À pas feutrés à Saint-François-Xavier-de-Viger
Diane Gonthier dans son atelier à Saint-François-Xavier-de-Viger.
Une oeuvre sculpturale en feutre de Diane Gonthier représentant un feu de camp.
Diane Gonthier et son oeuvre en 3D «La Relève».
Le processus de cardage de la laine.
Après le cardage, la laine peut être filée.
Les différentes laines sont classées par couleurs dans le grand atelier.
Les Ateliers d'un pas feutré à Saint-François-Xavier-de-Viger.
Des piles de laine de différentes couleurs et textures classées par teinte trahissent la présence d’une artisane entre les murs de l’ancien magasin général de Saint-François-Xavier-de-Viger. Les murs extérieurs d’un rose éclatant indiquent que l’ambiance sera tout aussi colorée aux Ateliers d’un pas feutré de Diane Gonthier.
Elle a acheté le bâtiment de la rue Principale avec Maud Morin en mai 2021, afin d’y aménager son lieu de création. «On disait toujours que ce que ça nous prend, c’est un petit logement avec un grand atelier. Quand tu es un artisan, c’est ça que tu veux dans la vie. Je coucherais dedans! Tu es bien dans ton monde», explique Diane Gonthier, créatrice d’œuvre en feutre de laine. Partout où l’on pose les yeux, l’une de ses créations colore son environnement de travail. Son œuvre «La Relève», une sculpture de feutre en 3D illustrant de jeunes pousses vertes, trône sur la table près de la fenêtre donnant sur la rue Principale.
«Quand on a visité la place, on est arrivées toutes les deux dans l’atelier. C’était vide. On s’est regardées et on a dit ‘’on est à la maison’’. Ça n’a pas pris trente secondes», se rappelle Maud Morin. Au fil des mois, elles ont donné de l’amour au bâtiment et l’ont isolé pour qu’il soit plus confortable en hiver.
Pendant une quarantaine d’années, Diane Gonthier et Maud Morin ont été propriétaires de la Ferme de la Butte magique à Saint-Faustin-Lac-Carré (Mont-Blanc). Un nom presque aussi long que Saint-François-Xavier-de-Viger, plaisante Mme Gonthier. Elles y élevaient un troupeau de moutons, un rêve que Maud Morin caressait depuis l’âge de trois ans. Diane Gonthier utilisait leur laine afin de confectionner ses créations. Pour elle, cette matière est liée à la notion de terroir et à son mode de vie, dicté par le rythme de la tonte des moutons.
«J’ai vécu un an en Angleterre pour apprendre l’agriculture biodynamique. Dans les cours d’art, il y avait filage et j’ai appris à filer. Je trouvais ça drôle. Je me suis dit que c’est impossible de gagner ma vie en filant, pas avec les grandes surfaces à côté», indique-t-elle. Il a donc fallu qu’elle trouve une autre façon de se démarquer. Le feutre s’est révélé comme la matière tout indiquée.
Très tôt, elle a su qu’elle ne voulait pas se diriger vers le milieu vestimentaire, trop compétitif. Diane Gonthier a plutôt choisi de créer des éléments de décoration, des rideaux, des tapis et des murales. «J’ai fait un tapis avec une sculpture de feu de camp. Je veux toujours pousser la recherche personnelle plus loin avec mon médium et voir ce que je peux faire. Je prends un chemin plus long pour me rendre où je veux aller. C’est un peu comme un dialogue avec la matière. Tu as une idée, tu la transmets à la matière et elle répond. Tu n’es pas toute seule», image Diane Gonthier. L’une de ses constructions textiles, nommée Dentelle de feutre, lui a valu le titre canadien de maitre fileuse en 2012. «Ça ouvre la porte sur une nouvelle manière de feutrer avec du fil. Ce n’est pas du tricot ou du crochet, et on peut faire du dessin avec le fil», explique l’artiste.
Après avoir opéré un gite pendant une quinzaine d’années, elle a décidé de monter son dossier au Conseil des métiers d’art du Québec pour devenir artiste professionnelle en 2003. Elle a ensuite fait de nombreuses formations et cours aux Etats-Unis, en Angleterre et en Ontario.
TRANSMISSION DU SAVOIR-FAIRE
Le feutre était utilisé par les peuples nomades d’Asie centrale qui fabriquaient leurs vêtements et leurs tentes. Diane Gonthier se désole que les connaissances et le savoir-faire du feutre et du textile se soient perdus avec les années et avec la popularité des fibres synthétiques. «J’ai toujours aimé la matière feutrée. Quand j’étais petite, on allait dans les friperies et je ramassais les vieux foulards tout foulés. Ils étaient rendus trop courts pour être attachés parce qu’ils avaient rapetissé. Ça me parlait énormément.»
L’artisane a rapidement compris que si elle lavait la laine de ses moutons, qu’elle la teignait puis la cardait, elle sauvait une étape en se rendant directement au feutre. Le filage et le tricotage sont une autre avenue qui peut être prise après le cardage. Ces processus demandent toutefois plus de temps.
«C’est physique de faire du feutre, et c’est très festif. Ça ne va pas se passer par l’opération du Saint-Esprit, il faut que ça se fasse frictionner si on veut que ça foule et que ça prenne ensemble», ajoute Diane Gonthier. Les fibres de laine s’amalgament sous l’effet de la friction et de l’humidité, un peu comme lorsqu’on met un chandail de laine à la sécheuse. La forme que le feutre prendra ensuite dépendra de la créativité et du savoir-faire de l’artiste.
Au cours des 10 dernières années, elle a donné des ateliers d’art dans les écoles du Québec dans le cadre de La culture à l’école. Les Ateliers d’un pas feutré est ouvert depuis le mois de septembre. Une résidence de création textile s’y est déroulée du 1er au 8 décembre et un atelier ludique de tableaux en laine feutrée est organisé le 10 décembre. Toutes les informations sont disponibles au savoir-faire-textile.com. Des portes ouvertes hivernales sont aussi prévues à l’atelier le samedi 21 janvier de 10 h à 16 h.
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