Pierre Caron nage en eaux troubles
Dans le polar classique, un enquêteur, appelé sur les lieux d’un meurtre, doit en découvrir le coupable. Dans le dernier ouvrage de Pierre Caron, Aqua Tumulta, le lecteur nage en des eaux plus troubles, pour ne pas dire plus troublantes. Un commissaire à la retraite est amené à enquêter sur une menace appréhendée au paradis des miracles. Aucune scène de crime. Aucune victime, sinon un homme mort après s’être présenté à l’urgence, atteint d’un étrange virus. Aucun mobile. Et pourtant, l’auteur parvient à garder le suspense jusqu’à la fin.
Lourdes est en effervescence. Cette commune française des Hautes-Pyrénées, centre de pèlerinages catholiques depuis 1858, s’apprête à accueillir le pape Benoît XVI à l’occasion de son 150e anniversaire de création. Huit millions de pèlerins y sont attendus. Alors que se prépare l’événement, le père Mendez, recteur des sanctuaires, reçoit une étrange lettre de menace. Le signataire réclame que les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) soient reconnues comme un parti d’opposition. Sinon, de nombreux fidèles mourront durant la visite papale. La missive est accompagnée d’un article de journal qui rapporte la mort inexpliquée et foudroyante d’un jeune ardoisier atteint d’un virus. Sur une feuille, l’auteur de la lettre a dessiné un flocon garni d’une tête de mort coiffée de l’inscription : Aqua Tumulta.
Cette menace amène le père Mendez à communiquer avec son ami, l’ex-commissaire Lucien Jérôme pour résoudre l’affaire puisqu’un appel à la police risquerait de mettre en péril le jubilé, voire le lieu de pèlerinage. On comprend vite que le présumé terroriste sélectionne individuellement ses victimes et qu’elles ont toutes pris un bain dans les piscines du sanctuaire. L’eau prétendument miraculeuse devient un véritable danger. Le duo improvisé d’enquêteurs aura dix jours pour débusquer le psychopathe. Sinon, le père Mendez n’aura d’autres choix que de prévenir les autorités. Existe-t-il vraiment un assassin? Quel est son mobile? Comment peut-il tuer avec une eau réputée pour guérir bien plus que pour donner la mort, d’autant plus qu’elle est maintenue à des températures assez basses pour éviter toute contamination? Voilà autant de questions auxquelles Lucien et le recteur devront trouver les réponses.
Foire aux miracles
En plus de proposer au lecteur une enquête policière finement ficelée, Aqua Tumulta met en doute le caractère miraculeux de ce lieu, divulguant des faits tout aussi étonnants sur les visions de Bernadette Soubirous, à l’origine de sa fondation, et sur la provenance de l’eau dans laquelle les dévots se baignent.
Le livre est rédigé dans cette langue raffinée propre à Pierre Caron et révèle l’histoire avec une rigueur presque encyclopédique des détails. Récemment, M. Caron nous confiait avoir effectué une importante recherche avant même d’écrire la première ligne. Il a lu différents ouvrages, a visité l’endroit à deux reprises et a même consulté des journalistes et photographes locaux qui lui ont fourni des informations pertinentes et des photos des sites. Aqua Tumulta brille aussi par l’originalité de son thème, étant l’une des rares, sinon la seule, fiction écrite sur cette ville et ses sanctuaires depuis le fameux Lourdes, d’Émile Zola, publié en 1894, et premier du cycle romanesque Les Trois Villes qui mettra également en vedette Rome et Paris.
Collaboration : Maurice Gagnon, leplacoteux.com
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