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Réjean Chouinard : 50 ans à façonner le bois chez Lepage Millwork

durée 10 février 2024 | 06h30
  • Lydia Barnabé-Roy
    Par Lydia Barnabé-Roy

    Journaliste de l'Initiative de journalisme local

    Alors que l’on touche du bois dans l’espoir d’éviter la malchance ou pour se porter chance, Réjean Chouinard le manie, le coupe, le travaille quotidiennement afin de rester fidèle à sa passion. À travers ses 50 années de service chez Lepage Millwork, le traceur de formes architecturales a toujours repoussé ses limites, s’est renouvelé, développant une expertise unique dans son domaine.

    L’homme de 70 ans diplômé en menuiserie se distingue par sa débrouillardise, sa créativité, son esprit d’innovation. «J’invente», indique M. Chouinard. Dans les années 70, les travailleurs fabriquaient les morceaux un à un, sans machine (ou très peu) pour les aider. 

    «Quand j’ai commencé et que je n’avais pas les outils, il y a bien des affaires que j’ai modifiées moi-même pour pouvoir travailler», partage-t-il. Il agrandissait des tables ou en inventait, il modifiait même le bout de machines pour réussir à faire des motifs dans le bois. Il réinventait son métier à chaque commande passée, à chaque demande plus complexe.

    À ses débuts le 14 aout 1973, l’entreprise d’une douzaine d’employés était toujours aux mains de la famille Lepage. M. Chouinard déchargeait le bois des camions et le cordait. Le fils d’Alphonse Lepage, Jean-Pierre, «a commencé à me donner plus de responsabilités parce qu’il voyait les capacités que j’avais», se remémore le traceur.

    Il s’est donc mis à fabriquer des châssis coulissants en chêne de Colombie. Un jour, l’entreprise a eu des demandes pour des fenêtres en baie, «bay windows» en termes anglophones. «Personne ne voulait les faire […] J’ai essayé, et ça a marché», raconte Réjean Chouinard.

    Lui qui avait commencé à travailler à l’usine grâce à l’un de ses frères est donc resté. Il a toujours eu un gout pour créer des «choses spéciales», il voulait toucher à tout. «J’avais un intérêt pour ça, je ne voulais pas faire un travail de routine[…] Plus c’est compliqué, mieux c’est», confie-t-il. En plus, il pouvait travailler toute l’année durant, sans avoir recours au chômage. 

    DE LEPAGE À BONNEVILLE

    Réjean Chouinard a continuellement amené de la nouveauté chez Lepage Millwork et aucun de ses patrons ne l’a empêché de le faire. Ils ont laissé la place à ses idées. Tous ont eu confiance en lui. 

    «Quand Guy Bonneville est arrivé [en 2001], il est arrivé avec une bonne équipe», souligne le traceur. M. Bonneville a été clair dès le début avec les employés : l’entreprise allait connaitre une belle croissance. «Je ne le croyais pas tellement», avoue M. Chouinard. Aujourd’hui force est de constater que l’homme d’affaires et ses fils, François-Xavier et Marc-Antoine ont élevé Lepage Millwork à un autre niveau. «Aujourd’hui, je le crois», soutient Réjean Chouinard.

    Au fil des ans, les projets se sont complexifiés, les usines ont été modernisées à la fine pointe de la technologie, les employés se sont multipliés pour atteindre le nombre de 500. «On s’est adapté, on a évolué […] Il faut se mettre dans la tête qu’on apprend pas instantanément», avance Réjean Chouinard.

    UNE EXPERTISE INÉGALÉE

    «Son expertise, il n’y a pas beaucoup de gens qui l’ont», partage le directeur Marketing et Communications chez Lepage Millwork, Jean-Philippe Dubois. Parfois, l’entreprise est approchée pour «des projets qu’aucune compagnie n’est capable de faire, donc ils viennent nous voir chez Lepage et, souvent, ça tombe dans la cour à Réjean», informe-t-il.

    Tout au long de sa carrière, le traceur a travaillé sur tellement de projets qu’il lui est impossible de les compter. Il a notamment fabriqué des portes du Château Frontenac, des châssis du Vassar College, des fenêtres au chalet de l’ancien joueur de hockey et copropriétaire des Penguins de Pittsburgh, Mario Lemieux, dans les Laurentides, à la résidence de l’acteur américain Richard Gere et une église mormone en Ontario.

    «Je pourrais écrire un livre épais sur mon expérience, j’ai plein d’anecdotes.» -Réjean Chouinard

    «À Rivière-du-Loup, je me promène et je vois des affaires sur lesquelles j’ai travaillé», mentionne-t-il. Il a, par ailleurs, fait les fenêtres en arc de la façade de Vézina Mode.
    En plus d’être manuel, visuel et sérieux, Réjean Chouinard apporte de la joie de vivre et la bonne humeur au sein de l’usine. Il rassemble et adore partager ses connaissances avec les autres. Avec le temps, il a aussi développé diverses techniques de travail qui lui sont propres et une belle confiance en soi.

    Depuis deux ans, Réjean Chouinard est en préretraite. Il a donc délaissé son titre de chef d’équipe. Il travaille trois jours et demi par semaine. Si on lui avait dit, il y a 50 ans, qu’il serait toujours chez Lepage Millwork, il n’y aurait cru qu’à moitié. «Je me serais dit qu’il faut que ça aille bien en baptême!».

    Le traceur ne le cache pas : il est bien chez Lepage Millwork. Le fait qu’il y ait passé toute sa carrière, un demi-siècle, «montre que l’entreprise est saine», conclut-il. C’est d’autant plus honorable puisque ce type d’emploi était dur physiquement, croit M. Dubois. 

    Réjean Chouinard compte continuer de travailler encore quelques années, tant que sa santé le permet. «Je vais arrêter de travailler, quand je vais le décider […] ou jusqu’à tant que les boss ne m’endurent plus», a-t-il blagué.
     

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