«La pire affaire qui pourrait vous arriver au volant, c’est de tuer des gens», la juge Luce Kennedy
Plusieurs familles brisées par l’alcool au volant se sont retrouvées dans la même salle d’audience au palais de justice de Rivière-du-Loup, le 23 mars, pour l’imposition de la peine de la multirécidiviste Sylvie Lévesque. Devant trois victimes, elle a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement dans un pénitencier fédéral en lien avec des accusations de conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions et de conduite dangereuse.
La voiture occupée par deux personnes âgées et leurs deux petits-enfants a été percutée de plein fouet par le véhicule conduit par Sylvie Lévesque le 21 mai 2022 à 22 h 20, en plein cœur du centre-ville de Rivière-du-Loup à l’intersection des rues St-Pierre et Desjardins. La vitesse du véhicule de l’accusée, en provenance de la rue Desjardins, était de 118 km/h à 0.2 seconde avant l’impact. Au même moment, une fête foraine au centre commercial et une compétition sportive avaient lien dans ce secteur. De nombreux piétons ont été témoins de l’accident.
«À cette vitesse, elle était une bombe roulante en plein centre-ville de Rivière-du-Loup», a indiqué la procureure de la Couronne, Me Roxanne Bossé-Morin. L’accusée avait un taux de 204 mg d’alcool par 100 ml de sang, plus de deux fois et demie la limite permise. Titulaire d’un permis probatoire seulement, elle était seule et ivre au volant.
UN CRIME LOURD DE CONSÉQUENCES
«Notre famille est marquée à vie de ce triste accident. Nous avançons sans regarder en arrière car ces souvenirs nous font très mal. J’ai beaucoup de peine pour mes parents qui ont perdu beaucoup de capacités physiques […] J’espère sincèrement ne plus avoir à vivre un tel cauchemar. J’espère que l’accusée prendra le temps et les ressources afin de régler son problème d’alcool, pour elle, pour nous, pour sa famille et pour tous les gens dans le futur», a lu la fille des victimes, en s’adressant directement à Sylvie Lévesque.
Une des victimes a été transférée dans un hôpital de Québec, où elle a été hospitalisée pendant trois semaines en raison de 12 côtes fracturées et d'un pneumothorax. Elle a été à nouveau amenée d’urgence à l’hôpital en décembre 2022 en raison d’autres complications liées à l’accident. Son conjoint ne garde aucun souvenir de l’accident et a subi une hémorragie cérébrale ainsi que des fractures aux côtes et à une omoplate.
Sylvie Lévesque s’est adressée directement au couple de personnes âgées impliqué malgré lui dans ce grave accident et à leur fille, tous assis de l’autre côté de la salle, à l’opposé du box des accusés.
«J’ai vraiment ressenti [sa douleur]. Moi aussi j’ai vu mon père et ma mère souffrir à l’hôpital et je comprends tout ce qu’elle a dit. C’est moi qui ai causé ça et ce n’est pas correct. Je veux dire à la famille que je suis vraiment désolée. Je suis contente que vous soyez en vie et que vous êtes tissés serrés», a déclaré Sylvie Lévesque, la voix entrecoupée de sanglots.
Elle a dit vouloir prendre toute l’aide possible afin que cela ne se produise plus jamais.
En rendant sa décision, la juge Luce Kennedy a souligné que la peine doit être dissuasive pour l’ensemble de la société et que la conduite avec les facultés affaiblies est un fléau social. «[Il faut] dissuader une autre personne de prendre le volant, même si c’est la première fois, et d’occasionner des blessures aussi graves à des gens qui passaient un bon moment et qui se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment», indique la juge.
MULTIRÉCIDIVISTE
À la sixième récidive de conduite avec les facultés affaiblies de Sylvie Lévesque, des gens se sont retrouvés sur sa route et ils en subiront les conséquences toute leur vie. De plus, l’enfant de l’accusée sera privé de sa mère pendant plusieurs années. «La pire affaire qui pourrait vous arriver au volant, c’est de tuer des gens. Il n’y a plus d’autre étape», a laissé tomber la juge Luce Kennedy.
Sylvie Lévesque avait été accusée de conduite avec les facultés affaiblies en 1995, 1996, 2007, 2012, et 2014. Lors de cette cinquième offense, elle avait écopé de huit mois d’emprisonnement puisqu’elle avait conduit un véhicule pendant que cela lui était interdit.
«Le fait d’avoir blessé des gens… je ne suis pas comme ça. Je n’aime pas blesser les gens, je ne suis pas méchante. J’aide les gens d’habitude. Ma maladie a fait que j’ai blessé des gens. Je le regrette vraiment. J’ai fait un mauvais choix cette journée-là en prenant mon auto, j’en suis consciente», a ajouté Sylvie Lévesque. Elle a dit avoir pris conscience de l’importance de son problème de toxicomanie en détention.
Il lui reste un peu moins de trois ans (35 mois et demi) de prison à purger. Avant de quitter la salle d’audience du palais de justice de Rivière-du-Loup vers la prison, elle a salué les victimes de la main. La juge Luce Kennedy lui a imposé une interdiction de conduite pendant 10 ans. Le risque de récidive de Sylvie Lévesque est évalué à moyen, tant que son problème de toxicomanie n’est pas réglé, selon le rapport présentenciel déposé au tribunal.
Selon la «Fiche sur la sécurité routière – édition 2022» de la Société d’assurance automobile du Québec, chaque année en moyenne de 2016 à 2020, 85 décès sont survenus en raison de l’alcool au volant (25% des décès causés par les accident de la route) et 200 personnes ont été blessées gravement. Toujours d’après la SAAQ, le risque d’accident mortel est 4,5 fois plus élevé chez un conducteur ayant une alcoolémie de 50 à 80 mg par 100 ml que chez un conducteur sobre.
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