Investissements de 170,5 M$
La traverse Bas-Saint-Laurent – Charlevoix lève l'ancre pour Cacouna
C'était un véritable secret de polichinelle, et c'est maintenant confirmé: après 115 ans d’existence à Rivière-du-Loup, la traverse mettra le cap sur Cacouna dès 2028. La vice-première ministre Geneviève Guilbault en a fait l'annonce ce jeudi 19 décembre à l'Hôtel Levesque de Rivière-du-Loup.
Flanquée de la députée de Rivière-du-Loup - Témiscouata, Amélie Dionne et de la PDG de la Société des traversiers du Québec (STQ), Greta Bédard, devant les nombreux représentants des médias, élus locaux et acteurs socioéconomiques, Mme Guilbault a annoncé des investissements de 170,5 M$ afin de construire de nouvelles installations au port de mer de Gros-Cacouna.
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Le nouveau port d'attache de la traverse sera situé au nord-est du quai, soit du côté de la falaise. L'échéancier du projet prévoit la mise en service complète des infrastructures de la STQ dès mars 2031, mais des installations temporaires devraient déjà permettre à la traverse de s'y installer dès juin 2028, après la fin du contrat avec l’entreprise Clarke.
La STQ justifie l’option retenue en se basant sur les résultats d’une étude d’opportunité réalisée il y a plus d’un an. Elle indique que le bassin de Cacouna est «calme et protégé» des conditions météo, que les taux de sédimentation sont «connus et acceptables» pour l’élimination du dragage récurrent et qu’on y trouve un «espace flexible» pour l’intégration d’aménagements terrestres.
Elle ajoute que le port a une «configuration favorable» pour offrir une prolongation du service et qu’on y retrouve un «fort potentiel de développement».
Surtout, ajoute la STQ, les couts de réalisation sont largement inférieurs et la durée des travaux anticipée (18 mois à Cacouna contre 48 mois à Rivière-du-Loup) réduira la période d’opération sur les installations temporaires.
«Les couts doivent être pris en compte. La capacité de payer des gens doit être prise en compte. C’est un facteur très important», a souligné la ministre Guilbault, évoquant un dossier «émotif», «difficile» et «déchirant». «C’est la décision la plus responsable, la plus logique et celle qui offre de belles possibilités», a-t-elle ajouté.
DES CENTAINES DE MILLIONS
Le ministère soutient que le maintien de la traverse à Rivière-du-Loup aurait engendré des couts de 665 M$ contre 170,5 M$. Toutefois, les couts d'exploitation à Cacouna sur une période de 25 ans seront légèrement plus élevés à Cacouna qu'à Rivière-du-Loup à raison de 304 M$ contre 285 M$. Le cout total pour conserver la traverse à Rivière-du-Loup est donc estimé à 950 M$ contre 475 M$ à Cacouna.
Une troisième option, cette fois du côté sud-ouest de Gros-Cacouna a aussi été envisagée. Il s'avère plus onéreux de seulement 1,5 M$ que le site retenu au pied de la falaise. Les couts sont de 172 M$ pour des frais sur 25 ans de 304 M$.
En conférence de presse, Amélie Dionne, députée de Rivière-du-Loup - Témiscouata, a réitéré plusieurs fois que son but était d'assurer la pérennité et le développement de la traverse de Rivière-du-Loup. En ce sens, «la décision de construire de nouvelles installations au port de Gros-Cacouna garantira un service fiable, prévisible et sécuritaire à long terme».
Ce choix, selon la STQ et le gouvernement du Québec, contribuera également à prolonger la saison de navigation. Si la STQ n’a pas souhaité s’avancer sur une possible traverse à l’année, préférant parler d’une prolongation dans la saison hivernale, la ministre Guilbault a été plus directe et affirmative dans la communication de presse.
À noter que c’est le Saaremaa I qui assurera la liaison entre Cacouna et Saint-Siméon. Il s’agit d’un «traversier moderne» qui a une «capacité supérieure» au NM Trans St-Laurent – jugé en fin de vie – et dont la coque renforcée permettra une navigation «dans les glaces». Ce navire, utilisé par la STQ afin d'assurer la relève au NM F-A Gauthier, a longtemps été pressenti pour prendre la relève à Rivière-du-Loup.
Une traversée entre Cacouna et Saint-Siméon durerait 85 minutes, contre 60 minutes pour Rivière-du-Loup-Saint-Siméon. La STQ estime malgré tout que l’offre de services n’y sera pas moindre au quotidien. Elle pourrait même être bonifiée.
ET RIVIÈRE-DU-LOUP?
À Rivière-du-Loup, un seul scénario a été étudié dans le cadre du dossier d’opportunité, lequel a été commandé il y a environ quatre ans maintenant. Il consiste au prolongement du quai actuel sur une distance d’un demi-kilomètre.
