Marie-Pier Boudreau-Gagnon : Du cœur au ventre
En 1994, la Torontoise Lisa Alexander monte sur la troisième marche du podium en solo aux Championnats du monde, à Rome. Six mondiaux plus tard, et de retour à Rome, Marie-Pier Boudreau-Gagnon rétablit les faits, tirant un trait sur les 15 années d’absence du Canada sur le podium en solo. Boudreau-Gagnon a raflé à son tour le bronze à l’épreuve technique.
La journée du 20 juillet restera bien gravée dans la mémoire de la nageuse de Rivière-du-Loup. Troisième à l’issue des préliminaires présentés la veille, elle entrevoit finalement cette récompense à tous ses efforts.
« J’y allais pour la performance. J’avais tellement travaillé fort et j’y avais mis tellement de temps, raconte l’athlète de 26 ans. J’étais constante à l’entraînement, alors j’ai tout le temps poussé la machine un peu plus et on a vu le résultat : j’ai été capable de m’installer avec une solide avance sur le 4e rang », précise la nageuse, qui, deux jours plus tard, en a rajouté en méritant à nouveau le bronze.
ette fois-ci, elle a pu partager son bonheur avec ses coéquipières de l’équipe nationale puisqu’elles sont montées ensemble sur le podium, en combo.
Apprendre des échecs
Membre substitut de l’équipe canadienne aux Jeux d’Athènes, Marie-Pier a dû ronger son frein et admirer de loin ses coéquipières qui réalisaient leur rêve sans elle. « Ç’a été le point tournant de ma carrière. J’ai appris de mes erreurs en 2004, je n’étais pas tout à fait prête à faire partie de l’équipe. J’ai changé ma façon de travailler et j’ai réalisé plein de choses, ce qui a fait en sorte que j’ai pu continuer, me qualifier pour Pékin et pour les mondiaux. »
Même si ce n’était pas toujours facile, la Louperivoise est fière de ce qu’elle a parcouru. Reconnue en tant que grande technicienne, elle est aussi un modèle de détermination. « Une fois qu’elle a décidé de continuer, il n’y a rien eu pour l’arrêter », convient Sylvie Fréchette, mentor de l’équipe canadienne. « Le volume de travail que cette athlète peut accomplir est extraordinaire et rien n’a pu l’empêcher d’y croire. »
« Les difficultés font partie de mon parcours et c’est ce qui le rend beau, croit pour sa part Boudreau-Gagnon. Sinon, peut-être que ma médaille ne me ferait pas autant plaisir. Et réaliser que j’avais tout donné et tout traversé, c’est ce qui la rend si exceptionnelle. »
À 26 ans, elle est maintenant au sommet de son art. « Plusieurs nageuses synchronisées prennent leur retraite plus vieille maintenant. Je crois que plus on vieillit, plus on est capable d’atteindre un niveau supérieur. On développe de plus en plus de capacité technique et on est plus mature. »
Les sœurs Sauvé et la détermination : la recette gagnante
Au sein de l’équipe nationale depuis 1998, Marie-Pier Boudreau-Gagnon a été témoin du plongeon dans le vide qu’a amorcé Synchro Canada, mais elle l’a aussi vu renaître de ses cendres depuis l’année dernière en vertu des brillantes performances des athlètes juniors aux mondiaux, puis en étant elle-même un rouage important de la quatrième place acquise à l’épreuve par équipe aux Jeux de Pékin. Puis ce retour sur le podium, deux fois plutôt qu’une jusqu’à maintenant, aux Championnats du monde. « Avoir effectué notre retour sur le podium, et qu'en plus c'est moi qui ai décroché la première médaille, c’est très valorisant. Je suis contente de contribuer pleinement au nouvel essor de la nage synchronisée au Canada. »
Cela fait l’unanimité sur la scène internationale, nageuses, membres de fédérations et même des juges sont venus féliciter les Canadiennes de ce retour attendu. « Tout le monde est content que le Canada soit à nouveau en selle, affirme Boudreau-Gagnon. C’est un cycle. Nous sommes contentes d’avoir enfin le dieu de la nage synchronisée avec nous! Et nous comptons le garder au moins jusqu’aux Jeux olympiques de Londres, car nous visons une médaille », ajoute la Québécoise en riant.
Les Canadiennes sont aussi devenues un exemple de détermination parmi toutes les fédérations sur la scène internationale. « Plusieurs sont venues nous demander comment nous avions fait pour conserver notre bassin d’athlète aussi longtemps. La raison est simple. Nous sommes des battantes et ça fait la différence. C’est la première fois depuis longtemps que règne ce climat à Synchro Canada. »
Cependant, pour la principale intéressée, la clé du succès, ce sont les sœurs Denise et Julie Sauvé. « Elles ont formé des championnes depuis de nombreuses années et depuis qu’elles reforment une paire, les résultats ne font que progresser. Elles contribuent grandement au retour en force de l’équipe canadienne. »
« La structure aussi a beaucoup changé, ajoute-t-elle. Pour une fois, nous pouvons nous concentrer sur ce que nous devons faire : nager! »
De Rivière-du-Loup à la métropole
Marie-Pier a quitté sa ville natale à l’âge de 13 ans. La nageuse synchronisée venait de voir son idole, Sylvie Fréchette, aux Jeux olympiques et elle aussi voulait vivre ce rêve un jour. « J’ai dit : bon, c’est assez, il faut que j’aille m’entraîner ailleurs si je veux continuer de progresser », se rappelle-t-elle. « C’était ma volonté de rejoindre un club élite, j’avais beaucoup de motivation et il n’a fallu que convaincre ma mère! »
Chose faite, elle est allée habiter un an chez sa tante, à Québec, s’entraînant à Synchro Élite avant de faire le grand saut à Montréal. À 15 ans, elle rejoint les rangs de l’équipe nationale.
Bien qu’autonome et responsable, à 13 et 14 ans, on s’ennuie de sa famille! « Heureusement, j’ai eu de l’aide »… et une commandite d’Orléans Express! Boudreau-Gagnon pouvait donc sauter dans l’autobus et passer ses fins de semaine dans le bas du fleuve. « Ça me permettait de facilement revenir à la maison et c’était l’idéal », poursuit-elle, légèrement nostalgique.
Après 13 ans au sein de l’équipe nationale, Boudreau-Gagnon songera plus sérieusement à son avenir cet été, après avoir laissé la poussière des mondiaux retomber. Elle a tout de même bien hâte de compléter ses études en administration et de se lancer sur le marcher du travail. Mais une chose à la fois, cette battante ne devra faire qu’une chose à son retour : savourer!
Collaboration : Émilie Bouchard Labonté, Sportcom