Victor-Lévy Beaulieu : un poisson maraudeur
Au début du mois d’avril, l’écrivain prolifique de 77 ans, Victor-Lévy Beaulieu, a fait un poisson d’avril à ses lecteurs en publiant son 98e ouvrage intitulé «Poisson d’octobre en maraude chez les francs Gaulois». Ce plus récent livre évoque un voyage marquant et fondateur réalisé en 1973 par l’auteur, périple qui a changé sa façon de se percevoir et de voir le monde.
Cette maraude, l’auteur l’a effectuée en France, auparavant appelée la Gaule. «Ça été comme une épiphanie», confie-t-il. En se promenant sur les chemins de la Normandie, de la Bretagne, toutes les couleurs étaient plus vives, les paysages plus beaux. L’écrivain a découvert qu’il en était tout autant pour son soi intérieur.
«Quand on arrive, on vient au monde; mais ça ne veut pas dire qu’on nait au monde, soutient M. Beaulieu. Naitre au monde c’est avoir conscience de qui tu es et avoir une perspective sur ce que tu vas devenir ou as le gout de devenir». Il souligne que cette révélation peut se dérouler à tous âges, ou tout simplement ne jamais se passer.
Victor-Lévy Beaulieu a vécu cette manifestation pendant la publication de son essai-poulet sur Jack Kérouac en France. Un jour, il est né, et ça a été le meilleur jour de sa vie. C’est l’histoire qu’il raconte dans «Poisson d’octobre en maraude chez les francs Gaulois».
Durant son voyage, il a notamment effectué un grand pèlerinage en hommage à Kérouac qui avait lui-même foulé le sol français. Dans un des derniers livres de l’écrivain disparu, il a écrit une dernière volonté, soit celle de se retrouver au bord de la grève un soir où il pleuvait à boire debout et de se mettre un sac poubelle sur la tête après s’être assis sur un rocher, puis écrire avec un crayon et du papier. Ce désir, M. Beaulieu l’a réalisé. Il a écrit sous les gouttes qui battaient à tout rompre, la tête à l’abri de l’eau, mais l’esprit concentré à coucher des mots sur la page blanche sur ses genoux.
L’écrivain s’est ainsi baladé sur les routes françaises, tel un menu poisson «On dit ça souvent d’un voyageur […] de quelqu’un qui va en vacances quelque part et qui n’a pas beaucoup d’argent, que c’est un petit poisson. On dit ça aussi des gens qui n’ont pas un haut niveau, le même niveau d’éducation qu’un universitaire, on dit que c’est un nain fretin, un petit poisson», explique l’auteur. Il maraudait, allait au hasard en regardant un peu partout.
Ce passage entre les différents endroits, l’écrivain le fait aussi dans ce nouveau volume, passant de Paris à Notre-Dame-des-Neiges à Sainte-Émilie-de-l’Énergie. «Ça voyage, parce que même quand on est à l’étranger, on est chez soi par la pensée», évoque Victor Lévy Beaulieu.
LA CRISE D’OCTOBRE COMME DÉCLENCHEUR
En octobre 1970, l’enlèvement et le meurtre du ministre provincial du Travail, Pierre Laporte par le Front de libération du Québec (FLQ) a secoué la province, tout comme Victor-Lévy Beaulieu. Trois ans plus tard, le premier ministre de l’époque, Robert Bourassa du Parti libéral du Québec (PLQ) déclenche hâtivement les élections afin de profiter de la mauvaise publicité du Parti Québécois (PQ), souvent confondu avec le FLQ. M. Bourassa a réussi à faire élire 102 députés contre 6 pour le PQ.
«Pour un indépendantiste comme moi et qui avait milité dans le PQ, 73 était absolument catastrophique. Ça veut dire qu’on était encore pris quatre ans avec un gouvernement fédéraliste. C’est ce qui a fait que j’en avais plein le dos et que j’ai laissé mon travail», a raconté l’écrivain.
Ce dernier ne souhaitait plus œuvrer pour un éditeur fédéraliste, ami avec Pierre-Elliott Trudeau de surcroît. M. Beaulieu a donc tout délaissé et s’est envolé de l’autre côté de l’océan pour la publication de son ouvrage en France. Maraude qui a été bénéfique, puisqu’elle lui a permis de naitre et de vivre en étant pleinement lui-même à partir de ce moment.
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