Le violoncelle, un instrument d’adaptation en santé mentale
Les jeunes aux prises avec divers problèmes de santé mentale ont pu vivre une expérience hors du commun l’hiver dernier à l’École de musique Alain-Caron (ÉMAC) de Rivière-du-Loup. Pendant quelques heures, ils ont laissé leurs tracas de côté pour appendre à jouer...du violoncelle.
L’ex-directrice générale de l’École de musique Alain-Caron, Marie Pelletier, a été inspirée par le projet Espace Transition réalisé par le Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine. Elle a fait une demande pour instaurer le projet en sol louperivois, qui a été acceptée. Pendant toute la durée du processus, le CHU de Sainte-Justine a offert un soutien aux intervenants locaux pour mettre le projet en place. «Espace Transition s’adresse aux jeunes qui sont aux prises avec des difficultés en santé mentale, dans le but qu’ils reprennent confiance en leur potentiel et en leurs capacités. Parfois, ce sont des jeunes qui n’arrivent pas à cadrer avec les activités parascolaires habituelles», explique la pédopsychiatre au CISSS du Bas-Saint-Laurent, Dre Stéphanie Binet.
L’ÉMAC a donc constitué un groupe mixte d’une dizaine d’apprentis musiciens, formé au deux tiers d’élèves présentant des problèmes de santé mentale, et d’autres jeunes ne présentant pas de diagnostic particulier. Leur condition psychiatrique n’est en aucun moment divulguée. Chaque participant était donc amené à voir les forces et le potentiel des autres, sans préjugé et surtout, sans être stigmatisé.
«Je savais que j’allais enseigner à des jeunes avec une problématique en santé mentale, mais ça ne me faisait pas peur, parce que j’avais déjà été en contact avec cette réalité. Je savais aussi que j’allais avoir la présence dans ma classe d’une ressource spécialisée», souligne la professeure de violoncelle à l’ÉMAC, Nathalie Giguère. En tout temps lors des ateliers musicaux, Dre Binet soutenait l’enseignante par sa présence en classe. Le programme Espace Transition vise habituellement des groupes formés de jeunes âgés entre 14 et 25 ans.
De plus, ceux qui ont obtenu l’autorisation de participer au projet Espace Transition étaient suffisamment stables pour être en mesure de suivre des cours en groupe. «Les ateliers étaient axés sur le ‘’jouer ensemble’’, sans parler de la maladie. On faisait parfois des parallèles, par exemple qu’on ne joue pas tout seul, alors dans la vie on n’est jamais vraiment seul. On a aussi travaillé sur l’écoute de l’autre, alors ça se passait à un autre niveau qu’à celui de la parole», explique Mme Giguère.
L’expérience collective a été l’un des ingrédients essentiels de la réussite du projet, dans un contexte normalisant, hors du réseau hospitalier, dans les locaux de l’ÉMAC. L’activité était offerte à des jeunes présentant divers niveaux de fonctionnement. Certains demeuraient dans une ressource spécialisée, alors que d’autres pouvaient présenter, par exemple, un diagnostic d’anxiété sociale fonctionnelle.
Célina Côté, âgée de 20 ans, a participé au projet d’Espace Transition à Rivière-du-Loup, malgré le fait qu’elle n’avait aucune expérience musicale, hormis les cours de flute à l’école primaire, inscrits bien loin dans sa mémoire. Elle est donc partie de zéro, mais a su se montrer persévérante. Célina a participé au concert de fin de session avec les autres élèves de son groupe. «Le concert, c’était stressant, mais après, nous étions fiers de nous. J’étais fière d’être allée jusqu’au bout de ce projet», a-t-elle commenté. Pendant toute la durée d’Espace Transition, les jeunes bénéficiaient tout de même de l’accompagnement de leur personnel traitant. «À l’Espace Transition, j’avais le défi de parler avec les autres. Ça m’a donné confiance en moi. Je me sentais bizarre au début, parce que j’étais avec des plus jeunes que moi, mais l’expérience a bien été. Ça m’a permis de comprendre qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre, si tu as envie de commencer un projet», complète Célina Côté.
Les responsables de l’Espace Transition louperivois confirment que tous les élèves étaient égaux dans leur apprentissage, puisqu’aucun d’entre eux n’avait déjà joué de violoncelle.
Dre Stéphanie Binet a recueilli les commentaires des jeunes qui ont participé au projet, en passant à travers tout le processus, jusqu’au concert de fin de session, une grande réalisation pour certains d’entre eux. «Ça m’a aidé à surmonter mon trac, ma timidité. Ça m’a appris à moins me juger, à prendre plaisir au processus, pas juste au résultat. Ç’a augmenté ma confiance en moi. J’ai travaillé mon social en rencontrant de nouvelles personnes», lit-elle, dans son bilan de l’activité. Chaque musicien a sa partie à jouer, si bien que la pièce musicale nécessite la participation de tous, rendant leur contribution indispensable, et favorisant ainsi leur implication.
L’École de musique Alain-Caron a l’intention de démarrer un nouveau groupe d’Espace Transition à la mi-janvier 2020, et a fait part de son intérêt pour participer à l’échantillonnage de recherche d’une étude menée en collaboration avec le CHU Sainte-Justine et l’Université de Montréal. Les instruments de musique et le professeur ont été fournis par l’ÉMAC et le CISSS du Bas-Saint-Laurent a offert une ressource d’accompagnement clinique. L’École de musique a pu compter sur le soutien de la Fondation Léonne Ouellet pour faire l’achat des violoncelles, qui sont prêtés aux participants.
Commentaires