Dr Antonio Paradis, la médecine de campagne et le développement de Rivière-du-Loup
Dr Antonio Paradis soignant une patiente à la clinique.
Mariage de Jeanne Paradis. De gauche à droite : Jeanne Paradis, le Dr Antonio Paradis, son épouse Alice Lavergne et Russ Webster, le marié.
Le Dr Paradis à la retraite se promène sur sa galerie au 54 Amyot.
La résidence du Dr Antonio Paradis au 54, rue Amyot.
De droite à gauche : Dr Antonio Paradis, son fils Lavergne Paradis et le fils de Lavergne aussi appelé Antonio Paradis (Tonio).
Il ne restait du Dr Antonio Paradis que le nom d’une rue dans le quartier Saint-Ludger à Rivière-du-Loup, et quelques souvenirs dans la mémoire des personnes plus âgées de la région. Ce personnage sort maintenant de l’ombre, puisque sa petite-fille Claire Trépanier a passé les dix dernières années de sa vie à rechercher et à retracer l’histoire de ce médecin de famille qui a aussi été maire de Rivière-du-Loup de 1939 à 1951.
Elle a publié au cours des derniers mois la biographie «Dr Antonio Paradis – Le Doux Dragon, 1892 à 1967». Après avoir complété des études en médecine à l’Université Laval, Dr Paradis s’est installé à Rivière-du-Loup en mai 1918. Il a commencé à pratiquer la médecine en pleine épidémie de grippe espagnole à l’Hôpital Saint-Joseph-du-Précieux-Sang sur la rue Joly, alors sous la gouverne des Sœurs de la Providence. Le 8 octobre 1918, le service d’hygiène de la province de Québec a imposé des mesures d’urgence pour contrer l’épidémie, en ordonnant la fermeture de plusieurs lieux publics, dont les écoles, les cinémas, les théâtres, les magasins et les églises. Tel qu’il est possible de le lire dans la rétrospective des 50 ans de l’hôpital publiée en 1939, le 10 octobre 1918, «la grippe espagnole fait des victimes; les malades viennent de tous les côtés. Plusieurs sœurs en sont atteintes. La Maison-Mère envoie du renfort et de braves institutrices, les demoiselles Chamberland, remplacent les religieuses auprès des malades, font du service jour et nuit; leur charité et leur dévouement les préservent de cette triste maladie. Aucun décès chez les sœurs». À la mi-novembre, la lutte était terminée à Fraserville, mais elle s’est poursuivie ailleurs au Canada.
DÉFIS
Le Dr Antonio Paradis a habité la maison située au 54, rue Amyot à Rivière-du-Loup. Le principal défi, pour la biographe, était de remettre sa vie dans le contexte de la Ville de Rivière-du-Loup au 20e siècle, mais aussi de le situer à travers les évènements historiques. Il lui a donc fallu effectuer plusieurs recherches sur la pratique de la médecine à cette époque, sur l’histoire de l’Université Laval, les filles-mères du Québec, les deux guerres mondiales, la grippe espagnole, la Grande Dépression des années 1930, ainsi que le rôle de l’église catholique dans les domaines de l’éducation et de la santé dans la province. «En faisant la recherche, j’ai passé au-delà de 500 heures aux archives nationales d’Ottawa, le nez collé à des machines pour visionner les journaux.
J’ai passé le journal Le Saint-Laurent page par page de 1918 à 1970 pour voir ce qui se passait dans la vie du Dr Paradis. J’ai appris tellement de choses, j’en ai découvert sur ma propre famille et j’ai aussi senti le pouls de la ville de Rivière-du-Loup.» La biographie est parsemé d’extraits de journaux de l’époque qui permettent de replacer les évènements dans le contexte d’une ville en effervescence.
MÉDECINE DE CAMPAGNE
À travers le parcours du Dr Antonio Paradis, Claire Trépanier raconte la réalité des médecins ruraux de l’époque, qui devaient se rendre au domicile de leurs patients des rangs en carriole ou même en raquettes en hiver, beau temps, mauvais temps. «Il se rendait fréquemment dans les rangs ou dans les agglomérations voisines telles que Cacouna, Saint-Arsène, les rangs autour de Saint-Modeste et Saint-Épiphane et Saint-Antonin. Il allait aussi à Cabano et à Trois-Pistoles, où les opérations pour les amygdales se faisaient à l’école», peut-on lire dans la biographie.
Tout cela en plus de son travail à l’hôpital et des patients qu’il recevait dans son cabinet, par la porte de côté du 54, rue Amyot. Traditionnellement, les accouchements se faisaient à domicile. En 1926, seulement une minorité de femmes allaient accoucher à l’hôpital, en raison des couts qui y étaient rattachés. Le Dr Antonio Paradis a travaillé comme «accoucheur», alors que la Politique de la fécondité accrue promue par l’Église catholique au début du 20e siècle était toujours en vigueur.
«Les gens âgés ont connu grand-papa. Plusieurs m’ont dit que mon grand-père avait accouché leur mère, ou qu’elle ne jurait que par le Dr Paradis. J’ai eu toutes sortes de commentaires de gens qui l’ont connu ou dont les parents l’ont connu», explique Mme Trépanier. L’auteure a également rencontré des infirmières qui ont travaillé avec Dr Antonio Paradis lors de la 3e année de leur cours, en salle d’opération. «Les religieuses mettaient souvent les petites débutantes avec le Dr Paradis parce que c’était un homme très doux. Elles ne voulaient pas me dire des choses pas gentilles parce qu’elles savaient que j’étais sa petite-fille. Elles avaient peur de me faire de la peine. Je ne voulais pas écrire la vie d’un saint, je voulais présenter un homme normal […] C’est dans les journaux que j’ai trouvé des journées qui n’étaient pas brillantes et j’ai fait le portrait d’un homme plus balancé. Si je m’étais fiée aux entrevues, ça aurait été un homme parfait, mais ça n’existe pas.»
La biographie aborde également le développement économique de Rivière-du-Loup, sous la gouverne du maire Antonio Paradis, de 1939 à 1951. On y découvre notamment le début des démarches pour la création de l’aéroport municipal, l’établissement du poste de radio CJFP en 1946 et les travaux de construction du quai commercial en eau profonde à Rivière-du-Loup en 1947. Son fils, Dr Lavergne Paradis, a aussi exercé la médecine à Rivière-du-Loup.
En publiant cette biographie, Claire Trépanier voulait avant tout léguer un cadeau aux membres de sa famille et à la Ville de Rivière-du-Loup. Un devoir de mémoire pour cette personnalité marquante de Rivière-du-Loup, dont la vie et l’influence sont maintenant détaillées sur papier. Il est possible de joindre l’auteure à l’adresse courriel [email protected].
3 commentaires
Je me réjouis avec toi, Claire. Ton bon grand-papa fait son chemin pour réjouir ta famille, les gens de Rivière-du-Loup et tes lecteurs. Ton travail de moine nous renseigne, nous inspire et nous épate... tout comme le fait cet article. Toutes mes félicitations et bon succès !