Les professionnelles en soins de Trois-Pistoles lancent un cri du cœur
Cindie Soucy, présidente du Syndicat des professionnels en soins infirmiers et cardiorespiratoires du Bas-Saint-Laurent et porte-parole régionale de la Fédération interprofessionnelle de la santé.
Dre Émilie Pelletier avait pris la parole lors d’un rassemblement devant le Centre hospitalier de Trois-Pistoles, le 6 février.
Le 19 mars, une équipe de 14 infirmières de l’urgence de Trois-Pistoles a envoyé une lettre ouverte au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, afin de dénoncer la fermeture éventuelle de l’urgence de nuit. Cette mesure est envisagée dans le contexte des coupes budgétaires en santé exigées par Santé Québec, précarisant ainsi l’accès aux soins de santé pour la population régionale.
«Elles n’ont pas décidé de prendre la parole pour rien […] Il n’y a pas de prix à une vie, ça c’est indéniable», lance Cindie Soucy, présidente du Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires du Bas-Saint-Laurent et porte-parole régionale de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ). «Elles ont fait preuve de courage, ça c’est clair», souligne-t-elle.
En prenant ainsi la parole publiquement, les professionnelles en soins veulent s’assurer que la réduction des heures d’ouverture de l’urgence de Trois-Pistoles n’apparaisse pas au plan de redressement budgétaire du CISSS du Bas-Saint-Laurent.
«Quand des professionnelles en soins décident de s’afficher avec leurs noms, c’est parce qu’elles considèrent que le sujet est assez important pour pouvoir le faire. Quand on lit la lettre, on sent réellement leur inquiétude pour la population qu’elles desservent et pour l’accessibilité à des soins de santé sécuritaires», ajoute Mme Soucy.
Selon elle, les infirmières présentes sur le terrain sur les personnes les mieux placées pour comprendre les conséquences éventuelles d’une fermeture de l’urgence sur la santé de la population. Les professionnelles en soins abordent entre autres l’augmentation des délais de prise en charge, qui génèrent des risques supplémentaires pour la santé des patients.
«Elles ont toujours peur des avis disciplinaires qui peuvent venir avec leur prise de parole. Elles ont décidé d’y faire face si jamais ça arrive. On ose croire que le CISSS du Bas-Saint-Laurent n’osera pas aller jusque-là. Ce serait honteux de leur part», avance Cindie Soucy.
D’après la porte-parole de la FIQ au Bas-Saint-Laurent, les infirmières de l’urgence de Trois-Pistoles veulent rallier la population à leur cause en signant cette lettre ouverte. «Elles ne pourront pas se battre seules contre toutes ces mesures d’austérité. Elles auront aussi besoin de la population derrière elles.»
L'une des signataires, Kim Beaulieu, a peur que son poste d'infirmière auxiliaire soit aboli. Elle pense déjà à un plan B, à l'instar de plusieurs autres collègues. «Nous avons à cœur le bien être de nos patients, et nous sommes inquiets de la possibilité de la fermeture de nuit, puisque la population des Basques est très vulnérable et vieillissante. Pour plusieurs d’entre nous, cela touche directement des membres de nos familles y habitent. Nous gardons espoir que le plan de fermeture sera rejeté.»
Le samedi 15 février, plus de 600 personnes ont marché dans les rues de Trois-Pistoles afin de demander le maintien des soins médicaux d'urgence 24 heures sur 24. Cindie Soucy rappelle au ministre Christian Dubé qu’il ne doit pas oublier ses obligations envers la population du Québec et des régions. «C’est quand même très particulier que des professionnelles en soins doivent rappeler au ministre Dubé l’article 5 de la Loi sur la santé et les services sociaux.»
