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De Fraserville au Bassin de Gaspé

durée 12 mai 2010 | 11h03
  • En furetant dans la documentation de la Société, j’ai trouvé une petite plaquette, écrite par Charles-Arthur Gauvreau, politicien, journaliste, écrivain, dans laquelle il raconte une excursion dans la baie des Chaleurs, faite sur le bateau Le Canada.  Les excursionnistes, pour la plupart citoyens de Fraserville, forment les actionnaires de la compagnie The Fraserville Navigation Co., propriétaire du bateau.

    Si les gens de l’époque travaillaient dur, tant à la maison qu’à la ferme, ils savaient se divertir et s’amuser, c’est ce que raconte l’auteur avec beaucoup de poésie.

    Recueilli par Claude Villeneuve

    Le 20 août 1909

    Enfin, c’est décidé, nous partirons pour le grand voyage de la Gaspésie! On y rêvait depuis des jours; le rêve va devenir une réalité. Les vacances tirent de l’aile, les enfants vont nous ramener bientôt à la vie de chaque jour; l’ombre du soir tombe de plus en plus vite sur nous : hâtons-nous de jouir d’un reste d’été qui nous laisse, en emportant un peu de nous dans son manteau d’azur.

    Donc, en route pour le Bassin de Gaspé. Il est cinq heures, un vendredi, nous nous comptons sur le quai de la gare de Fraserville; tous sont au rendez vous : M. et Mme G.A. Binet, MM. Nap. Dion M.P.P., Joseph Hamel, Alfred Fortin, Charles-Arthur Gauvreau, M .P. Émile Dubé, M et Mme Stanislas Belle, M. et Mme A.-E. Doucet, Melles Dugal, Alex Hamel, Jos. Deslauriers, Georges Saint-Pierre, Melle Saint-Pierre, Léo Girard, L.V.Dumais.

    Tout le monde est joyeux, mais plus d’un jette au firmament un regard scrutateur : s’il allait faire mauvais! Pour les uns, l’absence du soleil ne compte pas, même la pluie ne les occupe guère; ce qui semble être l’ennemi commun, c’est le vent, c’est la houle, la mer agitée et le tribut probable à payer aux éléments pendant les deux jours qu’il nous faudra demeurer sur l’onde amère.

    Mais qu’importe! À chaque jour suffit sa peine, et nous voilà à bord, confortablement installés.

    Cacouna, l’Isle Verte, Trois Pistoles, le Bic, Rimouski, tout cela défile sous nos yeux avides d’horizons splendides et de mers sans fin. A Sainte Flavie, la patrie de notre bon ami, le Dr. J.A. Ross, M.P., l’ombre nous a envahis.

    On ne pourra donc pas même entrevoir la vallée de la Matapédia dont on dit tant de bien! On se console en songeant, qu’au retour, il nous sera donné de la parcourir de jour et d’en admirer toutes les beautés tant vantées. Mais nous avons encore plus de cent milles à parcourir pour atteindre Campbellton, nous ne pouvons certes pas sommeiller dans les coins du fumoir. Alors, l’ami Jos. Hamel, chef de bande, c’est le cas de le dire, car il est assurément notre chef pour l’organisation de tout ce qui peut nous procurer de la joie et des amusements, l’ami Joseph Hamel entonne une de ces vieilles ballades canadiennes que l’on aime tant: En roulant, ma boule roulant! Et tout le monde s’en mêle.

    Et l’Express Maritime court rapide, vers la ville de Campbellton -et nous chantons toujours les airs du pays au milieu d’un épais nuage de fumée de pipes et de cigares. Nous nous sommes emparés du fumoir: parfois une binette de Blue-Nose apparaît à la porte: la fumée épaisse et nos chansons françaises chantées en chœur, la font s’évanouir aussitôt. S’il y a quelqu’un qui rit, ce n’est pas celui qui s’en va!

    Campbellton! Campbellton! crie la voix du serre frein. Dix neuf passagers s’agitent du coup, serrent les coudes dans les rangs et déambulent sur le quai de la gare. Hélas! Une pluie fine, serrée, nous cingle le visage! Tous les fronts sont mornes et les visages s’allongent; seules, nos compagnes semblent gaies, heureuses, satisfaites. C’est leur revanche d’abord: nous chantions, alors, c’est à leur tour de sourire… à voir le changement si vite opéré dans les rangs masculins.

    Mais, cela ne dure pas, car il nous faut vite embarquer à bord du train spécial qui va de la gare au quai où nous devons prendre le bateau de la compagnie The Fraserville Navigation Co., Le Canada, qui doit lever l’ancre à six heures, samedi matin.

    En un instant, l’on est rendu à bord où chacun cherche la cabine qui lui est indiquée. Il est deux heures du matin, le ciel est chargé et n’annonce rien de bon, et j’entends ma voisine qui dit à sa compagne: qu’importe! J’aime mieux la pluie que le vent! Et j’en sais plus d’un parmi les compagnons, qui font intérieurement la même observation, car le mal de mer, chez les hommes, doit être atroce!

