«Je fais de la cueillette. C’est un truc vraiment important dans ma démarche artistique», com- mence l’artiste qui se développe autant sur les plans visuel que littéraire. Chaque plante cueillie l’est de manière responsable. Quand la jeune femme tombe sur un nouveau spécimen, elle lit pour en découvrir davantage sur ses caractéristi- ques. «Mon jeu préféré c’est de prendre une marche et de nommer les plantes que je peux recon- naitre et, à chaque fois, il y en a tou- jours qui s’ajoute», se réjouit-elle. Un de ses projets inspirés par la nature a débuté en 2019, mais a été travaillé de manière plus concrète à l’été 2022 lors de la résidence de l’artiste au centre agri- culturel Nouaisons situé à Scott en Beauce. «La forêt creuse l’intérieur» a pris naissance par hasard sur un four, alors que Mélissa C. Pettigrew se concoctait une boisson de chaga : «En faisant la décoction sur une cuisinière blanche, des gouttes de chaga sont tombées. Ça faisait vrai- ment de belles variations de couleurs intéressantes quand la tache a séché», se souvient l’artiste. Ainsi, elle a commencé à utiliser la macération de chaga comme matière première lorsqu’il n’était plus bon à sa consommation. Après avoir vu maints artistes utiliser du café et du thé pour créer, elle souhaitait elle aussi essayer une technique du genre, mais n’était pas attirée par ces pro- duits. Le chaga, pour sa part, lui offrait une richesse au niveau pictural, en plus de venir de la région, puisqu’elle en cueille sur les ter- res familiales de son conjoint. Lors de ses jours passés en Beauce, Mélissa C. Pettigrew a réa- lisé des peintures de chaga où elle a ajouté des traits de dessin. Elle souhaitait, par sa minime intervention, créer une image, mais sans dénaturer celle qui ressortait des teintes de chaga. Elle a aussi fabriqué des sculptures avec ce champignon de bouleau avec des épingles et des écailles de tête de violon récupérées. CONNEXION AVEC LA NATURE Mélissa C. Pettigrew raconte que ses intentions de création s’initient lorsqu’elle marche dans la forêt, se promène dans les battures sur le bord du fleuve et même lorsqu’elle s’occupe de son jardin. Le processus débute dans la nature et se continue même lorsqu’elle fait la transformation de ses plan- tes pour en faire des encres végétales. «Il y a vrai- ment quelque chose de concret dans ça. J’y touche et je me sens plus connectée. Ça on ne peut pas l’expliquer ni le démontrer, mais je pense que ça change vraiment mon travail», confie-t-elle. Elle ajoute qu’elle ne pourrait se contenter de seule- ment s’asseoir devant un bout de papier et se met- tre à peindre ou à dessiner. L’artiste, qui a aussi étudié en sciences et tech- nologie des aliments, effectue présentement des recherches sur des encres végétales qu’elle crée . Elle partage tout l’apprentissage conféré par la nature : «On ne sait rien, c’est ça qui est fou», indi- que-t-elle avec humilité. En parallèle à son projet «La forêt creuse l’intérieur», la travailleuse cultu- relle en développe un autre qu’elle a initialement nommé «La marée creuse l’intérieur». Elle avait besoin, cet été, de développer quelque chose de plus coloré et vibrant, faire différent des teintes brunes de chaga. Ainsi, telle une herboriste, elle extrait la couleur des plantes cueillies en laissant diminuer le liquide. Humblement, elle partage que ce savoir ancien n’est pas nouveau et n’a pas été initié par elle. Elle se laisse simplement aller par ses découvertes au fil des semaines, se surprenant que des fleurs roses puisse lui donner de l’encre bleue. «Ça me permet d’explorer», soutient la chargée de projets chez VRille de La Pocatière. Ses recherches avancent petit à petit. Mélissa C. Pettigrew n’est pas prête à mettre quelque chose sur papier, mais elle sait où elle s’en va, où qu’elle aille, la nature la guide, l’inspire. Ancrée dans son chez soi, extractant l’essence de la flore bas-laurentienne, l’artiste se laisse aller, se soumet à la perte de contrôle provenant de la matière et se nourrit de cette nouvelle façon d’aborder la création. S’inspirer de la nature pour créer PHOTO: LYDIA BARNABÉ-ROY PHOTO: LYDIA BARNABÉ-ROY • LYDIA BARNABÉ-ROY Initiative de journalisme local
