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Face à face avec les requins du Québec

durée 28 avril 2013 | 14h25
  • Rivière-du-Loup - Malgré leurs mâchoires aux multiples dents, ils ne risquent pas de vous faire frissonner. Ils pourraient même gagner votre reconnaissance. Place aux squales du Québec (et aux nombreuses autres espèces de requins), présentés au Centre des sciences de Montréal dans le cadre de sa nouvelle exposition.

    Ces sept requins malaimés et méconnus arpentent les eaux de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. «Ils appartiennent à notre patrimoine. Nous avons encore trop peu de données sur eux, mais ils pourraient être bien plus nombreux dans nos eaux», explique le président directeur de l’Observatoire des requins du Québec et du Groupe d’étude sur les élasmobranches et le requin du Groenland.

    Alors que de nombreux chercheurs s’enthousiasment pour le dauphin ou la baleine, Jeffrey Gallant se passionne pour le requin du Groenland, l’un des plus gros requins carnivores de la planète. Adepte des eaux froides, «Skalugsuak» —son nom inuit— fréquente l’estuaire du Saint-Laurent et le Fjord du Saguenay. Il s’y nourrit de poissons, mammifères marins, calmars et autres carcasses.

    Long de 3 à 7 mètres, il présente un métabolisme très lent —mais paradoxalement, c’est un très bon chasseur!— et pourrait vivre jusqu’à 200 ans, ou même plus. «On ignore sa réelle longévité. Je pense qu’il pourrait être le vertébré doté de la plus longue espérance de vie», avance le chercheur. Contrairement à certains animaux, dont les anneaux de l’épine dorsale peuvent donner un indice de la longévité, la carcasse cartilagineuse du requin, puisqu’elle se décompose, ne permet pas d’en estimer l’âge.

    Afin de mieux connaître les déplacements de cette espèce, particulièrement l’hiver, le chercheur et son équipe ont posé un émetteur satellite sur l’un des spécimens nageant près de Baie-Comeau, le seul endroit où elle peut être observée de manière naturelle, une opération qui a d’ailleurs été filmée par le National Geographic.

    Selon ces observations, le spécimen —rebaptisé «Jack», en l’honneur de Jacques Lacoursière— serait capable d’occuper toute la colonne d’eau et de supporter des grands écarts de températures (de près de 20ºC). Un autre pan de recherche de l’équipe consiste par ailleurs à étudier les effets du réchauffement climatique sur ce requin des eaux polaires.

    En parallèle de l’étude de l’ensemble des requins et des raies fréquentant l’estuaire et le golfe Saint-Laurent, l’Observatoire des requins du Québec projette de diffuser des vidéos de requins du Québec sur le web. Les premières images sont attendues pour l’automne 2013.

    Lorsque le prédateur devient la proie

    La liste rouge des requins menacés, recensée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, ne cesse de s’allonger. Près de 76 millions de requins sont tués chaque année, la plupart pour alimenter le commerce de la soupe aux ailerons. Et les pêcheurs ne s’encombrent pas de l’animal. Une fois l’aileron sectionné, ils rejettent le requin à la mer où il ira mourir. Les espèces menacées des profondeurs figurent de plus en plus au menu des gourmets.

    «Ce prédateur possède plus un statut de victime que de menace», fait d’ailleurs remarquer le chercheur, aussi directeur national de l’Institut de recherche sur les requins et du Réseau d’observation des requins. «Comme le loup, le requin maintient l’équilibre des écosystèmes où il évolue. Mais avec un taux de reproduction trop faible pour supporter l’actuelle pression de la surpêche, il disparaîtra.»

    Depuis 20 ans, le Québec et le Canada interdisent l’«aileronnage», la chasse à l’aileron de requin. Il est toujours possible cependant d’en importer pour mitonner des soupes. «C’est comme si vous payez quelqu’un pour les tuer pour vous. C’est une tragédie qu’il faut stopper», s’offusque le chercheur, à l’origine d’une pétition destinée à interdire la commercialisation et la possession d’ailerons de requins, déposée en février dernier à l’Assemblée nationale du Québec et qui a recueilli jusqu’à maintenant plus de 5 000 signatures. Une prise de conscience nécessaire —malgré notre faible affection pour les squales— pour donner la chance à nos petits-enfants de voir des requins nager… en dehors des musées!

    Source : Agence Science Presse, Isabelle Burgun


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