Harold Bouchard en entrevue
Le 17 décembre 2004, la vie de Harold Bouchard a basculé. Arrêté sur la rue Lafontaine alors qu'il se rendait à son lieu de travail, il a par la suite été accusé d’agressions sexuelles, de contacts sexuels et d’incitation sexuelle sur une personne d’âge mineure. À la suite de son procès, trois ans plus tard, il a été blanchi de toutes ces accusations. Pas seulement innocenté, mais complètement blanchi. Qui plus est, le juge Lassonde, dans son jugement, mentionne que la preuve soumise soulève des questions inquiétantes, que les témoignages de la supposée victime étaient pour le moins contradictoires. C'est sans compter l'enquête policière qui a mené à son arrestation. Mais ces considérations et ces questions trouveront leurs réponses devant le tribunal.
Parce que le 17 septembre 2008, Harold Bouchard a déposé une poursuite au civil contre la Ville de Rivière-du-Loup, le policier Nelson Lepage, la présumée victime de cette affaire et ses parents. M. Bouchard et ses avocats réclament la somme de 739 000 $, en réparation des torts subis et comme dommages punitifs. « Je n'agis pas par vengeance. Après avoir discuté longuement avec ma femme et mes enfants, nous sommes venus à la conclusion qu'il fallait passer par là (la poursuite). Depuis trois ans, je suis défait. Je ne dors toujours pas mes nuits aujourd'hui. C'est quelque chose qui ne me quittera jamais. Mais si cela peut aider à ce que quelqu'un ne revive pas ce que j'ai vécu, tant mieux » explique Harold Bouchard. Il souligne par contre qu'il ne veut pas du tout se faire le porte-étendard d'une quelconque cause. Simplement que pour lui et sa famille, il s'agissait de la marche à suivre, de l'étape à franchir. La famille Bouchard est rendue là dans son cheminement.
3 ans de cauchemar
Cet homme simple, père de famille dévoué, avoue avoir vécu difficilement depuis trois ans. Lui et sa famille ont ressenti toute la gamme des émotions et des sentiments imaginables. « Tu n'imagines pas ce à travers quoi je suis passé, dit-il. Si je dors deux heures de suite dans une nuit, je suis content. Et pour ma famille, ça n'a pas été évident non plus. Aujourd'hui j'ai recommencé à travailler. Mais au début des procédures, j'ai dû arrêter quelque temps, parce que la situation était très difficile à gérer » confie-t-il. L'homme a toujours de la difficulté à s'expliquer ce qui s'est passé, surtout à répondre à la question : « Pourquoi? ». Harold Bouchard était très impliqué dans le baseball et le hockey mineur à Rivière-du-Loup. Il entraînait des équipes, avait une belle relation avec les jeunes et leurs parents. Puis tout a dérapé, un jour de décembre 2004.
L'homme ne se berce pas d'illusions sur la société d'aujourd'hui, qui juge une personne présumément innocente jusqu'à preuve du contraire. Mais sa démarche aujourd'hui est une démarche personnelle, pour tenter de réparer ce qui est brisé en lui, pour montrer l'exemple à ses enfants. Parce qu'il faut se tenir la tête haute devant l'adversité, il faut faire preuve de courage quand la vie vous tape dessus. Au-delà de la vengeance, il y a la justice. Celle d'une personne innocente qui se fait juger, sur qui pèse le regard d'autrui. Du courage, Harold Bouchard en a à revendre. Trois semaines après son arrestation, il était à l'aréna pour encourager ses fils au hockey. On tente de se mettre à sa place et on se demande combien de personnes auraient fait la même chose? Il se fait arrêter et accuser par les policiers de sa ville, et quelques mois plus tard, il se rend au poste municipal afin de porter plainte lorsque qu'un méfait est causé sur son véhicule, alors stationné au centre-ville. Qui d'entre vous aurait fait la même chose? Qui d'entre vous serait resté à la maison, laissant passer l'histoire, sans mot dire? Ces deux exemples illustrent bien l'homme assis en face de moi. Quelqu'un d'honnête et de courageux qui tente de transmettre les meilleures valeurs possibles à ses trois enfants, tout en les encourageant à avoir confiance en la vie.
Évidemment, c'est impossible de se mettre dans la peau de Harold Bouchard. On n'imagine pas à travers quoi l'homme est passé, d'autant plus que ce n'est pas fini et que ce ne le sera jamais. Ce genre d'épreuve marque à vie. Même si l'on voulait, on aurait de la difficulté à imaginer ce par quoi Harold Bouchard est passé depuis trois ans. Mais comme il le dit lui-même, il faut continuer à vivre, il faut passer à un autre appel. « C'est sûr que parfois je souris, que j'ai du plaisir avec mes amis. Il faut continuer à vivre. On ne peut pas vivre avec cette chose là toujours en tête. Il faut parfois mettre son masque pour jouer le rôle qu'on a à jouer en société. Mais quand je franchis la porte de ma maison, je suis moi-même, sans masque et marqué pour toujours ».
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