«En raison des sols non compétents (solides), le quai devait être très long et construit sur pieux à partir de l’ancien quai commercial. Comme il faut aller chercher la profondeur d’eau nécessaire pour diminuer les impacts du dragage et contrer les enjeux d’ensablement, les infrastructures devaient être construites sur 835 pieux», a décrit Greta Bédard, PDG de la STQ.
Elle a soutenu que l'enjeu initial n'a jamais été de délocaliser la traverse de Rivière-du-Loup. Elle a toutefois expliqué que le taux d’ensablement «très rapide» du site posait un véritable problème pour la pérennité du traversier. On retrouve à Rivière-du-Loup, a-t-elle dit, d’énormes contraintes.
En contrepartie, à Cacouna, le niveau d’eau est déjà adapté aux opérations, ce qui permet des travaux de moins grande envergure, a-t-on dit. À terme, en 2031, le nouveau quai comprendra une rampe de chargement et de déchargement ainsi qu'une aire d'attente. De plus, il abritera une gare fluviale certifiée selon les normes de durabilité LEED, a-t-on spécifié.
APPEL D’INTÉRÊT
Quant à l’appel d’intérêt lancé en janvier 2024 afin de voir si un opérateur privé serait en mesure d’offrir le service de traversier, il a été non concluant, selon le ministère des Transports du Québec.
Dans un rapport déposé en juin, un comité d’experts a conclu «qu’aucune proposition ne permettait d’avoir l’assurance que le marché serait en mesure de répondre de manière satisfaisante aux besoins exprimés dans l’appel d’intérêt».
Pourtant, il y a quelques semaines à peine, le PDG de la CTMA, Emmanuel Aucoin, jugeait qu’il avait déposé un projet clé en main au gouvernement. Sans s’avancer sur les conclusions des experts, il estimait que le travail effectué était intéressant. Il avait même fait l’acquisition d’un navire afin d’assurer une transition facile à Rivière-du-Loup.
Notons que le rapport sur l’appel d’intérêt est confidentiel et que les résultats et explications sont caviardés.
«Je voulais prendre la meilleure décision pour assurer [l’avenir de la traverse] et de régler ce dossier-là qui effectivement traine depuis [trop] longtemps. [...] J'ai entendu vos préoccupations, je vous ai écouté, on nous a apporté des solutions, mais comme l'explique Geneviève, il n'y a eu aucune solution concluante qui est sortie des études depuis les deux dernières années», a lancé Amélie Dionne aux personnes présentes.
Dans les dernières semaines, Mme Dionne et son gouvernement ont été accusés d’avoir manqué de courage dans ce dossier. Or, ce n’est pas le cas, a tranché Geneviève Guilbault en venant à la défense de sa collègue. Elle a soutenu que cette dernière a «travaillé jour et nuit» et qu’elle a «retourné toutes les pierres» afin de trouver une solution.
Elle a aussi lancé une flèche à peine voilée à l’endroit du député Denis Tardif, sans le nommer, soutenant que son administration n’a pas repoussé la décision comme ç’a été fait auparavant.
COMITÉ D'EXPERTS
Parmi les efforts de compensation pour Rivière-du-Loup, les intervenantes ont annoncé la mise en place d'un comité de valorisation piloté par Tourisme Bas-Saint-Laurent ainsi qu'une enveloppe qui devrait permettre de soutenir divers projets. Le but avoué est de collaborer étroitement avec les résidents, les entreprises locales et les autorités municipales afin de redynamiser le secteur de la Pointe de Rivière-du-Loup.
Ce comité devrait se concentrer sur la modernisation des infrastructures existantes, de voir à l'amélioration de l'accessibilité et la promotion du développement local. Amélie Dionne souhaite que la transition implique la communauté entrepreneuriale louperivoise.
Cette proposition a d’ailleurs été accueillie de façon résignée par les gens d’affaires présents qui estiment avoir maintenant le fardeau de trouver une solution au départ de la traverse. Les réactions ont été très critiques.
Questionnée par les journalistes, Mme Dionne a également assuré qu’un budget était consenti et attribué. Elle a toutefois refusé d’en dévoiler la teneur, ne souhaitant pas «mettre la charrue avant les bœufs».
«Je m’étais engagée à ce que toutes les avenues possibles soient analysées et j’ai tenu ma promesse. J’ai confiance en notre projet de valorisation. Il permettra de mettre en valeur un lieu important de notre histoire», a-t-elle déclaré
Photo : Andréanne Lebel
2 commentaires
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Espérons que le parti Québécois pourra prendre le pouvoir et renverser cette décision à temps.
La proposition du CTMA semblait prometteuse.
Le Saaremaa a eu des troubles majeurs à Matane et plus récemment est tombé en panne lors de sa location à l'Ile-du-Prince-Édouard... Tout un choix !