Les producteurs en quête d’une bouffée d’air frais
Sous la pression de la hausse des taux d’intérêt et de l’augmentation du cout de nombreuses dépenses, dont le carburant, les engrais et le transport, l’horizon demeure sombre pour un certain nombre de fermes québécoises. Dans le contexte, un peu d’aide de dame Nature ne serait pas trop demander pour les producteurs qui espèrent une saison à la hauteur.
Après un été 2023 marqué par certains enjeux de récoltes, liés aux nombreuses précipitations observées, les producteurs agricoles de la région espèrent que les prochains mois seront plus faciles. Un souhait qui, s’il se matérialise, arriverait comme une bouffée d’air frais pour nombreux d’entre eux.
«On va la souhaiter à tout le monde, cette belle saison-là», lance Nathalie Lemieux, présidente de l’Union des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent.
«Si on peut avoir suffisamment de fourrages pour nos animaux, suffisamment de grains, de fruits et de légumes, ce sera positif. On a besoin de récoltes à la hauteur de nos espérances. Il faut qu’on ait une belle saison pour contrebalancer l’autre côté.»
Ce «côté», c’est la pression financière qui pèse sans relâche sur les épaules des producteurs. Il y a un an, l’UPA du Bas-Saint-Laurent avait lancé un cri du cœur, demandant une aide d’urgence du gouvernement. Un sondage révélait que près du quart des entreprises agricoles bas-laurentiennes avaient une «mauvaise ou une très mauvaise santé financière». Plus de 40 % d’entre elles avaient même confié avoir un solde résiduel négatif.
Un an plus tard, le portrait n’a guère changé, selon Mme Lemieux, qui est elle-même acéricultrice et productrice laitière au Kamouraska. L’effet du cout de nombreux intrants comme le carburant, toujours en hausse, est non-négligeable sur les frais d’exploitation. Le respect des normes en vigueur, toujours plus serrées elles-aussi, fait aussi partie du portrait.
«On la sent encore, cette pression. Elle est présente, a-t-elle confirmé. Les marges de manœuvre qu’on se conserve pour investir, pour améliorer nos entreprises, rétrécissent. On s’en rend compte. Actuellement, on ne traverse pas des années où on voit un gros développement de notre agriculture. On est plutôt à une époque où on essaie de s’adapter et de vivre de notre agriculture.»
Au Québec, le revenu net agricole est passé de 959 M$ en 2022 à 487,1 M$ l’an dernier, ce qui représente une baisse de 49,2 %. Il pourrait même baisser encore plus, pour atteindre un mince 66 M$ en 2024, selon les prévisions d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Pire encore, entre 2010 et 2022, la dette agricole a bondi de 139 % (11,4 G$ en 2010; 27,2 G$ en 2022).
«On ne veut évidemment pas perdre nos entreprises. Il faut réussir à arriver à la fin de l’année, alors à quel endroit on coupe? Sur la main d’œuvre? Sur un employé? Prendre le pari de faire plus d’heures, d’être plus fatigués?», se questionne Nathalie Lemieux.
«C’est un gros casse-tête. Où peut-on réduire les dépenses pour passer au travers? Il n’y a pas de réponses faciles. Ça amène beaucoup de questionnements dans chaque entreprise.»
Selon la présidente, la pression est aussi vécue par la relève. «La relève a plein de projets et d’idées. Il y a une volonté de développer et reprendre des créneaux, mais ce n’est pas évident. Le timing actuel ne leur permet pas de prendre l’élan qu’ils voudraient, ni de donner la couleur qu’ils souhaitent à leur entreprise», regrette-t-elle.
UN ÉQUILIBRE
Un peu d’eau, mais pas trop. Du beau temps et de belles récoltes. Dans le contexte, ce souhait ne semble pas être trop exigeant pour les producteurs québécois. Pourtant, les dernières années ont démontré que rien n’était assuré du côté de la météo. Les incertitudes demeurent nombreuses là aussi, mais les gens du milieu agricole sont résilients.
«Le fameux équilibre entre la chaleur et les précipitations, on le voit moins. On observe de plus grands écarts de température, des pluies plus localisées», a décrit Nathalie Lemieux.
«On aimerait avoir une boule de cristal, mais on n’a pas ce luxe-là. En agriculture, il faut s’adapter. Ç’a toujours été comme ça, et ce ne sont pas les conditions économiques qui ont changé ça. On y va au mieux de nos connaissances et on continue.»
Au printemps, le travail reprend dans les champs et la machinerie s’active. Tous les espoirs sont permis. C’est d’autant plus vrai quand les producteurs regardent derrière eux sur une saison des sucres exceptionnelle et devant vers les cultures, comme les céréales d’automne et les petits fruits, qui ont traversé l’hiver avec succès.
«On a quand même des belles pièces de puzzle qui s’attachent en ce moment. C’est positif. Maintenant, il faut que tout le reste suive.»
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