Quête de soins pour réparer les pots cassés
Capturer une histoire, des sensations et l’absence d’émotions, avec les images plutôt qu’avec les mots. Ce défi a été relevé par Keelan Young, qui a lancé le 6 novembre sa deuxième bande dessinée intitulée «Pots cassés».
L’histoire raconte la quête de Doudou, qui travaille en soins infirmiers et passe sa vie à s’occuper des autres. Peu à peu, sa vie prend des teintes de gris et le personnage principal doit apprendre à réparer ses propres fissures pour laisser de l’espace afin que la lumière revienne l’habiter. La bande dessinée permet d’imager la dépression, alors que plusieurs personnes qui en sont atteintes ne sont pas capables de mettre des mots sur ce qu’elles vivent.
«Toute cette histoire, c’est une quête de soin, de se faire soigner, ou de chercher du soin. Dans un contexte où c’est quelqu’un qui travaille dans un milieu de soin, qui donne de soi et qui cherche à être soigné», explique Keelan Young. La consommation de substances et la sexualité agissent comme les bouées de sauvetage de Doudou, qui lui permettent d’entrer en contact avec ses émotions.
Le parcours du personnage principal est inspiré du bédéiste, qui travaille aussi en soins infirmiers. «J’ai travaillé à Montréal aux urgences pendant la pandémie. Ce récit est beaucoup influencé par cette période-là, sans que ce ne soit nommé», ajoute Keelan Young. Replonger dans ces états émotifs afin de les illustrer était tout sauf facile. Son objectif est que les gens qui liront sa BD se reconnaissent dans cette histoire. Maintenant, l’artiste partage son temps entre les Basques, la Gaspésie et le Grand Nord, son lieu de travail.
La bande dessinée lui permet d’aborder l’expérience du surmenage, de travailler pour une mission en laquelle on croit, même si on n’est plus capable de soulever cette charge. «Je pense que c’est souvent du travail qui est invisibilisé. Je sais que beaucoup de gens ont vécu ces expériences-là. J’avais envie de mettre une image là-dessus.»
La bande dessinée «Pots cassés» met aussi en lumière le milieu montréalais et des communautés marginalisées. «Quand j’étais jeune, j’ai appris à lire tardivement et je lisais plein de BD. Je faisais juste regarder les images. Il y a un truc là-dedans qui vient vraiment me chercher.»
Son projet lui a demandé des centaines d’heures de travail, lors desquelles il y avait beaucoup de place pour le doute. «C’est un médium que j’aime vraiment pour raconter des histoires […] Plus que j’avance, plus que j’apprends à raconter une scène ou du mouvement sans mots. C’est ce que j’aime particulièrement de la bande dessinée», conclut Keelan Young.
Le processus d’écriture de «Pots cassés», qui a duré un an et demi, a commencé peu après la sortie de sa première BD «Djondjon», parue en 2022.
Pots cassés, Keelan Young, Mains libres, Montréal, 2024, 112 pages
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