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S’inspirer de la nature comme matière première

durée 18 octobre 2021 | 06h59
  • Andréanne Lebel
    Par Andréanne Lebel

    journaliste

    Dans son petit atelier niché au creux de la forêt à une dizaine de minutes de la voie la publique la plus près à Lac-des-Aigles, l’artiste visuelle Andrée Bélanger approfondit ses connaissances de la nature qu’elle transposera à travers ses œuvres. Depuis les derniers mois, elle travaille sur un projet bien particulier : transformer des végétaux forestiers et des minéraux en encres naturelles pour créer des aquarelles.

    Des plantes en macération reposent sur un cadre de fenêtre, créant un dégradé de couleurs qui se fondent dans le décor automnal. Son poêle à bois réchauffe un chaudron rempli d’eau et de végétaux en transformation. «J’ai voulu créer moi-même mon médium. Choisir les encres, ça peut être compliqué, mais ça peut aussi être très simple. Si tu prends du café, c’est de l’encre, tu peux peindre avec cela. Cela doit durer dans le temps, alors il faut ajouter un mordant, qui fixe la couleur dans le support papier», précise Andrée Bélanger. Elle prend des échantillons à chacune des étapes du processus de transformation pour vérifier la coloration de ses encres.

    Au fil des semaines passées dans sa cabane-atelier, où elle habite, sa pratique artistique et sa recherche de pigments naturels sont aussi devenues, par la force des choses, son mode de vie. Cette artiste originaire du Bas-Saint-Laurent savait déjà qu’elle voulait travailler avec des pigments naturels. En créant ses œuvres avec de la peinture acrylique dans un atelier sans eau courante, elle a rapidement été rattrapée par son impact écologique.

    «Je ne peux pas jeter de l’eau sale dans le bois et encore moins dans le lac, c’est chimique. Je ramassais toute mon eau souillée dans des petits pots de plastique et il fallait que j’aille porter ça chez quelqu’un d’autre. Dans une maison avec de l’eau courante, tu mets ça dans l’évier et tu t’en rends plus ou moins compte. Il était trop tard pour reculer. Je m’occupe de ce que je peux faire et j’avance tranquillement sans trop me culpabiliser», explique Andrée Bélanger.

    Dans un grand cahier à croquis sont rassemblés ses tests de couleurs, qui réfèrent tous à des fichiers contenus dans un ordinateur. Ils détaillent les types de végétaux utilisés, la technique pour les transformer, le moment de leur cueillette ainsi que les résultats obtenus. «J’ai dû faire des rénovations dans ma cabane au cours de la dernière année avec des matériaux récupérés afin de ranger mes plantes séchées et mes outils de création. Ça prenait une table de travail pour faire mes transformations […] En faisant mes recherches pour la couleur dans le bois, inévitablement je croise des plantes comestibles, alors je commence à me familiariser avec ça tranquillement.»

    Andrée Bélanger ajoute que l’iris versicolore lui a donné de beaux résultats, tout comme la rose de Damas. Avec trois traitements différents, l’utilisation de la rose lui a permis de créer une couleur variant du vert, au jaune puis au rose. Au cours de sa pratique artistique, l’artiste multidisciplinaire raconte avoir vécu la découverte de l’encre avec des pigments naturels et sa réactivité avec l’eau comme une révélation. Les éléments de la forêt et les couleurs interagissent avec l’eau et fixe ses mouvements sur le papier. C’est l’artiste Cynthia Tellier Champagne, en Estrie, qui l’a initiée à l’utilisation des pigments naturels pour créer ses œuvres.

    Le projet de recherche artistique qu’elle développe a obtenu du financement du Conseil des arts et des lettres du Québec afin de créer «une palette d’encres naturelles du terroir à partir de minéraux et de végétaux forestiers».

    Au fil de ses expérimentations, elle s’est rapidement sentie dépassée devant l’étendue des possibilités de transformation des végétaux de la forêt de la région en encres naturelles. «La coloration de la même plante cueillie au même endroit, au même temps de l’année, peut varier selon le moment de la journée ou la température qu’il fait. À un moment donné, il faut décrocher. C’est une chose que je veux apprendre dans la vie, le lâcher prise et l’abandon, aller dans le sens du courant […] Cet été, je voyais la saison avancer et les couleurs changer. Il a fallu que je mette cela de côté pendant quelques jours pour ne plus y penser.» Après cette pause, Andrée Bélanger affirme qu’elle a abordé sa recherche avec plus de sérénité. Plutôt qu’être orientée vers l’obtention des résultats, elle s’intéresse désormais aux découvertes des couleurs.

    Pendant la saison froide, elle épuisera ses réserves de plantes séchées et se penchera sur la création d’encres avec des minéraux, puisque les récoltes en forêt ne seront pas aussi fructueuses. Au cours des prochains mois, elle travaillera sur un court métrage d’animation en lien avec le territoire tout en utilisant ses encres qu’elle a créées à partir de végétaux du territoire. Elle fera une sélection des encres les plus stables, en fonction de leur résistance, et selon leur couleur. La trame sonore contiendra les échanges qu’elles a eus avec les visiteurs lors de son exposition «Nous, territoires, l’essentiel n’est pas répertorié», en tournée au Bas-Saint-Laurent en 2020.

    «Si on dirait qu’il n’y a pas de lien entre les choses que je fais, peut-être que le lien c’est moi. C’est pour ça que je me permets d’essayer plein de choses. C’est aussi au cœur de ma pratique artistique, la multidisciplinarité.»

    Andrée Bélanger est revenue s’installer dans sa région natale en 2017. Après une brève formation à la Yukon School of Visual Arts à Dawson City, elle a poursuivi le développement de sa pratique artistique multidisciplinaire de manière essentiellement autodidacte. Elle a présenté plusieurs projets individuels et collectifs en dessin, peinture, installation, vidéo, photo, sculpture et performance au Québec, dans le Grand Nord canadien et en Europe. Pour en savoir plus : andreebelanger.com

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