Armand Pelletier (alias Raisin): comme un arbre en fleurs
Rivière-du-Loup - Pendant plus de 20 ans, Armand Pelletier, alias Raisin, a arpenté les rues de Rivière-du-Loup. Au sens propre, il les a habitées. Mais en 2008, le clochard s’est estompé, sa légende a certes continué à planer sur la ville, mais l’homme a repris sa place et sa dignité dans la société. C’était il y a six ans. Info Dimanche s’est entretenu avec celle qui l’a aidé à se relever, son ange, Mme Lise F.
Alors, qu’est-il advenu d’Armand Pelletier? « Il va bien, il habite un foyer de type familial du KRTB, il sourit, il communique, il prend part aux tâches. Il reçoit, bien sûr, la médication appropriée à son état. Il lit beaucoup et il se tient informé. Il fréquente un Centre de jour, où il joue aux cartes », répond celle qui l’a littéralement sorti de la rue.
Lise F. a rencontré Armand Pelletier pour la dernière fois l’été dernier. Elle y a vu un homme définitivement tourné vers le présent, serein et heureux.
« On sait qu’il nous connait, mais il ne se rappelait plus de mon nom, dit-elle sans tristesse. Il a oublié la rue ou du moins, il ne veut plus s’en rappeler. Si on lui en parle, il sourit, mais il ne cherche pas à argumenter. Il est bien. »
Qui pourrait lui reprocher cet oubli volontaire. Passer 20 ans dans la rue, à Rivière-du-Loup, à braver le froid, à se battre avec ses propres démons, à hurler la nuit pour faire sortir cette humidité qui mord la chair, ce froid qui glace les os. « C’était un géant, il aurait pu avoir des amputations, des infections, des empoisonnements, mais il s’en est tiré avec un léger diabète, c’est une force de la nature, un géant », souligne-t-elle.
ITINÉRANCE
Pour Lise F., il est facile de se déresponsabiliser face à ce problème de société comme le gouvernement l’a fait avec la désinstitutionnalisation. « On se dit que c’est leur choix, qu’ils sont paresseux, mais dans bien des cas, il s’agit de gens malades nécessitant des soins, qui voudraient sortir, aller travailler, fonctionner, mais qui ne peuvent pas toujours. Il faut les faire se sentir humain avant toute chose. »
L’ANGE
L’ange d’Armand Pelletier, Lise F., qui même après toutes ces années souhaite demeurer anonyme, est une femme profondément humaine. « Ce n’est pas important, ce n’est pas ce que j’ai fait, mais le résultat qui importe », répond-elle humblement. À maintes reprises lors de l’entretien, Lise F. a tenu à rappeler et surtout à mettre de l’avant l’implication de Michel Morin, alors maire de Rivière-du-Loup, de deux travailleuses sociales, de l’avocate du CLSC, Me Aline Dion, et d’un juge, pour ne nommer que ceux-là.
« Ce sont des petits gestes que j’ai posés. Seule, je n’aurais pas pu le sortir de la rue. Il était sur ma route, tout simplement. Je n’ai pas fait de détour. Je ne savais pas que ça irait aussi loin. Tout commence par un sourire, un bonjour. Au fil des ans, Armand a été aidé par beaucoup de gens qui sont restés dans l’ombre, des gens qui allaient lui acheter sa nourriture, des gens qui lui donnaient des vêtements. »
Les étoiles étaient-elles alignées? L’ange d’Armand parle plutôt de concours de circonstances. Mais sans elle, sans cet amour pour l’humain, qui sait ce que l’avenir réservait à celui que l’on décrivait comme un pauvre clochard, heureux dans la rue? Sans conteste, Lise F. est l’astre sur lequel les autres étoiles se sont alignées.
En 2008, en compagnie de son conjoint, du maire Michel Morin et d’un autre résident venu lui aussi en aide à l’itinérant, Lise F. rencontre deux travailleuses sociales du CLSC Rivières et marées de Rivière-du-Loup. Elle devient requérante et avec l’aide de l’avocate du CLSC, Me Aline Dion, elle obtient l’hospitalisation de M. Pelletier. Une procédure menée rondement puisqu’en moins d’une semaine tout est conclu. Le 20 juin 2008, Armand Pelletier est conduit au Centre hospitalier régional du Grand-Portage. Il ne retournera plus jamais vivre dans la rue.
Le 13 octobre 2014, plus de six ans après la parution de l’article « Au revoir Raisin, bonjour Armand Pelletier » dans le journal Info Dimanche, le texte a refait surface sur les réseaux sociaux. Dans les jours suivants, le texte a été partagé plus de 6 200 fois via le site Facebook. Au total, 104 personnes ont à nouveau commenté le reportage sur infodimanche.com. Pas moins de 37 813 personnes ont consulté la page du site Internet. Une situation inusitée démontrant clairement l’intérêt des lecteurs pour cet homme aussi grand qu’intrigant. |
L’ARBRE EN FLEUR
Après son arrivée à l’hôpital en 2008, l’itinérant dessine, une façon de s’exprimer, de reprendre contact. Il a tracé trois cactus, dont un gros, à l’écart des autres. L’homme de la rue se sait en marge de la société, il l’illustre à sa façon. Trois semaines plus tard, lors d’une autre visite, alors qu’Armand Pelletier émerge de son brouillard, il montre un nouveau dessin à son ange. « Il avait dessiné des arbres, dont un arbre en fleur. Je lui ai dit : ‘’regarde Armand, tu es cet arbre en fleur. Ta vie va devenir florissante’’. Il a souri. »
Cette année, pour la première fois, Lise F. a reçu une carte de Noël d’Armand. « Il a signé son nom ! », lance-t-elle, heureuse et touchée.
NDLR Selon le souhait émis par M. Pelletier, aucun portrait récent ni précision sur son lieu de résidence n’accompagne cet article afin de respecter son intimité.
13 commentaires
Bravo aux gens qui ont appuyé la démarche de cette dame, sans qui, Armand n'aurait pas eu le privilège de faire fleurir son arbre...
Merci a la dames et tous ceux qui ont prie sois de M. Pelletier cette homme le merite vraiment ...
Mon doux quelle générosités envers autruis ..
Je vous lève mon chapeau mme Lise!! pour vos bons gestes ...
💖
Bravo en faite-le plus souvent ...
je suis déçu que de voir des mauvaises nouvelles ,mais la chapeau .
C'est la façon de vivre que Jésus nous propose, aimer et aider son prochain.
Puisse votre exemple encouragez d'autre a le faire.
Le Bon Dieu est très fière de vous.