Les Colocs à travers les brumes de Dédé
La semaine dernière, je vous disais d'entrée de jeu que ce sont des semaines bien chargées pour le cinéma québécois avec la sortie de deux films traitant de deux épisodes marquant dans l'histoire du Québec.
Il y a eu la projection du film « Polytechnique » que j'ai commenté et qui parle de la tristement célèbre tuerie à l'école du même nom. Cette semaine, je suis allée voir l'autre grande réalisation à l'affiche présentement, « Dédé à travers les brumes » qui se veut une biographie documentée d’André Fortin, défunt leader du groupe Les Colocs.
Tout d'abord : « wow! » Le film est beau à regarder, avec de belles images. Il est aussi et surtout très bon à écouter. On connaissait le chanteur en surface, à travers ses chansons contenant bien souvent un double sens. On oubliait l'homme engagé, très impliqué, énervé, énergique, passionné, créatif, intense. Il était un artiste dans le sens extravagant que l'on dépeint souvent. Il chantait ce qu'il voyait dans la ruelle, dans le métro, dans la rue, tout ce qui le faisait réagir : la misère des pauvres, des sans-abris, des gens différents.
Et c'est en réécoutant les albums des Colocs, après avoir visionné le film qu'on comprend ce qui était sous-entendu dans ses écrits. Qu'on délaisse le son de l'harmonica, de la basse, la guitare et tout autre élément sonore et qu'on s'attarde aux paroles. C'est en écoutant le film qu'on comprend que Dédé Fortin vivait ses chansons, s'appropriait chacune de leurs histoires et ressentait leurs émotions. Qu’on reconnaît l’homme qu’il était. L’homme extrêmement fidèle à ses amis et à ses convictions plus qu’aux femmes de sa vie.
Il aura compris trop tard que celles qu’on délaisse ne demeurent pas éternellement là à attendre notre retour.
L’homme qui refusait de vieillir, qui refusait de voir sa célébrité décliner un jour, d’entrer dans un moule imposé. Qui souhaitait ardemment la souveraineté du Québec. Qui acceptait très difficilement la mort de son ami sidéen et collègue des Colocs, Patrick Esposito di Napoli. Qui tentait de se détacher de sa double identité, redevenir André Fortin pour délaisser le Dédé connu de tous, ce personnage coloré, exubérant, celui qui était rempli de vie, d’idées folles, qui décrivait son monde et son lot de banalités surprenantes. Redevenir le André Fortin torturé, rongé de l’intérieur, plongé dans une grande déprime, une peine d’amour insurmontable. Redevenir le André Fortin capable de demander de l’aide, alors qu’il le jugeait impossible à cause de son image publique.
C’est aussi en écoutant ce film qu’on comprend qu’il était entouré de gens qui l’aimaient, qui tentaient de le supporter du mieux qu’ils le pouvaient et que cela devenait de plus en plus complexe. Des gens qui avaient vu venir les choses, mais qui avaient été convaincus par un Dédé persuasif, mais tout de même blasé…
Si vous vous demandez toujours à quoi vous attendre lorsque vous vous assoirez devant votre écran pour écouter « Dédé à travers les brumes », dites-vous que le film réussira très certainement à vous décrocher un sourire, vous arracher une éclat de rire et probablement aussi à vous voler quelques larmes, que vous aurez en vain tenté de retenir.
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