Le CISSS du Bas-Saint-Laurent a annoncé la semaine dernière des coupes de 142 postes «principalement administratifs» qui s’ajoutent à une réduction de 41 postes abolis à l’automne 2024. «C’est encore le néant pour nous à la FIQ ou pour les autres organisations syndicales. C’est très dur d’avoir de l’information. Le CISSS nous dit qu’il va nous donner l’ensemble de l’information lorsque l’agence Santé Québec aura fini d’approuver les mesures retenues. On attend incessamment ces mesures-là», précise Mme Soucy. Elle s’attend à obtenir plus d’information lors de la présentation du budget provincial le 25 mars.
Voici en intégralité la lettre ouverte des professionnelles en soins qui a été envoyée au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé :
L’accès aux soins dans les régions est-il une priorité?
Monsieur le ministre,
En tant qu’infirmières, nous sommes profondément préoccupées par la menace de fermeture de l’urgence de Trois-Pistoles la nuit, annoncée il y a près d’un mois dans le contexte de coupes budgétaires actuelles. Depuis un mois, nous redoutons que cette annonce soit mise à exécution, ce qui mettrait en danger la qualité et la sécurité des soins dans la région. Depuis un mois, nous naviguons dans le néant sur l’avenir des soins aux patient-e-s. Il est temps de donner l’heure juste aux citoyennes des Basques ainsi qu’aux employé-e-s de la santé qui seront aux premières loges pour recevoir les contre-chocs si l’urgence devait fermer la nuit. En fait, il est nécessaire de nous assurer que ce scénario n'est plus envisagé et que l’accès aux soins en région est toujours une priorité du ministre.
La qualité et la sécurité des soins compromis
La fermeture de l’urgence la nuit compromettrait gravement la qualité des soins et la sécurité des patient-e-s. En cas d’urgence, les chances de survie diminuent considérablement avec le délai additionnel nécessaire pour transporter un-e patient-e vers l’urgence de Rivière-du-Loup ou de Rimouski, augmentant ainsi les risques de décès ou de complications graves. Les délais d’intervention pour les ambulanciers seront inévitables, engendrant une prise en charge plus lente. Cela va au-delà de la question des coûts : il s'agit de vies humaines que nous ne pouvons sacrifier.
La situation actuelle dans les urgences de la région est précaire. Les hôpitaux environnants sont saturés, manquent de lits d’hospitalisation et ne peuvent accueillir davantage de patient-e-s. La fermeture de l’urgence de Trois-Pistoles n’aurait pour effet que de dégrader davantage l’accès aux soins de santé au Bas-Saint-Laurent. Est-ce que pour vous les gens qui vivent aux Basques sont moins importants que le reste de la population? Pourquoi les gens vivant en région n’auraient-ils pas le droit aux mêmes services de proximité pour les soins de santé que les gens qui vivent en ville?
Une question d’économie, vraiment?
Fermer l’urgence de nuit implique de devoir transférer tous les patient-e-s sur civière dans un autre établissement situé à plus de 50 kilomètres. Avec tous ces transferts interhospitaliers que cela entraînera, et ce, aux frais du CISSS, on dépasse largement le salaire d’un médecin et de 2 infirmières. De plus notre unité 24-72 heures coûte beaucoup moins cher qu’une hospitalisation en centre hospitalier. Alors, elle est où cette économie d’argent? Et puis, quel sera votre plan quand les routes ferment lors d’intempéries, comme cela a été plusieurs fois le cas dans les dernières semaines?
La santé, un droit!
L’article 5 de la Loi sur la santé et les services sociaux est clair : «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire.»
Monsieur le ministre Dubé, tout ce que nous voulons, c’est que le droit à la santé de nos concitoyennes soit respecté. Fermer l’urgence de l’Hôpital de Trois-Pistoles ferait en sorte de voir ce droit compromis.
L’équipe des infirmières de l’urgence de Trois-Pistoles,
Kim Beaulieu, Justine Leblond, Diane Lepage, Lorrie Côté, Véronique Bernier, SarahJane Landry-Joncas, Caroline Bisson, Rachel Labelle, Pascale Godbout, Joanie Ouellet, Emmanuelle Lajoie, Stéphanie Dionne, Jérome Richer, Catherine Alexandra Rioux.
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