    Moi personnellement, je n’en sais rien. Élevé au bord de la mer, navigateur tous les étés, ayant subi de fortes tempêtes, j’ai toujours eu le pied marin et le cœur solide... au moins en ce qui touche la mer.

    Je ne suis pas prêt à jurer que tout le monde dormit d’un profond sommeil, car la première nuit, à bord, apporte toujours avec elle des sensations neuves, étranges, un énervement indéfinissable, comme un manque d’air qui emplit la cabine et nous oppresse lourdement.

    À six heures, le bateau s’agite. L’équipage est aux amarres et la voix du capitaine se fait entendre. Je risque un œil au dehors: le ciel est chagrin; pas plus de brise que sur la main! Alerte! mon compagnon, allons jeter un regard matinal sur les beautés de Campbellton.

    Ici, j’ouvre une parenthèse pour consacrer quelques lignes à la compagnie de navigation, dont Le Canada est la propriété, et qui n’a commencé les opérations sur la route de Gaspé que cet été même.

    The Fraserville Navigation Co., comme son nom l’indique, a été formée à Fraserville, dans le comté de Témiscouata, et l’on peut dire de suite qu’elle est l’œuvre d’hommes dévouées aux intérêts de la ville, d’hommes d’affaires entreprenants, actifs et énergiques, comme MM. Georges Saint-Pierre, Joseph Hamel, Ernest Charrette, Louis Fortin, F.A. Lacombe, J.O. Girard, G.G. Grundy et autres.

    Ce n’est pas facile pour eux, d’entreprendre une lutte contre la compagnie Thompson, qui offrait de mettre un bateau sur la ligne de Gaspé, un bateau qui avait déjà été subventionné par le gouvernement; quand nos amis de Fraserville étaient encore à la recherche d’un steamer. On ne regarda pas aux voyages, aux dépenses et à toutes les misères qui accompagnent toujours les débuts dans une affaire de cette importance: Le Canada fut acheté, mis au propre, aménagé de cabines spacieuses, éclairé à l’électricité et finalement amarré au quai de Campbellton, prêt à commencer ses voyages de la saison…

    Tout cela s’écrit très vite, mais ce que l’on ne sait pas et qu’il convient de dire ici, c’est la lutte déloyale de la compagnie Thompson, faite à nos amis auprès des ministres à Ottawa. Pendant plus d’un mois des agents restèrent en permanence dans les corridors de la Chambre, semant le doute, et jetant à pleines mains les insinuations malveillantes contre la nouvelle compagnie canadienne-française de Fraserville. Mais notre député au fédéral veillait lui aussi; et l’Hon. Rodolphe Lemieux, le ministre du district de Québec, demeurait calme et inébranlable, espérant toujours, ne doutant jamais un instant du succès des nôtres. Le subside en était un de la province de Québec et nous avions à cœur de voir des nôtres le gagner honorablement. C’est ce qui arriva. Le Canada était prêt, l’inspection des officiers du département à Ottawa fut très favorable, le subside fut accordé et La Compagnie de Navigation de Fraserville commença d’opérer la ligne de Gaspé sous les plus heureux auspices. Cependant, vindicatif, l’anglais Thompson ne désarma pas; au risque de perdre des milliers de piastres, il mit le steamer Le Senlac sur la ligne de Gaspé, en opposition au Canada, et les deux bateaux se font la lutte, je devrais dire la guerre, dans les eaux de la Baie des Chaleurs. Mais ça ne peut durer Le Senlac n’est pas de taille à lutter contre Le Canada et il en sera pour ses frais. L’orgueil britannique aura été satisfait avec un déficit de plus de dix mille piastres. Triste!…

    Le Canada, depuis le mois de mai, fait vaillamment son devoir, sous la direction du Capitaine S. Bélanger, et nous sommes à bord, pour constater de visu ce qui en est, et le rapport en sera fidèle et pris sur nature.

    Claude Villeneuve est membre de la Société d’histoire et de généalogie depuis 1994, il en est le président actuel depuis l’an 2000. Homme très impliqué dans son milieu, il a été associé à plusieurs organisations comme la Caisse populaire de Rivière-du-Loup, l’Atelier des Arts, le Club Richelieu, l’Association des retraités des secteurs publics et parapublics, le comité de toponymie de la ville de Rivière-du-Loup pour ne nommer que ceux-là.

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    La Société d'histoire et de généalogie de Rivière-du-Loup a été incorporée par charte provinciale le 9 novembre 1987. Cette Société, sans but lucratif, est née du besoin des gens du milieu de « se souvenir » et de faire connaître l’histoire locale, d’assurer la préservation de notre patrimoine, de contribuer à faire reconnaître la richesse qui caractérise notre région.

    La mission de notre organisation vise à organiser, promouvoir des activités et manifestations qui servent à mieux faire connaître l’histoire, la généalogie et les différentes facettes du patrimoine.

    La Société est aussi un organisme de charité enregistré. Elle émet des reçus pour fins d’impôt relatifs à des dons d’argent ou d’anciens documents, contrats, photographies, cartes postales, cartes mortuaires ou autres articles.

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