Aventure au cœur des glaces du Saint-Laurent
«Être sur la glace, avoir cette proximité-là avec le fleuve en hiver, c’est un sentiment unique, quelque chose qu’on ne peut pas retrouver autrement.» Quand il parle de son sport de prédilection, le canot à glace, Julien Robitaille ne manque pas d’éloges. Et avec de tels arguments, on peut fort bien comprendre pourquoi la pratique de cette discipline, bien que récente, soit en pleine progression au large de Rivière-du-Loup.
C’était le 18 février, en fin d’après-midi, à la marina louperivoise. La tempête de la veille – celle qui a paralysé la région pendant plus de 24 heures –, s’étirait et des flocons dansaient toujours dans le ciel louperivois. Les tons de gris s’entremêlaient et le mercure affichait 10 ou 12 degrés sous zéro.
Pour plusieurs, les conditions invitaient davantage à se plaire dans un confort douillet qu’au dépassement physique à l’extérieur. Or, ce n’était rien pour refroidir l’enthousiasme des membres de l’Équipe de canot à glace de Rivière-du-Loup, de véritables passionnés, réunis pour leur séance d’entrainement hebdomadaire.
«Après une journée de travail passée à l’intérieur, il n’y a rien qui bat ça, soutient Julien Robitaille. Tout le monde est excité d’être ici aujourd’hui», assure-t-il.
Parti vers 16 h 30 avec leur fidèle compagnon, un canot de bois de 30 pieds et 322 livres, le valeureux groupe a effectué quelques allers-retours à travers les glaces présentes dans la marina et près du quai de Rivière-du-Loup. Une aventure au cœur d’un labyrinthe de blocs, de fissures et de reliefs aux formes multiples dont il est revenu un peu plus d’une heure plus tard, à la fois fatigué et comblé.
«Le canot à glace, ça nous transporte dans un environnement complètement différent. Parfois, il faut prendre le temps de s’arrêter pour admirer ce qui se retrouve autour de nous. À Québec, par exemple, la glace est douce, elle est cristalline. C’est vraiment exceptionnel», décrit Julien Robitaille.
C’est sans parler des couchers de soleil qui agrémentent parfois les fins de journée. Un spectacle qu’ils n’ont pu apprécier cette fois-là. Ce ne sera que partie remise. «C’est vraiment la raison principale pour laquelle on fait du canot à glace. On aime le sport, le dépassement personnel, mais l’environnement dans lequel on se retrouve est vraiment incroyable», renchérit-il.
UN COUP DE CŒUR
Julien Robitaille raconte avoir développé sa passion pour le sport dans les dix dernières années, notamment à travers une équipe de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) dont il était membre avec la cofondatrice du club louperivois, Sophia Thompson.
Quand le duo a déménagé à Rivière-du-Loup, il y a quelques années, il a vite réalisé qu’il ne faisait aucun sens que le canot à glace n’y soit pas pratiqué. Le terrain de jeu est pourtant si vaste et accessible, juste là, à leurs pieds.
«Le premier hiver, on regardait les glaces, les montagnes, et ça nous démangeait», raconte-t-il. «On a fait quelques remplacements à Québec, mais c’était clair qu’on voulait faire les démarches pour en profiter ici.»
Le projet a été lancé l’année suivante, et aujourd’hui, le club s’amuse pour une troisième saison consécutive. Sept membres réguliers, dont plusieurs sont de nouveaux initiés, forment l’équipe qui compétitionne sur le circuit provincial dans la catégorie élite mixte : Julien Robitaille, Sophia Thompson, Duane Boisclair, Nancy Côté, Marie-Soleil Joyal, Grégoire Martin et Xavier Gagnon. Quelques remplaçants canotiers sont aussi dans l’entourage du groupe.
«On a beaucoup de plaisir, on a vraiment une belle équipe», partage Robitaille. «Personnellement, je m’amuse autant à l’entrainement qu’en compétition.»
SPORT EXTRÊME?
À première vue, le canot à glace semble être une discipline destinée aux sportifs aguerris à la recherche de sensations fortes, un sport parfois «extrême» s’adressant à des personnes qui n’ont – littéralement – pas froid aux yeux. Or, il s’agit d’une image
véhiculée à tort, estime Julien Robitaille.
«Quand je présente le canot à glace, j’essaie de dédramatiser ça un peu», souligne-t-il en riant. «Ça peut être exigeant et intense lors de compétitions, mais ça peut être aussi très contemplatif. Un peu comme le ski de fond ou le vélo. Tu décides du rythme que tu t’imposes, des objectifs que tu te donnes et ça ne demande pas une forme physique sans pareil pour avoir du fun.»
Pour l’Équipe de canot à glace de Rivière-du-Loup, c’est la sécurité et le plaisir d’abord, les performances ensuite, précise-t-il d’ailleurs. Une philosophie partagée par tous ses membres.
Cette saison, le groupe a participé à trois compétitions, le Défi des glaces de Rimouski, le Carnaval de Québec et La Grande virée des canotières et canotiers, représentant chaque fois le Groupe Lebel, son commanditaire principal. Bientôt, il sera de la ligne de départ de la Course de la banquise de Portneuf, sa dernière épreuve de la saison. Les mots clés sont simples : s’amuser, se dépasser et progresser.
TECHNIQUES ET COMMUNICATION
En canot à glace, l’équipage est formé de cinq personnes, dont un capitaine et quatre équipiers. Lorsque le fleuve est en eau, le canot se déplace à l’aide de grandes rames. Sur les glaces, les canotiers prennent alors la position de la «trottinette». Crampons aux pieds, ils font glisser l’embarcation sur les glaces en synchronisme. Les techniques sont aussi importantes que les dialogues afin de traverser les conditions imprévisibles du fleuve.
«C’est un sport très dynamique. Tu ne restes pas dans le même mouvement tout au long de la course. Il y a beaucoup de déplacements, beaucoup de directives qui sont données. Il faut s’adapter. C’est un gros travail d’équipe», précise Julien Robitaille.
Anciennement un moyen de transport essentiel en hiver, liant entre elles les rives et les îles du fleuve Saint-Laurent, le canot à glace est encore bien vivant au Québec, alors que des centaines d’amateurs s’en donnent à cœur joie chaque hiver. Comme s’ils avaient découvert un trésor sur lequel d’autres tardent à mettre la main.
Vous aimeriez essayer? Si les conditions hivernales le permettent, le club louperivois aimerait offrir des ateliers d’initiation, une fois la période de compétitions terminée.
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