animaux possèdent moins d’endroits pour se reproduire, s’alimenter, s’abriter et s’adapter aux changements climatiques. En restant au même emplacement, la force génétique diminue puisqu’ils sont obligés de s’accoupler entre eux. Ainsi, les passages aménagés par le ministère des Transports assurent une connectivité faunique importante dans la pérennité des espèces animales.
HORIZON-NATURE BAS-SAINT-LAURENT
C’est à ce moment que l’organisme Horizon-Nature Bas-Saint-Laurent fait son entrée : «C’est pour que les passages ne deviennent pas caducs, pour que la pérennité soit assurée et qu’au bout du passage il n’y ait pas de décapage de sols, des déforestations afin de renforcer la connectivité faunique à plus long terme», précise Mme Héon.
Horizon-Nature a organisé un grand rassemblement régional concernant la connectivité écologique, ce 9 juin, afin d’informer sur l’importance des passages fauniques et des stratégies à prioriser pour conserver les milieux naturels. Mikaël Jaffré, directeur général ainsi qu’Ariane Breault biologiste et chargée de projet ont expliqué leur travail de sensibilisation, de conservation, de sécurité ainsi que de communication qui touchent les propriétaires des terres situées aux extrémités des passages fauniques.
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