«Boire la mer les yeux ouverts», la beauté de la vie malgré la maladie
Dans son tout premier récit poétique intitulé «Boire la mer les yeux ouverts», l’auteur de Témiscouata-sur-le-Lac Jean-Benoit Cloutier-Boucher explore son rapport avec le deuil et la «maladie mangeuse de mère», la sclérose en plaques. Il alterne les souvenirs et les réflexions en prose, en vers et en dialogues dans cette œuvre d’autofiction afin d’expier la douleur de la perte de sa mère par l’écriture.
«L’élément déclencheur, c’était le décès de ma mère en 2017. Lors de cette épreuve difficile, l’écriture a été ma bouée de sauvetage. Ce projet littéraire était une urgence et une nécessité», explique Jean-Benoit Cloutier-Boucher. Ce dernier a étudié en littérature et en révision linguistique et il travaille maintenant en bibliothèque.
Il a commencé à écrire ce récit poétique au début de 2019. Les souvenirs de jeunesse s’entremêlent avec ses passages à l’hôpital, la perte d’autonomie de sa mère causée par la maladie dégénérative, des scènes des funérailles et son processus de deuil à travers les années.
«La file
C’est la cacophonie. Les gens font la file, m’embrassent sur les joues, les mots usinés me donnent la nausée. Je ne veux pas de leurs microbes. Ils font mine de te connaître, de vivre ma peine. Je me suis acheté une nouvelle chemise. Juste pour toi.
9 décembre 2017
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Maman. Je n’ai pas le gout de dire aurevoir.»
La mère de Jean-Benoit Cloutier-Boucher a reçu son diagnostic alors qu’il avait cinq ans, en 1996. «Je n’ai pas vraiment de souvenirs d’elle sans la maladie, je l’ai toujours connue comme cela, depuis mon enfance et tout au long de sa vie», explique-t-il. Chacun des tableaux présentés dans le livre évoquent un souvenir et se termine par une dernière ligne dans laquelle le narrateur adresse un message à sa mère.
«Cela évoque la présence de la mère et son absence, je voulais montrer sa division interne par rapport au deuil, qui est un processus universel […] Je veux que mon livre ait des échos chez les lecteurs qui vivent avec des proches malades ou qui vivent avec la maladie.»
L’auteur souhaite aussi que les personnes atteintes de maladies graves puissent être vues autrement que des victimes de problèmes de santé, sans profondeur. «Ils ne sont pas moins humains. Ce livre, c’est un appel à vivre. Malgré la maladie et toutes les défaillances, il y a du beau et du doux dans la vie», ajoute-t-il.
À plusieurs moments à travers son récit, il évoque en détails des lieux de Témiscouata-sur-le-Lac, un bar, la cantine, la plage municipale, tous des endroits où les lecteurs peuvent se projeter dans ses souvenirs. «C’était vraiment important pour moi de parler de Témiscouata-sur-le-Lac. J’y ai vécu jusqu’à 17 ans, avant de déménager à Québec. Ça fait partie de ma vie, je pense que cela va rejoindre les gens qui viennent du coin, ils vont se reconnaître dans le livre», croit Jean-Benoit Cloutier Boucher. Ses souvenirs plus lumineux sont décrits avec précision et émotion, presque de manière cinématographique.
«J’ai essayé d’aller dans le détail de chaque scènette, dans ces moments encapsulés. À chaque moment de leur vie, ils vivent des choses extraordinaires. La présence de l’Autre amène aussi une part d’ombre.» L’Autre, tel qu’il est présenté par le narrateur, représente le conjoint de la mère malade, dans une dynamique familiale dysfonctionnelle. Publié aux éditions Sémaphore, «Boire la mer les yeux ouverts» est disponible en librairies depuis le 15 février.
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