L’avenir de nos églises, un enjeu social
La pratique religieuse a diminué au point où les frais de gestion ont littéralement englouti les fabriques et leur capacité de payer. De moins en moins fortunées, elles deviennent paralysées par une carence de revenus due à la décroissance de la clientèle.
En réponse à cette crise que vit l’Église catholique et qui ne cesse de s’aggraver, plusieurs fabriques ont tout simplement décidé de vendre ces monuments devenus trop lourds à supporter et entretenir. Or, ce phénomène a eu un effet mobilisateur chez plusieurs spécialistes du patrimoine qui se sont penchés sur la question : existe-t-il un avenir pour nos églises?
Mélanie Milot, coordonnatrice à la culture et au patrimoine à la MRC de Rivière-du-Loup.
Photo : Hugues Albert
Hors de l’Église, point de salut?
Mélanie Milot, coordonnatrice à la culture et au patrimoine à la MRC de Rivière-du-Loup, pilote un dossier qu’elle juge particulièrement relevé, un défi monumental, pourrait-on dire, qui la passionne mais la fait réagir avec réalisme. Hors de l’Église, point de salut, a-t-on souvent entendu à une certaine époque, les tenants de la foi catholique claironnant alors avec arrogance que le Ciel n’était assuré qu’à leurs disciples. Ironiquement, la sentence tient encore la route mais dans une toute autre optique, plus terre à terre : revenez à l’église si vous voulez qu’on en assume les frais et qu’on la garde ouverte!
En avril 2009, un colloque sur l’avenir des églises du Bas-Saint-Laurent avait été organisé mettant en présence des représentants municipaux, des diocèses, des fabriques et des agents de développement des huit MRC de la région.
L'église de Saint-Modeste.
« À la suite de ce colloque, plusieurs municipalités de la MRC ont senti l’urgence de se concerter, indique Mme Milot. Depuis un an, plusieurs rencontres ont été organisées et des comités locaux ont été créés, entre autres à Saint-Cyprien, Saint-Modeste et Saint-Épiphane. Ces comités se sont donné comme mandat de réfléchir à un projet collectif qui pourrait prendre place dans leur église. »
Une utilisation de 5 heures par mois
Ces communautés s’affairent à inventorier les besoins actuels et futurs aussi bien dans les domaines sociaux, culturels, sportifs, communautaires qu’économiques. Et un constat se dégage de ce remue-méninge : l’église pourrait-elle présenter d’autres usages que l’unique pratique religieuse?
« Au cœur de nos communautés, ces temples sont souvent les plus beaux et les plus grands mais ils ne sont utilisés que cinq heures par mois en moyenne, mentionne encore Mme Milot. Sommes-nous prêts à faire des compromis afin de maintenir ces bâtiments dans notre paysage municipal? L’église pourrait-elle servir de salle communautaire, de garderie, de gymnase, de bibliothèque ou encore de musée? Il est important que chaque milieu adopte sa stratégie et avance à son rythme dans cette réflexion mais le statu quo n’est plus une solution et d’un autre côté, démolir une église comporte aussi un impact financier pour une communauté. »
L'église de Saint-Épiphane.
La démolition de tels immeubles peut coûter entre 100 000 et 400 000 $, avancent des spécialistes de la question, en plus de créer une fissure dans le paysage municipal. Le défi est donc le suivant pour Mélanie Milot. « Voulons-nous investir dans une démolition ou dans le maintien de bâtiments solides et empreints d’histoire? », questionne-t-elle.
« Il existe de beaux exemples de cohabitation d’usages dans les églises qui nous laissent croire qu’il est possible de rêver à une église multifonctionnelle. La réflexion est lancée et c’est à chaque milieu de manifester son attachement à son église et de choisir de quelle manière il souhaite la préserver, que cela passe par un changement de vocation ou non. » La solution dans chaque cas ne relève pas strictement des fabriques en place mais bien de toutes les forces du milieu qui doivent exprimer leurs besoins et conjuguer leurs efforts.
Un exemple de cohabitation à l'intérieur d'une église : celle de Saint-Gabriel-de-la-Durantaye, dans Bellechasse.
« Les églises ne peuvent accueillir tous les projets et certaines vont devoir disparaître », estime Mme Milot. Certaines vont être vendues comme à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs en 2008 où la municipalité l’a acquise. Cinq presbytères ont déjà été vendus dans la MRC de Rivière-du-Loup.
Évaluation patrimoniale
Au Bas-Saint-Laurent, on dénombre 108 lieux du culte érigés entre 1805 et 1945 qui ont été évalués et hiérarchisés entre 2003 et 2004 par le Conseil du patrimoine religieux du Québec dans le cadre du Programme de soutien à la restauration du patrimoine religieux, selon des critères préalablement définis touchant la valeur historique et symbolique ainsi que la valeur d’art et d’architecture.
La MRC de Rivière-du-Loup compte deux des trois églises évaluées au niveau A (Incontournable) au Bas-Saint-Laurent, cinq sur 15 au niveau B (Exceptionnel) et deux autres sur 12 au niveau C (Supérieur).
Les églises ayant reçu la cote A sont celles de Saint-Georges-de-Cacouna, Saint-Bartholomew de Rivière-du-Loup ainsi que celle de Saint-André. La cote B a été décernée à celles de Saint-Patrice, Saint-François-Xavier, L’Isle-Verte, Saint James The Apostle (Cacouna), la Chapelle Sainte-Anne-des-Ondes de Rivière-du-Loup ainsi que Notre-Dames-des-Neiges de Trois-Pistoles. On a attribué la cote C aux églises de Saint-Arsène et de Saint-Hubert ainsi qu’à l’église Marie-Médiatrice de Pohénégamook.
La façade de l'église de Saint-Cyprien.
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