Un homme et ses oiseaux
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L’ornithologue originaire de Matane n’est pas là en simple observateur. Il est en mission. Chaque printemps, depuis 2001, il scrute l’horizon dans un but bien précis : effectuer le dénombrement des oiseaux de proie durant la migration printanière. Un projet qui lui permet de tracer le profil de la migration et de déterminer le nombre d’espèces et les conditions climatiques privilégiées par ces oiseaux qui transitent, un moment, par le bas-Saint-Laurent.
Photo : François Drouin
« C'est pour ça que chaque heure je prends des données météos, température, vents, direction la vitesse, l'humidité, la pression barométrique. (...) Chaque espèce a ses cycles vitaux, cycles qui sont reliés à l'alimentation, aux proies qui eux aussi ont leurs cycles », explique celui qui oeuvre pendant la saison estivale à titre de garde-parc naturaliste au Parc de la Gaspésie.
Migration
Ce phénomène printanier met en scène 16 espèces de rapaces. « Une majorité d’oiseaux migre pour nicher. Ils longent la chaine des Appalaches à partir des États-Unis. Ils arrivent en Gaspésie puis ici, au Bas-Saint-Laurent », explique l’ornithologue de 45 ans.
À 10 h 20, une buse à queue rousse est passée face au belvédère.
Photo : François Drouin
Les espèces nichant au nord empruntent donc cette route migratoire. Dans le cas du pygargue à tête blanche, l’espèce effectue sa traversée vers la Côte-Nord à la hauteur du belvédère. D’autres, comme l’aigle royal, poursuivront leur route vers Trois-Pistoles ou Rivière-du-Loup, avant de se diriger vers le nord. Certaines espèces arrivent par la vallée du Saint-Laurent, en passant par le sud du Québec. Ils vont aussi longer la côte et le belvédère.
Pour économiser leur énergie, les oiseaux recherche les systèmes dépressionnaires et les courants ascendants sur lesquels ils se laissent porter. Dans le cas du Parc du Bic, le relief escarpé contribue au réchauffement qui favorise un courant ascendant qu’utilisent les oiseaux.
Le fameux pygargue à tête blanche. Le jeudi 31 mars, il a été le seul des 11 observés à être passé au dessus du belvédère, et encore là, à une très haute altitude.
Photo : François Drouin
Du haut du belvédère, Denis Desjardins observe. S’il note une augmentation d’individus de pygargues à tête blanche, ses 10 ans d’observation lui ont aussi permis d’identifier et de répertorier de plus en plus d’éperviers de Cooper, une espèce rarissime dans l’est, mais dont les observations sont en hausse.
Jeudi dernier, à 9 h 45, l’ornithologue installait son matériel sur un belvédère encore recouvert de son manteau hivernal. « C’est la passion. Celle pour les oiseaux de proie », lance Denis Desjardins. Après une décennie, si les rapaces sont encore au rendez-vous, la passion l’est tout autant. En place depuis le 20 mars, il y sera jusqu’au 21 mai. Bon an mal an, pendant ces 63 jours d’observation, il dénombrera entre 2 000 et 7 000 individus.
Au centre, on retrouve Denis Desjardins, entouré, comme il se plait à le dire lui-même, d’une bonne partie du noyau dur des passionnés. Dans le désordre, il y a André Pelletier, Laurent Brisson, Gérard Proulx, Marielle, Francine Gauvin et son conjoint, Jean Monroe.
Photo : François Drouin
Belvédère
Et quand les oiseaux se font plus rares et que les jumelles retombent sur la poitrine, on y parle alors photo. Car l’ornithologue n’y est pas seul. Le belvédère devient le lieu du rendez-vous quotidien de nombreux passionnés d’oiseaux et de photo. Les nouveaux visages y sont rapidement accueillis.
« La photo c’est complémentaire. Tu sais, tu observes un pygargue, mais tu veux aussi l’avoir, tu veux en conserver un petit quelque chose. La photo c’est extraordinaire pour ça. Denis est un "nikoniste", mais ça on lui pardonne (rires), il a d’autres qualités », raconte le pince-sans-rire Gérard Proulx, un fidèle observateur, qui arbore fièrement son matériel de marque… Canon.
C’est aussi ça, la recette printanière du belvédère Raoul-Roy. Un bon fond d’ornithologie, un soupçon de photographie et une bonne dose d’humour pour rehausser le tout. Le plaisir ne peut qu'être au rendez-vous.
Bilan
En cette journée du 31 mars, en compagnie de Denis Desjardins et de 11 autres observateurs, 11 pygargues à tête blanche dont 9 individus traversant l’estuaire maritime du Saint-Laurent ont été observés alors qu’ils se dirigeaient en direction nord-ouest sur une distance de 35 km vers la Côte-Nord (Pointe-à-Boisvert). Une buse à queue rousse et un aigle royal ont également été observés alors qu’ils traversaient le fleuve.
Projet
Le projet de dénombrement des oiseaux de proie durant la migration printanière s’est amorcé avec le Club ornithologique du Bas-Saint-Laurent (COBSL). Le club a supporté le projet pendant quatre ans. Le Regroupement QuébecOiseaux a ensuite pris la relève et a même financé le projet aux cours des deux dernières années.
Photo : François Drouin
Au coût de 15 000 $ par saison, le regroupement ne suffit plus et c’est une aide de dernier recours du ministère des Ressources naturelles et de la Faune qui aura permis de reconduire le suivi.
Destination
Ce véritable festival aérien ornithologique se poursuivra jusqu’à la deuxième semaine de mai, avec des moments forts à partir du 17 avril. Les magnifique pyguargues feront bientôt place à d’autres espèces de rapaces. Pour gagner le belvédère Raoul-Roy du Parc du Bic, situé à Saint-Fabien, il suffit de prendre la route 132 pour se diriger en direction nord sur la route de la Mer. Après environ un kilomètre, l’entrée du belvédère se trouve à votre droite, entrée qui est désormais déneigée.
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