Les stations-service du Nouveau-Brunswick font de l’œil aux automobilistes de Dégelis
L’abolition de la «taxe carbone» sur le carburant vendu dans les stations-service du nord du Nouveau-Brunswick, près de la frontière avec le Témiscouata, ne pousse pas encore tous les automobilistes de Dégelis à franchir plusieurs kilomètres pour faire le plein. Mais cela n’empêche pas certains d’entre eux de se laisser tenter par un petit rabais à la pompe.
Le gérant d’une station-service de Saint-Jacques, au Nouveau-Brunswick, ne cache pas accueillir plus de clients québécois depuis le 31 mars, date à laquelle la taxe carbone sur le carburant a été abolie au pays.
Au moment de l’appel avec Info Dimanche, le 3 avril, son carburant était vendu environ 13 cents le litre de moins qu’au Québec, soit 1,42 $ contre 1,55 $ le litre au nord de la frontière.
«J’ai remarqué cette semaine une petite hausse de fréquentation du Québec. C’est similaire à ce qu’on vivait avant l’introduction de la taxe [en 2019]», a-t-il partagé en préférant ne pas être identifié.
Rappelons que le Québec est, depuis la fin mars, la seule province à ne pas avoir abandonné son système de tarification du carbone. Plusieurs territoires frontaliers comme Pointe-à-la-Croix en Gaspésie, ou Gatineau en Outaouais, remarquent un vrai mouvement des automobilistes vers les stations-service des provinces voisines.
À Dégelis, la situation est un peu moins marquée, notamment parce que la distance à parcourir est plus importante et que le rabais est, de surcroit, moins alléchant. N’empêche, des citoyens du Témiscouata traversent régulièrement la frontière, selon des témoignages récoltés par le journal.
«C’est certain que des citoyens vont aller à Edmundston, au Walmart ou au restaurant, et vont en profiter pour mettre de l’essence avant de revenir», confirme le maire de Dégelis, Gustave Pelletier.
«Avant, les gens allaient au Maine pour faire le plein. Ils s’amenaient des réservoirs. Maintenant, les gens n’iront plus, mais avec 15 ou 20 cents de différence, c’est vers le Nouveau-Brunswick qu’ils vont se diriger. C’est malheureux pour nos propriétaires de stations-service.»
ET PUIS, CET ÉTÉ?
Il faudra voir si le gouvernement québécois s’ajustera au cours des prochaines semaines. Si la situation n’évolue pas – et que la province conserve sa propre tarification –, il sera aussi intéressant d’observer les changements dans les habitudes des consommateurs durant la période estivale, soutient Benoît Dufresne, propriétaire du Crevier Express situé sur l’avenue du Longeron, aux abords de l’autoroute 85, à Dégelis.
Pour le moment, l’homme d’affaires ne constate pas un exode de ses clients locaux vers le sud. Il est toutefois bien au fait qu’il est situé à environ 24 kilomètres de la station-service néo-brunswickoise la plus proche, soit 32 minutes de route aller-retour.
«Est-ce que les gens vont prendre tout ce temps pour économiser environ 5 dollars sur un réservoir de 55 litres? Je ne crois pas», a-t-il dit.
Il reste toutefois curieux de voir comment les choses vont se dérouler dès la fonte des neiges, période où la circulation automobile va s’accentuer entre le Québec et les Maritimes.
«J’ai hâte de voir si les voyageurs vont décider d’arrêter quand même, ou s’ils vont attendre de traverser pour faire le plein», a reconnu M. Dufresne. «Il pourrait y avoir un impact à ce niveau-là, mais ça ne m’inquiète pas trop pour le moment.»
Au Nouveau-Brunswick, le travailleur avec qui s’est entretenu Info Dimanche croit aussi que l’été pourrait amener davantage de clients du Québec. «En ce moment, c’est la pire période de l’année. Dans quelques semaines, la situation pourrait être fort différente» à l’avantage du Nouveau-Brunswick, selon lui.
Gustave Pelletier estime aussi que les camionneurs pourraient jouer un rôle clé pour les stations-service du Québec. «S’ils attendent de traverser au Nouveau-Brunswick, ou qu’ils s’assurent de s’arrêter avant d’arriver au Québec, ça pourrait faire mal», a-t-il évoqué. Il est d’avis que le gouvernement devra analyser «sérieusement» la situation.
LE PQ DÉPOSE UNE MOTION
Le jeudi 10 avril, le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a déposé une motion à l'Assemblée nationale concernant le prix de l'essence. Selon le PQ, l'Assemblée nationale doit déplorer «l’iniquité dans les prix de l’essence entre le Québec et les autres provinces» et énoncer «qu’il s’agit d’une injustice pour les consommateurs québécois et d’un désavantage concurrentiel intenable pour les entreprises québécoises».
L'Assemblée nationale doit aussi rappeller que l’Assemblée nationale du Québec a réitéré à l’unanimité le 9 avril 2025 son intention de maintenir le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission (SPEDE), et qu'elle invite le gouvernement à utiliser d’autres moyens afin d’harmoniser les prix avec les provinces voisines.