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Des orques diabolisés à tort dans les eaux de la péninsule ibérique 

durée 3 mars 2025 | 06h55
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    La peur des orques du détroit de Gibraltar, alimentée par une «couverture médiatique mélodramatique» de leurs interactions avec les bateaux de plaisance, est injustifiée et doit disparaitre, croit Jean-Pierre Sylvestre, un spécialiste des mammifères marins installé à L’Isle-Verte. Il déplore que la population et les médias confondent attaques et jeu et que cet amalgame crée une diabolisation dangereuse pour l’espèce. 

    M. Sylvestre, qui étudie les cétacés depuis plus de 40 ans, s’est intéressé ces derniers mois à la petite communauté d’orques ibériques qui se retrouve bien malgré elle au cœur de l’actualité internationale depuis déjà cinq ans.

    Sur cette période, les autorités ont enregistré près de 800 interactions entre certains de ces mammifères marins et des navires, au sud de l’Espagne et du Portugal. Des rencontres qualifiées pour la plupart «d’attaques», les orques détruisant les gouvernails des bateaux et causant même parfois quelques naufrages. 

    Or, «aucune victime n’est à déplorer», rappelle Jean-Pierre Sylvestre. Il estime ainsi qu’il est temps d’arrêter la diffusion de «messages orcinophobes» et d’apprendre àvivre avec ces animaux qui ont toujours cohabité avec les humains dans ce secteur maritime très fréquenté.

    «Si les orques voulaient attaquer l’humain, on le saurait depuis longtemps», maintient-il. 

    Cet automne, le passionné a plongé dans ses archives et les récents articles documentant les interactions entre l’humain et les orques, au cours des deux derniers siècles. Les résultats de ses recherches et la compilation de statistiques ont permis la rédaction de deux rapports, dont l’un intitulé «Les incidents entre orques et humains : le cas des orques ibériques», qui ont depuis été envoyés à des dizaines d’instituts maritimes à travers le monde. 

    Parmi ses conclusions, M. Sylvestre évoque le fait que les interactions entre les orques et les navires sont beaucoup plus fréquentes dans ce secteur du globe qu’elles ne l’ont jamais été dans le monde entier depuis 1820. Un phénomène clair qui ne peut plus être considéré comme étant marginal.  

    Il ajoute surtout que ces interactions sont issues d’une «culture du jeu» qui s’est transmise au sein de la communauté. Il est faux, en ce sens, de prétendre qu’il s’agisse d’attaques vicieuses motivées par la vengeance ou d’autres circonstances externes. 

    TROP PLEIN D’ÉNERGIE 

    Jean-Pierre Sylvestre va même plus loin en soulevant l’hypothèse qu’en s’alimentant de gros thons capturés par les pêcheries du territoire, certaines orques ibériques se retrouvent avec un surplus d’énergie qui n’est pas dépensée par la chasse active de thons de petites et moyennes tailles. Ces animaux profiteraient de leur énergie non investie et de leur «temps libre» pour bousculer les voiliers et «jouer» avec les safrans. 

    Selon les statistiques qu’il a compilées, 11 des 15 orques impliquées dans les interactions avec des voiliers ou autres petits navires de plaisance prélèvent d’ailleurs des thons aux lignes ou dans les filets. Une majorité qui semble vouloir confirmer l’absence de coïncidence. 

    «Il est évident que nous avons affaire à un jeu, et même à une certaine tradition culturelle chez les orques ibériques», écrit Jean-Pierre Sylvestre, soutenant que les adultes transmettent ensuite ces pratiques aux plus jeunes. «Nous savons aussi que l’apprentissage fait partie intégrante du mode de fonctionnement des orques qui imitent leurs comparses», renchérit-il.  

    Il note au passage que ces interactions demeurent «occasionnelles» dans la mesure où on en dénombre en moyenne 155 par année depuis 2020 dans un secteur maritime pourtant très fréquenté par des milliers de voiliers et autres navires de plaisance. 

    DES DISCOURS TOMPREURS 

    Malgré les dégâts causés aux navires, Jean-Pierre Sylvestre est catégorique : il est trompeur et mensonger de qualifier ces interactions entre les orques et les navires «d’attaques». 

    «Si certaines parties des navires présentent rarement des traces de dents, les dommages prédominants causés aux gouvernails et quelquefois aux quilles sont dus à des frottements ou des coups de tête ou de corps», écrit-il. «Les orques ne ‘’dépècent’’ pas les gouvernails, comme elles le feraient lors des comportements de chasse.»

    Jean-Pierre Sylvestre déplore qu’une phobie de l’orque se soit installée dans cette région du monde depuis 2020. Une peur «appuyée par des récits et des commentaires mélodramatiques dans les médias et sur internet», croit le spécialiste. Il rappelle au passage que la diffusion de film très populaire «Les Dents de la mer», en 1975, a créé une peur des requins qui ne s’est jamais vraiment estompée depuis. 

    «Avec cette étude, nous appelons les différents supports médiatiques et le public à éviter de projeter des récits diffamatoires et spectaculaires sur ces animaux. En l’absence de preuves supplémentaires, les gens ne devraient pas supposer qu’ils comprennent les motivations de ces mammifères marins.»

    L’été dernier, Info Dimanche racontait que M. Sylvestre était sur le point de s’envoler pour l’Espagne afin de participer à une expédition en mer visant à étudier le comportement de ces orques en danger critique d’extinction. 

    Le projet, organisé en collaboration avec l’organisation Green Armada, a finalement été reporté de quelques semaines en raison d’un bris d’équipement. Un écueil qui a incité M. Sylvestre à revenir au pays plus tôt que prévu, mais qui ne l’a pas empêché de poursuivre ses études. 

    Le passionné continuera d’ailleurs de suivre le dossier au cours des prochains mois. Si d’autres hypothèses doivent être approfondies pour expliquer les agissements des orques ibériques, des pistes de solutions concrètes doivent aussi être amenées afin de faciliter la cohabitation entre l’humain et l’espèce dans les eaux de la péninsule ibérique et au large des côtes françaises.

     

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