« Sans mot »… pour briser le silence
Rivière-du-Loup • Le dimanche 23 août dernier, vers 22 h 20, Félix Ouellet âgé de 15 ans, en compagnie d’un ami, tente de rejoindre un camp de fortune situé sur un terrain derrière le Centre d’hébergement Saint-Joseph, sur la rue Joly à Rivière-du-Loup. Il fait noir. Un pied glisse, quelqu’un chute.
Huit mètres plus bas, Félix gît inconscient, grièvement blessé à la tête. C’est la consternation chez ses amis. Sa vie et celle de ses parents et amis bascule. Une histoire qui va bien au-delà du fait journalistique. Parce que l’histoire de Félix, c’est aussi l’histoire d’une chanson : « Sans mot ».
Cliquez ici pour écouter la chanson « Sans mot », de Martin Sirois.
Cette chanson, c’est à Martin Sirois, alias V-riDik, un jeune compositeur/interprète de 15 ans, qu’on la doit. « Je clavardais sur MSN quand mon amie m’a dit de mettre une fleur à mon nom pour Félix. Je ne savais pas ce qui lui était arrivé. Je savais qui il était, mais je ne le connaissais que de vue. Quand on m’a raconté l’histoire, j’étais abasourdi », raconte le jeune étudiant en quatrième secondaire à l’École secondaire de Rivière-du-Loup.
Félix est transporté d’urgence dans un centre hospitalier de Québec. Toujours inconscient, on craint pour sa vie. La chute a été brutale et les blessures laissent craindre le pire. Dans le coma, il sera intubé et placé sous un respirateur artificiel. C’est dans ce silence, rompu par le cliquetis du respirateur, que débute le combat de Félix.
« J’ai craint que l’on me perçoive comme un opportuniste », raconte le jeune chanteur. La sincérité de ses paroles prouve bien le contraire. Il ne chante pas pour être admis dans une quelconque émission de téléréalité, il ne cherche pas à remporter une maison ou un voyage en République dominicaine. En deux jours, il compose « Sans mot »… pour Félix et ses amis.
« Au rassemblement qui a été organisé pour Félix, j’ai montré les paroles et on m’a encouragé à en faire une chanson », raconte Martin Sirois. Après quelques hésitations, il se dote d’un micro, d’un logiciel de montage et après quelques essais, il enregistre cette chanson aux airs de hip-hop et de rap. « J’étais déçu de la qualité de l’enregistrement », raconte le jeune chanteur. Pourtant, sur MSN comme sur Facebook, on s’arrache la chanson.
Pendant ce temps, Félix Ouellet sort de son coma. Il ne parle pas et c’est avec peine qu’il peut bouger un doigt. Parents et amis sont présents à son chevet. C’est un combat qu’ils font ensemble. C’est alors qu’arrive cette chanson qui ne figure sur aucun palmarès, ni chez les disquaires. Pourtant, pour de nombreux adolescents, c’est la chanson de l’année.
« Il y a quelques jours, j’ai rencontré sa mère, elle m’a dit que Félix suivait le beat avec les doigts. Elle m’a dit que c’était une belle chanson. Elle a mis la chanson sur un cédérom. Aussi, une partie des paroles de « Sans mot » que j’avais écrites sur un carton sont dans sa chambre », raconte Martin.
C’est un collègue d’Info-Dimanche qui m’a fait découvrir « Sans mot ». Son fils, un ami proche de Félix, lui a fait entendre la chanson. Ensemble, émus, ils y ont reconnu l’adolescent. Il me l’a fait écouter et j’ai compris dans son regard tout le bien dont la chanson est porteuse.
Parce que ça touche simplement tout le monde qui a un cœur…
Parce que t'es un gars qui fait la différence pour plusieurs
Toute cette tragédie causée parce que t'as perdu pied
Tout le monde le dit c'est toujours les meilleurs qui partent en premier
Mais même si t'en fais partie on te laissera pas t'en aller
Tout le monde veut le meilleur pour un gars qui l'a pas mérité
On est toute là pour t'aider et te supporter
Pourquoi toi, Pourquoi là, c'est s'quon ne cesse de s'répéter
C'est sûr qu'on sent impuissant devant la réalité »
C’est l’histoire d’une chanson, mais c’est aussi l’histoire d’un combat que livre un jeune adolescent pour reprendre le cours de sa vie. Aujourd’hui, Félix prend du mieux. Il respire maintenant sans l’aide d’appareil, il arrive à se nourrir de purée, à faire quelques pas et à effectuer des signes de la main.
C’est un combat de titan, et c’est entouré de sa famille, de ses amis, et de bien d’autres, touchés par son histoire, touchés par la chanson, que Félix Ouellet va l’emporter. Il n’est pas seul. Et si l’on reste « sans mot » devant cet accident aussi terrible qu’inutile, un jeune homme sans formation musicale, lui, les a trouvés.
Il ne reste plus à Félix et Martin qu’à se rencontrer. « Je suis au courant de toutes ses nouvelles, mais je ne l’ai pas encore vu. J’hésite à le rencontrer, j’ai peur qu’il se dise : « C’est qui, lui, qu’est-ce qu’il fait là », je ne veux pas le déranger », raconte le jeune musicien. Comment lui faire comprendre que c’est tout le contraire qui risque de se produire? La réponse appartient à Félix.
D’ici là, Martin Sirois participera avec son amie, Marily Morin, aux auditions de Secondaire en spectacle. Ils y chanteront une nouvelle chanson : « On voulait qu’tu saches », composée par Martin et Marily et qui est aussi dédiée à Félix. « La semaine dernière, la mère de Félix nous a donné des photos de lui. Elles feront partie du spectacle », raconte-t-il.
À maintes reprises lors de l’entretien, il a tenu à préciser qu’il ne cherche aucunement la publicité. Il a fait la chanson dans un seul but. « Je pense à Félix. J’ai fait cette chanson-là pour les gens qui sont proches de lui et qui n’arrivent pas à s’exprimer. Beaucoup de gens l’aiment, c’est quelqu’un de bien », conclut Martin Sirois.
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