Coupes au Cégep de Rivière-du-Loup : «On vient bafouer notre autonomie»
«Il y a deux mots pour qualifier ce qu’on est en train de vivre comme crise, c’est: déroutant et imprévisibilité», lance d’entrée de jeu la directrice générale du Cégep de Rivière-du-Loup, Isabelle Cloutier. Cet établissement d’enseignement supérieur, comme bien d’autres dans la province, doit affronter à la fois un gel d’embauches et des coupes de 50 % dans ses budgets d’infrastructures, tout cela imposé en quelques mois.
Le 24 octobre, le Secrétariat du Conseil du trésor du Québec a annoncé un gel de recrutement dans la fonction publique d’une durée indéterminée, et ce à partir du 1er novembre. Il s’applique, entre autres, au personnel administratif et de soutien des cégeps partout dans la province.
La directrice générale du Cégep de Rivière-du-Loup s’inquiète de la durée de ce gel d’embauches, qui n’a pas été précisée. «Les mesures très pointues qu’on nous donne depuis le début de l’année sortent de nulle part. Ce n’était sur le radar de personne. Ça ne fait pas état d’une grande connaissance du terrain», ajoute Mme Cloutier. Des postes administratifs ne sont pas comblés présentement au Cégep de Rivière-du-Loup, en raison de cette mesure.
«Si quelqu’un déménage dans une autre ville et quitte son poste, je ne peux pas le remplacer. Et ça, je ne sais pas pour combien de temps», image-t-elle. Malgré cela, les obligations administratives de l’établissement d’enseignement supérieur n’ont pas changé. «On est en train de redistribuer des mandats et des tâches entre nous […] Le spectre des bras sur lesquels on peut les répartir n’est pas très grand pour un petit cégep comme le nôtre», déplore-t-elle.
COMPRESSION DES BUDGETS
Cette mesure récente s’ajoute aux compressions déjà annoncées concernant les budgets d’infrastructures dans les établissements d’enseignement supérieur de la province, dont certains sont amputés de 50 %. C’est le cas du Cégep de Rivière-du-Loup.
«Pour cette année et la prochaine année, on va finaliser les travaux qui étaient déjà entamés au niveau de la résidence. Nous n’avons aucune marge de manœuvre cette année, ni l’année prochaine», précise Isabelle Cloutier. En cas de bris, le Cégep de Rivière-du-Loup devra donc trouver des solutions d’urgence.
Mme Cloutier estime que la façon dont les consignes sont données aux cégeps est contre-productive et que le principe de subsidiarité devrait être appliqué. «Notre autonomie n’est pas respectée. Je pense qu’il faut s’en inquiéter […] Si on mettait à contribution l’intelligence terrain, ça éviterait assurément de rendre plus critique une crise qui est déjà bien installée.»
Elle se demande d’ailleurs comment appliquer certaines consignes gouvernementales qui entrent en contradiction. «Comment je peux atteindre mes cibles de vétusté [des infrastructures] si on me donne la moitié des sommes?», se questionne la directrice générale du Cégep de Rivière-du-Loup.
Le personnel administratif visé par le gel d’embauches est le même qui devra déployer le plan de transformation numérique. Ce dernier est d’ailleurs demandé par le gouvernement du Québec. «Tout le monde comprend bien dans le réseau à l’heure actuelle l’importance d’assainir les finances publiques. Les cégeps, on va devoir y contribuer. Pour passer à travers cette crise, ce dont on a besoin, c’est une vision et des orientations claires, et non pas des actions au compte-gouttes», dénonce Mme Cloutier.
MOBILISATION ÉTUDIANTE
Pendant que les cégeps de la province tentent de se serrer la ceinture, une mobilisation des enseignants du Cégep de Sainte-Foy, de l’Association étudiante et des employés de soutien prend de l’ampleur. Tout le mois d’octobre, ils ont porté le carré bleu pour dénoncer les restrictions budgétaires imposées aux cégeps par Québec.
«C’est une façon simple d’envoyer le message qu’on trouve inacceptables les coupures qui ont eu lieu cet été. On dénonce les coupures qui ont été faites de manière cavalière, le 31 juillet pendant que tout le monde était en vacances», exprime Youri Blanchet, président de la Fédération de l’enseignement collégial (CSQ).
Il précise que le gel d’embauches ne concerne pas les services directs aux élèves. «Il manque de monde dans les cégeps. On a de la difficulté à trouver du personnel d’entretien et on annonce un gel […] On est encore en train de pousser vers l’avant des problèmes qu’on a actuellement pour lesquels on doit donner un coup de barre.»
Les cégeps de Rivière-du-Loup et Rimouski ont adhéré au mouvement de mobilisation.
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