«Quel impact est-ce que ça aura sur les délais? Qu’est-ce que cela va vraiment changer? […] La transition ne devrait pas se faire trop brutale- ment parce que nous avons déjà mis plusieurs choses en place. J’ai confiance en mes collègues de la défense et de la poursuite qui vont chercher de la formation pour améliorer leurs pratiques et bien faire leur travail», explique le bâtonnier du Barreau du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Iles-de- la-Madeleine, Me Hugo Caissy. Il indique que les avocats essaient de regrou- per les dossiers de même nature lors des mêmes journées. Toutefois, aucun palais de justice de la région n’est configuré afin d’éviter que les victi- mes ne croisent les accusés. La manière de contre-interroger les victi- mes en défense a aussi été changée au cours des dernières années. «Ça ne veut pas dire que le contre-interrogatoire ne sera pas serré […] Tout le monde est au fait des conclu- sions du rapport Rebâtir la confiance et nous avons pris acte de certains problèmes. Une adap- tation est faite, mais je ne prétendrai pas que tout est parfait», affirme Me Caissy. Il ajoute que les dossiers sont traités de la façon la plus sereine et respec- tueuse possible puisqu’ils sont émo- tifs pour toutes les parties impli- quées. Avocat de la défense, il est d’avis que la présomption d’inno- cence et la défense des droits des accusés permet d’éviter les abus dans le système de justice. Le bâtonnier déplore le peu d’informations disponibles jusqu’à mainte- nant sur la manière dont la Division spécialisée en matière de violence sexuelle et de violence conjugale se déploiera au Québec. Il s’inquiète que ce projet de loi ne soit qu’une affaire des grands centres. Si le projet de loi 92 est adopté, des projets-pilotes de trois ans seront instaurés dans au moins 5 des 36 dis- tricts judiciaires du Québec, qui ne sont pas déterminés pour le moment. Le ministre de la Justice s’est engagé à ce que l’établissement de la Division spécialisée en violence conjugale et sexuelle soit réalisé partout au Québec dans les deux ans suivant la fin des projets-pilotes. L’étude détaillée du projet de loi 92 par la Commission des institutions a pris fin le 11 novembre et il pourrait être adopté au cours des prochaines semaines. Cette démarche découle du rapport Rebâtir la confiance pro- duit l’an dernier, dont la 157e recom- mandation sur 180 était de déployer un tribunal spécialisé à l’échelle provinciale pour desservir toutes les régions en s’adaptant aux réalités urbaines et régionales. Ce rapport portait sur l’accompagnement des personnes victimes, l’intégration des services, la formation des inter- venants et des acteurs juridiques, la spécialisa- tion des équipes de police et de procureures, l’accès à des salles d’audience réservées et à des mesures d’aide au témoignage, la coordination entre les instances et la réduction des délais. «Il y une escalade avant d’arriver à la violence physique, ça commence souvent par le verbal et le psychologique. C’est beaucoup ça qu’on va voir dans les couples et les gars qu’on reçoit ici pour la violence conjugale», précise M. Laforest. Lors de l’année 2020-2021, l’organisme a reçu 241 demandes. Depuis le mois d’avril dernier, elles ont explosé, se chiffrant à 259 en seulement sept mois. Tellement que Trajectoires Hommes évalue la possibilité de créer à nouveau une liste d’attente. Luc Laforest indique que les intervenants tra- vaillent sur le processus de responsabilisation des hommes qui commettent de la violence conjugale, que ce soit lors de suivis individuels ou en groupe. «Oui, il y a deux côtés à une médaille. Nous, on tra- vaille avec l’homme […] Tu es responsable d’avoir réagi de cette façon-là. Même si ça brassait dans ton couple, tu aurais pu réagir autrement. On le ramène à lui-même, à ses comportements». Résumer la violence à une perte de contrôle est erroné, souligne-t-il. «Ce n’est pas une perte de contrôle. Quand on utilise la violence, c’est pour faire une prise de contrôle sur l’autre. Pour l’obli- ger à faire ce qu’on veut […] Dans l’escalade des gestes, quand on tombe dans la violence physi- que, il n’y a pas d’autre marche à part l’homicide.» Le directeur de Trajectoires Hommes souligne d’ailleurs la collaboration des organismes qui viennent en aide aux femmes dans la région. Il est catégorique, la violence conjugale est un acte criminel. «Si c’est un ami, il faut lui en parler directement, ça se peut qu’il ne soit pas prêt à entendre ça. Il faut toujours penser première- ment à la sécurité de la victime et il faut la protéger. Si jamais ça conti- nue, on ne niaise pas avec ça, c’est la police dans ce temps-là.» Luc Laforest ajoute que faire le premier pas pour demander de l’aide est sans doute la partie la plus difficile du chemin à parcourir. «Nous n’avons pas de statistiques ou de suivis, mais par- fois je croise les gars dans des commerces et ils me présentent leur conjointe en disant que je les ai aidés à s’en sortir. Oui, la reprise en main, ça fonc- tionne. Ce que je prends comme une réussite, c’est aussi quand une personne va nous rappeler parce qu’elle sent qu’elle est en train de redescendre la pente. Connaître l’organisme, c’est le premier outil le plus important. D’autres nous réfèrent à leurs amis, c’est un bon indicateur», conclut M. Laforest. Trajectoires Hommes du KRTB vient en aide aux hommes qui vivent des difficultés, qu’elles soient per- sonnelles, professionnelles, une séparation, un deuil, de l’isolement, des problèmes familiaux ou de la violence conjugale. L’ouverture des nouveaux bureaux de l’organisme aura lieu au début 2022, sur la rue Fraser à Rivière-du-Loup. Le projet un Toit pour nous, soit la location de cinq logements de transition pour les hommes en difficulté à court et à moyen terme se réalisera au cours des prochains mois. TRAJECTOIRES HOMMES DU KRTB : 418-605-0878 Explosion des demandes d’aide à Trajectoires Hommes du KRTB Luc Laforest, directeur de l’organisme Trajectoires Hommes du KRTB. PHOTO : ANDRÉANNE LEBEL • ANDRÉANNE LEBEL
[email protected] «Change-toi, t’es habillée en guidoune. Change ton mot de passe, que je voie tes messages. Vas-tu finir par changer d’idée, maudite boquée? Change d’air quand tu me parles. Faut que tu changes d’amis. Je te conseille de changer de ton.» Ce mes- sage publicitaire diffusé par le gouverne- ment est percutant et reflète la réalité, d’après le directeur de l’organisme Trajectoires Hommes du KRTB, Luc Laforest. Projet de loi 92 : beaucoup de questions et peu de réponses dans la région Me Hugo Caissy. • ANDRÉANNE LEBEL
[email protected] Le projet de loi 92 du ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette visant la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de vio- lence conjugale suscite de nombreuses interrogations dans la région du Bas- Saint-Laurent. Plusieurs avocats se ques- tionnent sur la façon dont ces change- ments se déploieront. Vous avez un projet novateur dans votre région qui a des retombées à l’international? Le prix Hector-Fabre est pour vous! Inscrivez-vous d’ici le 16 janvier 2022 pour tenter de remporter la bourse de 25 000 $ . Québec.ca/prix-hector-fabre Q21-09-13 1150264721 INFODIMANCHE • LE 24 NOVEMBRE 2021 21 ACTUALITÉ