Armand Vaillancourt : entre liberté et engagement
Informé de l'arrivée du journaliste, l'entrevue est précédée de menus travaux. Un passage obligé. « T'as l'air grand et fort toi. Prends donc l'échelle, glisse là ici, en bas et va la porter dehors. Après on pourra se parler. »
Armand Vaillancourt, généreux, s'est ensuite montré intarissable de ses nombreuses rencontres comme de sa vie. Il parle avec fierté de l’écrivain et cinéaste Fernando Arrabal qu’il a reçu chez lui au printemps, « C’est un des grands tu sais », commente-t-il, oubliant un instant qu’il figure lui aussi parmi les (très) grands.
S’en est suivi un monologue de près d’une heure. De sa naissance (à Black Lake en 1929) à son adolescence dans une maison trop petite où il dormait sur des paillasses, de ses batailles à coups de poing « un moment donné, les Anglais ils allaient trop loin, ça finissait par m’écœurer. Alors je serrais les poings et je cognais fort, tu sais », l’artiste parle longuement de l’homme, mais peu de son art.
« C’est le présent, pas le passé qui m’intéresse. Je troque pas mal ces temps-ci. Je vends aussi. L’autre jour, j’ai eu presque 4 000 $ dans un encan improvisé. C’était pour un théâtre. J’aurais pu mal finir et être millionnaire, mais être généreux c’est une belle façon de vivre. »
Armand Vaillancourt est plus grand que nature, et il le sait. Plutôt que de lui apporter une pédance souvent observée chez d’autres artistes, son statut d’icône vivante lui permet d’être un homme dont l’engagement a une portée et une fougue qui échappent à nombre de ses contemporains.
« On m’imagine souvent comme un pan de mur de 6’2’’, mais non, le p’tit cul c’est moi », lance-t-il sourire en coin. Son œuvre, qui a depuis longtemps dépassé les limites territoriales du pays, ont façonné l’image que l’on se fait de l’artiste : gigantesque.
Dans un coin de la grande salle, Armand Vaillancourt sort des photos d’un portefolio, un projet hommage au syndicaliste Michel Chartrand. « Il y a pour 320 000 $ de métal dans ça. C’est un projet de 1 M$. C’est ArcelorMittal qui va me fournir le métal. Chaque morceau pèse 42 000 livres, il y en a 20 », précise l’artiste.
Les deux pieds bien ancrés dans le présent, Armand Vaillancourt a 83 ans et il s'inscrit toujours comme un créateur pertinent. Son engagement social demeure l'écho de ses convictions les plus profondes. « La liberté tu sais, ça ne veut pas dire rester là, à faire ce qu'on veut… ce n’est pas gratuit non plus », lance-t-il, les yeux brillants.
Photo : François Drouin
Carré rouge épinglé à la poitrine, il insiste. Pour la prise de photo, jugeant le format trop petit, « pas suffisamment important », il transforme un sac de rénovation en symbole de ce printemps érable. « On le voit bien? C'est important ce qui se passe, tu sais. Ils ne sont pas le futur, ils sont le présent. »
ÉCOLE
L’entretien d’un peu plus d’une heure a défilé à toute vitesse. Une seule question a été posée. Et la Vieille-École M. Vaillancourt ? Le bâtiment historique cédé à la Fondation Armand Vaillancourt en 2003 abrite aujourd’hui des salles d’expositions et un café.
« Je la voyais quand je passais dans la région. Puis on m’a dit qu’on voulait la détruire, que des gens n’en voyaient plus la raison. Alors je me suis dit qu’il fallait la sauver. On a eu des problèmes, on a travaillé terrible, sans subvention. Mais c’est un bien culturel et collectif, ça charrie beaucoup d’âme », a conclu l’artiste.
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