Une bière pour éviter le gaspillage alimentaire
Le Carrefour d’Initiatives Populaires et la Microbrasserie aux Fous Brassants ont lancé une bière au pain anti-gaspillage alimentaire, ce 18 aout, dans la salle de brassage de l’établissement situé sur la rue Lafontaine à Rivière-du-Loup. Cette collaboration inusitée, mais partageant les mêmes valeurs, a permis à la bière «La Pitance» de voir le jour. Une boisson alcoolisée créée afin de réduire les déchets liés à la perte de pain.
«Des baguettes de pain, il s’en produit de manière démesurée parce que les épiceries les vendent frais du jour. Donc une baguette d’hier, elles la jettent», explique Karine Jean, directrice générale du Carrefour d’Initiatives Populaires de Rivière-du-Loup (CIPRDL). Même si l’organisme en donne à volonté grâce à leur comptoir de récupération alimentaire, un bon nombre d’entre elles doivent être transformées lorsqu’elles sont trop dures. Ainsi, les employés et bénévoles du Carrefour créent des puddings au pain, de la chapelure, des croûtons en énorme quantité. «Mais, il vient un temps qu’on en peut plus de le transformer», confie la directrice.
Le pain est un des aliments que le CIPRDL a de la difficulté à transformer vers la fin de sa vie. «C’est inconcevable [de le jeter] parce qu’il y encore a matière à faire beaucoup de belles choses avec ça», souffle Mme Jean. C’est à ce moment que l’équipe des Fous arrive. Le Carrefour a approché Éric Viens, copropriétaire avec Frédéric Labrie et brasseur aux Fous Brassants à l’été 2021 afin de créer une bière qui récupèrerait le pain. Après un an à réfléchir sur la création de la recette, les étapes à suivre et trouver la bonne fenêtre de temps pour la production sans freiner celle des produits déjà existants à la microbrasserie, la bière est enfin entre leurs mains.
La mission de récupération des aliments du CIPRDL touchait M. Viens droit au cœur. «On évite le gaspillage au maximum, ici, à la microbrasserie. On va recycler, composter tout ce que l’on peut. Les drêches de brassage vont à un fermier qui élève du bœuf ou sinon vont pour Malterre qui en font des craquelins à base de résidus de brassage», raconte le brasseur. Il ajoute que dès leurs débuts, avec leur passé de travailleurs sociaux, il était important pour eux de soutenir les organismes, de redonner à la communauté. Donc participer au projet de bière au pain «c’était naturel» pour les Fous.
UNE BIÈRE RAFRAICHISSANTE
Éric Viens décrit La Pitance comme une bière assez pâle, un peu voilée à cause de la farine du pain et qui a l’air d’être une bière blanche belge à l’œil. «Elle est supposée être moins amère que notre Chien jaune qui est notre bière la moins amère qu’on a. Sauf que, mon hypothèse, c’est qu’on travaille avec des baguettes faites au levain. Donc, c’est légèrement plus acidulé que des pains à levure sèche. On retrouve donc cette petite acidité-là qui fait ressortit le houblon un peu plus», déballe-t-il avec passion. Il assure que c’est une bière parfaite pour les fins de journées d’été puisqu’elle est rafraichissante.
Il s’est aussi amusé en la nommant. Il ne cache pas le défi créatif qui se trouve derrière chaque nom de bières puisque de plus en plus de microbrasseries voient le jour au Québec. Il s’est ainsi inspiré d’une vieille expression. «Recevoir sa pitance, c’est recevoir sa recevoir sa ration quotidienne de nourriture, souligne-t-il, là c’est une ration quotidienne de bière au pain. Tu peux bien te prendre une petite Pitance à 3,5 % d’alcool par jour c’est correct», termine-t-il en riant. Il trouvait rigolo l’image de se nourrir au pain et à l’eau, mais qu’avec La Pitance, ce soit au pain et à la bière.
Pour la fabrication de la cuvée, il a fallu 160 livres de pain. Le Carrefour s’est occupé de le couper, le mettre en croûtons, l’assécher au four à 195 degrés Fahrenheit pendant une heure et de le mettre dans des chaudières pour éviter qu’il reprenne l’humidité. C’est 82 livres de pain asséché qui ont été substituées à l’orge dans la recette de La Pitance.
La bière est disponible en fût dès maintenant à la Microbrasserie aux Fous Brassants et en bouteille pour emporter. Sur les 900 litres produits, un à deux dollars du litre seront remis au Carrefour d’Initiatives Populaires, soit un montant entre 900 et 1800 $ qui leur serait remis à l’automne.
Avec cet argent, l’organisme de Rivière-du-Loup qui a récupéré 77 tonnes de nourritures en 2021, soit 7 de plus qu’en 2020, pourra combler son offre alimentaire, acheter des équipements ou même participer au frais d’étiquetage de la bière en cas d’une seconde cuvée. Pour Éric Viens et Karine Jean, ce n’est pas l’envie qui manque de réitérer la collaboration entre eux et d’en faire encore plus pour la communauté.
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