Rivière-du-Loup - Ils sont originaires de notre région, mais ne voient leurs proches que très peu souvent. Ce n'est pas par mauvaise volonté. Ils nous rendent visite aussi souvent qu'ils le peuvent. Toutefois, ils ont choisi de s'engager ou de gagner leur vie à l'étranger.

Tous affirment retirer une grande satisfaction de leur travail à l'étranger, même si quelquefois, ils aimeraient bien être près de leurs familles, là où sont leurs racines.

YVES LEMAY DE SAINT-ANTONIN

En juillet 2005, Yves Lemay de Saint-Antonin a décidé d’aller s’établir à Shanghai, en Chine. Dix ans plus tard, il ne regrette pas cette décision qui l'a fait grandir dans la profession qu'il avait choisie: joaillier.

«Pour quelqu'un qui a un métier comme le mien, le marché est plus intéressant ici. Dans la culture chinoise, il est très important de bien paraitre. La société chinoise est très hiérarchisée. Même quelqu'un qui vit modestement voudra posséder un bijou ou un sac à main haut de gamme», dit celui qui possédait sa propre compagnie de finition de bijoux à Montréal. Ce sont des amis Chinois l’ont convaincu de faire le grand saut.

L'adaptation ne fut pas facile, à commencer par la langue. «Les travailleurs ne parlaient que mandarin, alors que je n'avais que des notions de base de cette langue». Au fil des années, cette barrière est tombée. Yves fabrique des bijoux de luxe, sur mesure, à partir des demandes des clients: budget, couleur préférée, style, etc.

Ses créations sont très recherchées. Sa passion jumelée à sa détermination en feront bientôt l'un des rares joailliers 100% indépendant de la planète en termes d'équipement. «Je possède de l'équipement de soudage et gravure laser ainsi qu'une imprimante 3D. Lorsque je pourrai intégrer les coulées de métal, je serai 100 % autonome.»

Yves dit ne pas être riche, mais bien se débrouiller. «J'habite une belle villa avec jardin que je loue. Impossible d'acheter. Ici, une maison comme la mienne vaut facilement 3 millions $. Et tu n'es jamais propriétaire de la terre ou tu construis ta maison. Le terrain appartient toujours au gouvernement et tu le loues 70 ans.» 

MENTALITÉS DIFFÉRENTES

Les mécaniques sociales sont aussi différentes. «Au Québec, les gens disent ce qu'ils pensent. Ici, c'est rarement le cas. Si un Chinois m'offre un présent, ce sera peut-être pour me dire ensuite qu'il ne passera finalement pas la commande. Il faut apprendre à lire entre les lignes», dit celui dont l'entreprise embauche trois employés, dont Karry, l'une de ses amies fidèles.

«Je comprends les Chinois d'être toujours méfiants. Ce peuple a traversé des périodes très dures ces 200 dernières années. La Chine est très fragmentée. Il y a 1,3 milliard d'habitants. Chaque province a son dialecte. Mao a imposé le mandarin et ça a aidé à uniformiser les communications, mais il demeure impossible de mettre toute la Chine dans le même paquet.»

Après 10 ans, est-ce que les choses sont plus faciles? «Ça a été difficile tout le temps. Et lorsque je pensais tout lâcher, je m'encourageais en regardant cela», me dit-il, en exhibant fièrement sa signature d'artiste, coiffée d'une fleur de lys, notre symbole national.

«Sur ma carte professionnelle, il y a le Québec où je suis né et le nom de ma famille. Lorsque je regarde cela, je ne me donne pas la permission de lâcher». Reviendra-t-il au Québec? Mystère… Il ajoute toutefois que les Chinois n'en ont pas fini avec lui et me prie de saluer ses parents: René et Lucille.