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Le Saint-Laurent sous respirateur artificiel La concentration en oxygène dissous est passée de 60 µM*, ou 17% de saturation en 2019, à 35 µM, ou environ 10% en 2020. Une diminution de près de la moitié en seulement un an. «Depuis les 20 dernières années, c’était relativement stable. En 2019 et 2020, ça a chuté soudainement et vraiment rapidement. On ne s’y attendait pas», explique la doctorante en océanographie physique et biogéochimique à l’Université McGill, Mathilde Jutras. Dans les années 1930, la concentration en oxygène dis- sous dans les eaux profondes du fleuve était d’environ 125 µM, soit 38 % de saturation. Àmoins de 60 µM, les eaux sont considérées comme hypoxiques, c’est-à-dire que leur faible concentration en oxygène dissous commence à avoir des effets néfastes sur les espèces mari- nes, surtout si ces dernières y sont exposées à long terme. «Étant donné que ça leur demande plus d’énergie pour respirer, elles vont pouvoir met- tre moins d’énergie dans d’autres activités comme se reproduire ou essayer de trouver de la nourriture. Éventuellement, ça peut être fatal», ajoute Mme Jutras. L’oxygène est essentiel pour tous les organis- mes, rappelle le chercheur Michel Starr de Pêches et Océans Canada (Institut Maurice- Lamontagne), spécialisé en chimie des océans. Des mesures réalisées au début du mois d’aout au milieu du fleuve, face à Rimouski, ont indiqué une saturation de 9 % en oxygène dissous. «Ça chute d’année en année, on bat des records historiques, c’est assez alarmant», renchérit M. Starr. Ces baisses de concentration en oxygène dissous sont aussi répertoriées par les équipes de Gwénaëlle Chaillou, professeure en océano- graphie à l'Institut des sciences de la mer (ISMER) de l'Université du Québec à Rimouski. Chaque fois que les mesures sont prises, les concentrations en oxygène dissous atteignent un nouveau creux jamais vu, précise-t-elle. Le seuil létal de saturation en oxygène dis- sous pour la morue est d’environ 22 %. «Elle meurt asphyxiée presque instantanément. Même s’il y avait un baby-boom de morues dans le golfe du Saint-Laurent, il ne pourrait pas y en avoir comme par le passé dans ces conditions-là», explique M. Starr. La situation est aussi critique pour le flétan du Groenland, dont le seuil létal est de 9 % de saturation en oxygène dissous pour les adultes. La crevette a dû se déplacer dans la colonne d’eau et remonter pour vivre entre 100 et 200 mètres de profondeur, où les concentrations en oxygène sont plus favorables. «Elle se ramasse vis-à-vis le sébaste, qui est l’un de ses préda- teurs. On observe une compression des habi- tats», ajoute le chercheur de l’Institut Maurice- Lamontagne. Ce ne sont que quelques exemples d’espèces pour lesquelles les scientifi- ques sonnent l’alarme. EXPANSION DE LA ZONE HYPOXIQUE En moins de 20 ans, l’étendue de la zone hypoxique du fleuve Saint-Laurent s’est multi- pliée par 7. Elle est passée de 1 300 kilomètres carrés en 2003 à 9 400 kilomètres carrés en 2021. Cette zone s’étend maintenant bien à l’ouest du golfe Saint-Laurent, et jusqu’à la pointe de Gaspé. Des eaux hypoxiques ont aussi été répertoriées près du chenal d’Anticosti et du chenal d’Esquiman (entre Terre-Neuve et le Labrador). Elles créent un important stress pour les écosystèmes marins en raison de la compression des habitats. Les échantillonnages sont réalisés tout le long de l’estuaire du Saint-Laurent, entre Québec et Anticosti. «Quand on a vu l’expansion de la zone hypo- xique, tout le monde était ébranlé. Émotivement, c’était un choc. Après, on peut le publier et ça nous fait une façon d’en parler et que les gens nous écoutent. En même temps, on aimerait mieux ne pas avoir à sortir ce genre de nouvelle. Ça va clairement avoir des impacts vraiment importants sur les écosystè- mes de l’estuaire et du golfe Saint-Laurent», se désole Mathilde Jutras. CAUSES DE L’APPAUVRISSEMENT EN OXYGÈNE Deux causes principales peuvent expliquer cet appauvrissement en oxygène dans le fleuve Saint-Laurent. Le premier, l’eutrophisa- tion, est un phénomène par lequel un milieu aquatique s’enrichit de nutriments, comme le phosphore et l’azote. Ils proviennent principa- lement de l’agriculture et de rejets d’eaux usées. Ils agissent comme un fertilisant pour les algues. Ces nutriments se retrouvent dans les [email protected] PAR ANDRÉANNE LEBEL > Asphyxie d’espèces marines, compression des habitats, augmentation de la tempé- rature de l’eau, le Saint-Laurent n’est pas un long fleuve tranquille. Des scientifi- ques de l’Université McGill de Montréal, de l’Université du Québec à Rimouski et de l’Institut Maurice-Lamontagne de Mont-Joli sont alarmés par la baisse dras- tique de la concentration d’oxygène dis- sous dans les eaux fluviales, un phéno- mène qui aura des effets sur toutes les espèces marines qui ont besoin d’oxygène pour survivre. SUITE À LA PAGE 7 > La direction de Service Bérubé est heureuse d’annoncer la nomination de Camille Giard-Boucher à titre de conseillère aux ventes à notre concession de Trois-Pistoles. Nul doute que son expérience acquise depuis plusieurs années sera un atout important pour toute notre clientèle. La direction NOMINATION www.berubegm.com 600, rue Jean Rioux, Trois-Pistoles Tél. : 418 851-3630 1-866-484-3630 1153083423 CAMILLE GIARD-BOUCHER Vous pouvez la rejoindre maintenant pour un essai routier. | INFODIMANCHE • ACTUALITÉ Le 23 août 2023 6 >

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