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La persévérance de Philippe Blier 

durée 17 janvier 2021 | 06h49
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    «Mes objectifs ne changent pas, seulement le chemin pour les atteindre». Cette phrase de motivation, le dynamophile Philippe Blier l’a répétée plusieurs fois ces dernières semaines, lui qui a subi les contrecoups de la pandémie de COVID-19. S’il avoue avoir vécu des moments difficiles cet automne, faute de pouvoir continuer de s’entrainer et de vivre sa passion, il regarde maintenant en avant et sait qu’il finira par atteindre ses buts.

    Après une grande victoire aux Championnats canadiens de dynamophilie de Winnipeg, grâce à des levées impressionnantes de 300 kg (661 lbs) au squat, 197,5 kg (435 lbs) au développé couché et 295 kg (650 lbs) au soulevé de terre, Blier se préparait pour une fin d’année des plus importantes quand le virus a frappé au Québec. 

    Non seulement l’athlète originaire de Pohénégamook comptait participer à ses premiers championnats du monde, tenus en Biélorussie, il avait aussi en tête le rendez-vous provincial lors duquel il comptait battre tous ses propres records. Une fin de parcours parfaite chez les juniors, se disait-il, l’idéal pour son entrée attendue dans la catégorie Open, la prochaine étape dans sa jeune carrière. 

    Évidemment, rien de tout cela ne s’est produit, puisque les compétitions ont été annulées les unes après les autres en raison de la propagation de la COVID-19. «J’étais dans la meilleure forme de ma vie, raconte-t-il. J’étais déçu de pas avoir eu la chance d’accomplir ce que je voulais, ce pour quoi j’avais tant travaillé. Mais je comprenais aussi les décisions. Je voyais bien que la situation ne s’améliorait pas.»

    C’est quand les salles d’entrainement ont fermé définitivement en octobre dans la région de Trois-Rivières, où il habite désormais, que le moral de l’homme fort a vraiment pris un coup. Un mois sans entrainement, c’était possible, bienvenu même pour le repos, mais un deuxième s’est ajouté, et ainsi de suite. Les gyms ne rouvraient pas et le jeune homme de 23 ans avoue qu’il n’allait pas bien. 

    «À la fin novembre, j’avais vraiment espoir de pouvoir recommencer, mais quand ils ont annoncé que la fermeture se poursuivait, c’est là que j’ai vraiment pris une claque», confie-t-il. «Je voyais tous mes efforts des dernières années disparaître. Pour un gars qui veut toujours être plus fort, plus gros, qui s’entraine depuis des années, c’était très difficile mentalement, je capotais.»

    Contrairement à d’autres athlètes d’élite, représentés par de puissantes fédérations, Philippe Blier n’avait pas accès à l’équipement nécessaire pour continuer de progresser dans un sport pourtant très spécialisé. Il n’avait pas non plus, dans son appartement 4 1/2, la chance de compter sur l’essentiel – ni l’espace finalement – pour poursuivre sa routine, lui qui s’entrainait en moyenne dix heures par semaine, cinq jours sur sept. 

    Les marches et les séries push-ups que lui recommandaient ses amis, sans malice, étaient loin d’être suffisantes. Rapidement, il a constaté perdre la force et la masse musculaire qu’il a pris des années à bâtir. Il a aussitôt remarqué une perte de motivation et de bonne humeur au quotidien. Une forme d’anxiété de performance s’est aussi mise de la partie, en voyant certains de ses plus féroces adversaires, privilégiés d’avoir un gym à la maison, partager leurs gains physiques sur les réseaux sociaux. 

    «Je suis tombé dans une sorte de dépression si l’on veut. Ça n’a jamais été diagnostiqué, mais il ne faut pas la tête à Papineau pour savoir que je n’étais pas dans mon assiette. Ma blonde le voyait bien que ça n’allait pas […] Je ne pouvais plus vivre ma passion et c’était pénible. Je me levais tard, je passais la journée sur la Xbox, ce n’était vraiment pas sain», témoigne-t-il. 

    «Les gens me disaient que ma force et ma masse allaient revenir, ils me parlaient de la mémoire musculaire, et ils n’ont pas tort, ça existe. Mais je me rendais compte que c’était difficile pour eux de vraiment comprendre ce que je vivais, ce que tout ça représentait pour moi. J’ai vécu une partie de tout ça seul, malgré le soutien de mes proches.»

    REGARDER EN AVANT 

    Au plus creux de l’épreuve, malgré un moral au tapis, Philippe Blier n’a cependant jamais remis en question son avenir dans la dynamophilie, un sport de force. Certes, il avait des craintes et des doutes – il en a encore d’ailleurs –, mais il devait accepter la situation, contrôler ce qui est possible. 

    C’est ainsi qu’il s’est mis à la recherche de solutions temporaires avec la venue de la nouvelle année. Il a fait l’acquisition de quelques haltères et d’un banc de musculation. Rien qui fera de lui l’athlète qu’il était il y a quelques mois, ce n’est pas suffisant, mais un bon point de départ quand même. Sur les réseaux sociaux, plusieurs dizaines de personnes lui ont aussi envoyé une tape dans le dos virtuelle. 

    «Je vais mieux maintenant que je peux m’entrainer un peu à la maison […] J’ai aussi réalisé que tout ça était hors de mon contrôle, que ça ne servait à rien de m’apitoyer sur mon sort. Mes objectifs sont toujours là. Je vise le 700 livres au squat et je vais l’avoir. Peu importe quand et comment, ça va arriver», lance-t-il en soulignant avoir une vraie «tête de cochon». 

    Il poursuit avec une belle analogie : «Même si tu as le meilleur bateau avec un gros équipage, si ton capitaine ne sait pas où il va, tu vas tourner en rond et tu n’atteindras jamais ta destination. Mais si tu sais où tu souhaites aller, même si tu as une petite chaloupe, tu vas l’atteindre ton but», dit-il. 

    «En ce moment, j’ai juste une petite chaloupe, mais je vais y arriver. Des hauts et des bas, il y en a dans tout. Je ne vais pas désespérer.»

    Nul doute, les prochains mois seront parsemés de nouveaux défis pour l’athlète. Il estime qu’il lui faudra plusieurs semaines d’entrainement avant de pouvoir recommencer à pratiquer la dynamophilie lorsque les gyms pourront rouvrir, puis plusieurs autres afin d’être fin prêt pour un retour aux compétitions. Mais il n’est pas pressé, puisqu’il sait qu’il y arrivera. Après tout, il y a plusieurs chemins pour se rendre à destination.

     

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