Profondes inquiétudes chez Aliments Asta et à l’Hôtel Lévesque
Le secteur manufacturier pourrait être fortement touché par les nouvelles mesures fédérales sur l’immigration temporaire, mais il n’est pas le seul. Les domaines de l’hôtellerie et de la transformation de la viande, qui comptent eux aussi sur la présence de plusieurs travailleurs étrangers temporaires (TET), se sentent tout autant impuissants devant les nouvelles règles imposées par Ottawa.
Dans la région, les réactions sont vives devant le resserrement de l’immigration temporaire, lequel pourrait forcer le départ de nombreux travailleurs locaux. Les craintes sont aussi nombreuses, alors qu’on essaie toujours de comprendre comment naviguer à travers les différentes modalités et paramètres.
«Ça nous crée vraiment de l’inquiétude, a confirmé Édith Laplante, directrice exécutive du développement organisationnel chez Aliments Asta. La réalité, c’est que nous n’avons pas eu beaucoup de délais pour nous préparer. On a été informés au mois d’aout et [les mesures] sont entrées en vigueur dès septembre. On aurait aimé un peu plus de temps, une période tampon, pour faire un plan de transition, voir nos possibilités, etc.»
Ce n’est pas un secret, la présence des travailleurs étrangers temporaires (TET) est cruciale pour le milieu de la transformation de la viande. Les entreprises peuvent d’ailleurs accueillir un pourcentage de TET plus important que dans d’autres domaines, mais elles seront tout de même touchées par le resserrement des règles imposées.
De fait, bien que la direction travaille activement sur des solutions (dont l’accompagnement dans le processus de résidence permanence), Aliments Asta estime qu’elle pourrait perdre plusieurs dizaines de travailleurs au cours des prochains mois. Un coup dur qui aura des impacts économiques et humains considérables pour le fleuron de Saint-Alexandre-de-Kamouraska.
«On a réussi à se stabiliser dans la dernière année et on a fait plusieurs agrandissements et mises à niveau majeures. Pour rentabiliser ces investissements-là, ça nous prend nos employés», a soutenu Mme Laplante.
«On est le prolongement de l’agriculture, un secteur qui a aussi besoin de travailleurs étrangers, et il faut être traité comme tel. Si on veut que les gens continuent à manger et que nos usines produisent, il faut nous laisser ces travailleurs-là.»
HÔTELLERIE
Le sentiment d’urgence est aussi palpable du côté de l’Hôtel Levesque de Rivière-du-Loup. Guillaume Lavoie, qui gère l’établissement hôtelier de la rue Fraser, mais aussi le Centre de santé l’Estuaire, le Days Inn et Le Fraser Motel, a accueilli la nouvelle avec surprise et déception.
S’il travaille toujours à évaluer les impacts concrets de la règlementation sur ses entreprises, il ne fait pas de doutes qu'ils ne sont pas porteurs d’espoir et de réjouissance. En entrevue, il a aussi regretté que le changement survienne à un moment où l’industrie de l’hôtellerie, l’une des plus affectées par la pénurie de main-d’œuvre, se sort à peine la tête de l’eau. Selon lui, les entreprises devraient pouvoir conserver leurs acquis.
«On commence à peine à reprendre notre souffle. On a vécu sur le respirateur artificiel pendant quelques années, en attendant la venue de ces travailleurs-là. On a investi, travaillé très fort pour les intégrer, les localiser et les accueillir, mais leur présence a enlevé énormément de pression sur nos équipes sur le terrain. Leur arrivée nous a permis de nous concentrer sur notre vrai travail, le rayonnement régional et l’hôtellerie», a résumé Guillaume Lavoie.
«Malheureusement, on vient de recevoir une gifle au visage. On nous dit de profiter des beaux moments parce qu’ils ne dureront pas […] C’est très inquiétant.»
LE FACTEUR HUMAIN
Quel que soit le domaine d’activités touché, un consensus émerge parmi les intervenants interrogés : les nouvelles mesures fédérales semblent oublier le facteur humain. Des hommes et des femmes pourraient fort bien voir leur rêve de s’établir au Québec anéanti.
«Ils ont tout quitté pour venir travailler dans nos entreprises. C’est tout un sacrifice. Ils travaillent bien, ils se sont intégrés, mais du jour au lendemain, il va falloir s’assoir avec eux pour leur expliquer qu’on a les mains liées», a déploré Guillaume Lavoie.
«Ils ne sont pas arrivés par la porte d’en arrière. On les a recrutés, passé en entrevue et évalué avant de les embaucher et de déposer une demande au gouvernement, a indiqué Édith Laplante. Depuis, ils se sont intégrés, ils ont joint notre équipe, notre famille. On veut les garder.»
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