«Monstres», raconter des histoires de la DPJ avec le théâtre
La toute première pièce de théâtre écrite par la comédienne et autrice Marie-Ève Bélanger, originaire de Saint-Hubert-de-Rivière-du-Loup, sera présentée au Théâtre Denise-Pelletier de Montréal, du 21 janvier au 8 février. L’oeuvre «Monstres» met en lumière le parcours d’enfants qui ont grandi à travers le système de placement de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et les centres jeunesse.
Marie-Ève Bélanger a travaillé, tout au long de ce projet qui a duré cinq ans, en duo avec sa collègue et amie Marie-Andrée Lemieux. «C’est né d’un désir de travailler ensemble tout d’abord. Au fil de nos discussions, nous avons constaté que quelque chose nous rejoignait toutes les deux dans les liens avec nos parents, les inégalités à la naissance. Ces liens créent notre personnalité. La construction de soi est basée sur l’amour que tu reçois. C’est quoi, ta vie, quand tu grandis avec l’abandon, l’instabilité?», résume Marie-Ève Bélanger.
Rapidement, elles ont eu en tête l’image d’un enfant qui se promène dans une boite, de maison en maison. Pour parler avec justesse de cette réalité, les deux dramaturges ont discuté avec des intervenants et avec des personnes qui ont connu un parcours dans la DPJ. Elles ont finalement décidé de raconter la vision d’un enfant qui vit à l’intérieur de ce système.
Avec la collaboration de Jessica Côté-Guimond, co-fondatrice du collectif Ex-placé DPJ, elles ont pu se constituer un groupe de neuf collaboratrices et collaborateurs ayant reçu des services de la protection de la jeunesse dans le passé. Ils ont participé activement au processus de création de la pièce de théâtre. Plusieurs ont exprimé le fait qu’ils ne se sont pas sentis entendus ni écoutés, par le système, les intervenants, leurs parents.
«On les a fait entrer dans notre univers et nous leur avons présenté les idées que nous avions déjà. Nous sommes entrés en contact par l’art. Nous avons eu la chance d’avoir des subventions, donc ils ont été engagés pour faire partie d’un comité consultatif et ils nous suivent depuis cinq ans.» Et elles ont tendu le micro dans leur direction pour qu’ils soient entendus. Des enregistrements des voix de ces jeunes au parcours parsemé d’embuches ont été intégrés à la pièce de théâtre. On peut ainsi écouter leurs réflexions sur des thèmes piliers de nos vies : l’amour, la famille, la fuite, l’abandon, l’espoir, la peur, la violence.
Il était important pour les deux créatrices de s’ancrer dans la réalité, tout en embrassant une démarche artistique onirique, qui demeure dans la fiction. «On voulait que ce soit inspiré quelque chose véridique, mais on ne voulait pas s’approprier leurs histoires», ajoute Marie-Ève Bélanger.
Certains des neuf adultes ex-placés de la DPJ affirment avoir été sauvés par le système, alors que d’autres en avaient plutôt une vision bien peu reluisante. Toutes ces histoires se côtoient, alors que rien n’est blanc ni noir, mais plutôt en diverses teintes de gris. Aucun enfant ne ressort de ce système de la même façon. Afin d’aborder ces traumatismes de façon indirecte, elles ont créé une ambiance cauchemardesque, onirique, où la réalité est distorsionnée. «C’est comme si ça leur permettait de tripper avec nous du côté visuel, des images et de la poésie», résume-t-elle.
Marie-Ève Bélanger souhaite que cette création résonnera chez le public. Elle espère que la pièce de théâtre pourra partir en tournée dans la province et aller à la rencontre des étudiantes et étudiants de 4e et 5e secondaire.
«Notre but, c’était de faire tomber les tabous. On veut que tout le monde ait une réflexion un peu plus longue quand ils rencontrent une personne en situation d’itinérance ou une personne qui pète sa coche. Ils ont souvent une grosse carapace pour se protéger de leurs blessures», conclut l’autrice.
La Maison de la culture Claude-Léveillée a par ailleurs remporté le prix Rideau 2024 de la meilleure Médiation culturelle, avec son Incubateur créatif pour la communauté qui a mené à la création de la pièce de théâtre «Monstres».
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