[email protected] À cheval entre Cacouna et L’Isle-Verte, au Parc côtier Kiskotuk, une petite maison bleue entourée de fleurs surplombe le fleuve. À l’avant, une petite roulotte con- tient une énergie créatrice, celle de Mélissa C. Pettigrew. Sous les effluves de roses, de foin d’odeur et de millepertuis qui macèrent sur le feu, du vent qui souf- fle, puis de la bruine qui tombe douce- ment, l’artiste et travailleuse culturelle plonge les deux mains dans son univers. Dans le cadre de la Journée internationale des ainés, l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), avec le sou- tien de la Ville de Rivière-du-Loup, invite les citoyens de la région KRTB à assister à une pièce de théâtre traitant de la place des ainés dans la société actuelle, le 28 septembre prochain à 14 h à la Maison de la culture. Développée par le Théâtre Parminou, un groupe engagé, la pièce «Passée date?» est une réflexion théâtrale sur l’âgisme et la péremption sociale, traitée de façon humoristique. La présentation donnera l’occasion de réfléchir sur le vécu quoti- dien des aînés et les défis à relever. L’événement est offert gratuitement. Aucune réservation n’est requise, il suffit de se présenter directement sur place. Les places seront attribuées selon la règle «premier arrivé, premier servi.» Le théâtre Parminou résume ainsi la pièce : «Lailée, 69 ans, termine l’installation de son exposition photos accompagnée de sa meilleure amie, Odile, 59 ans et de Roméo, 65 ans, le mari de cette dernière. Prenant Roméo à témoin, les deux grandes compli- ces échangent sur le vieillissement et la présence de l’âgisme dans la société. Devient-on passé date à partir d’un certain âge? Comment faire pour déjouer le sentiment de péremption sociale que plusieurs peuvent ressentir? Comment faire valoir ses droits en tant qu’aînée, aîné? Ce sont des ques- tions que se posent ces grandes amies à travers leurs réflexions empreintes d’humour, de sensibi- lité et surtout, d’une grande lucidité.» Passée date? Une pièce de théâtre pour initier la réflexion et la discussion Pour l’autrice arsénoise, se trouver dans le clas- sement final est au-delà de ses espérances, elle qui souhaitait seulement que son texte soit lu par une personne œuvrant dans le milieu de l’édition. Son récit, puisé d’une expérience personnelle, fait état du manque de reconnaissance envers les auteurs. «J’aime ça m’intéresser à des choses qui sont vraies, difficiles et qu’on ne dit pas tout le temps, explique-t-elle. Le texte, c’est ma vérité de la der- nière année, c’est comment je me sens par rapport à tous les rêves parvenus que je faisais, la réalité qui me rattrape. La société dans laquelle on vit fait que si tu n’as pas d’argent, tu ne peux pas écrire, si tu n’écris pas, tu n’es pas connu et si tu n’es pas connu, on s’en fout.» En toute transparence, la lit- téraire qui détient un baccalauréat et une maitrise dans le domaine livre son histoire de résilience. Du prix Robert-Cliche à la résiliation de son contrat avec un éditeur, nombreux autres écrivains se sont retrouvés dans son récit. Depuis la publication de son texte sur Radio-Canada, Mme Roy a reçu plu- sieurs messages. Cette dernière mentionne que ce n’est pas normal qu’autant d’artistes du milieu vivent cette situation. Après sa mauvaise expérience, Daphnée Roy avait arrêté d’écrire, mais, pour ne pas perdre la main, elle s’y est remise en soumettant son texte. Le retour positif lui donne l’énergie nécessaire afin de poursuivre l’édition de son manuscrit et ne plus cesser de créer. Le lauréat dans la catégorie récit sera connu le 29 septembre prochain. «Je n’ai pas dit mon dernier mot», a-t-elle conclu avec assurance. Une histoire de résilience PHOTO : HUBERT LAROSE-DUTIL • LYDIA BARNABÉ-ROY Initiative de journalisme local
[email protected] Le 15 septembre, les Prix de la création Radio-Canada ont dévoilé les cinq finalis- tes dans la catégorie récit. Daphnée Roy, originaire de Saint-Arsène et âgée de 28 ans, est en lice. Elle a la chance de gagner 6000 $ ainsi qu’une résidence d’écriture toute payée de deux semaines au Centre d’arts de Banff en Alberta. «Tout ce que je fais en ce moment va exister demain» - MÉLISSA C. PETTIGREW INFODIMANCHE • LE 21 SEPTEMBRE 2022 39 CULTUREL