L’Isle-Verte – Des images bouleversantes ont fait le tour du monde, une tragédie qui a marqué une communauté à jamais, des souvenirs difficiles bien ancrés dans notre esprit, des gestes de solidarité dictés par le plus profond de notre être, des familles et des amis imprégnés par une tristesse immense réunis dans la foi, ces quelques mots résument l’intensité du drame humain vécu à L’Isle-Verte.

Le samedi 1er février, à 11 h, environ 900 personnes étaient massées dans l’église Saint-Jean-Baptiste, à L'Isle-Verte, à l’occasion d’une messe commémorative pour les 32 victimes et personnes disparues lors de la tragédie. « Ensemble, laissons nos cœurs guérir », a mentionné le père Gilles Frigon à propos de cette cérémonie qu’il voulait sobre et inclusive. « Nous avons eu l'occasion déjà de nous recueillir en famille, la semaine dernière. Le temps est maintenant venu d'ouvrir les portes de notre église à l'ensemble de la grande famille de la communauté chrétienne pour nous recueillir collectivement avec les familles des personnes disparues », a déclaré le père Frigon.

Au cours d’une célébration de plus d’une heure, présidée par monseigneur Pierre-André Fournier, archevêque de Rimouski, les membres des familles éprouvées, des dignitaires, dont Pauline Marois, première ministre du Québec, et Stephen Harper, premier ministre du Canada, des intervenants et des amis des personnes décédées et disparues étaient sur place pour témoigner de leur solidarité.

« La paix soit avec vous, chers membres et amis des familles des personnes disparues. La paix soit avec vous, vous toutes les personnes qui les supportent par divers secours depuis le début de la tragédie, et cela se continuera demain. La paix soit avec vous, membres de la communauté chrétienne. La paix soit avec vous, Mme Ursule Thériault, mairesse et à tous les dignitaires… » a mentionné monseigneur Fournier qui a également souligné le travail du père Gilles Frigon, capucin, curé de cette communauté chrétienne.

DES SAINTS ET DES SAINTES

Dans son homélie, le père Gilles Frigon a notamment parlé des disparus comme des personnes très chères, des Saints et des Saintes : « Ces personnes, qui nous sont chères, très chères, de qui on a pris un très grand soin dans leur vieillesse, ne méritaient pas de finir de façon tragique comme ça, d’ailleurs il n’y a personne qui mérite de finir de façon aussi tragique… Dieu a voulu aussi participer à notre vie dans ce qu’il y a de plus pénible, de plus souffrante, dans ce qu’elle a de plus dramatique. »

« Ceux qu’on célèbre aujourd’hui, je l’ai dit cette semaine, ils étaient des Saints et Saintes, Saints et Saintes parce que toute leur vie, et surtout à l’âge où ils étaient rendus, ils savaient bien qu’ils étaient au seuil de la porte du ciel. Toute leur vie, ils ont eu le cœur tourné vers Dieu, le cœur ouvert, réceptif à l’amour de Dieu, accueillant de l’amour de Dieu et c’est ce qui les a rendus Saints et Saintes, c’est ce qui les a rendus rayonnant et rayonnante de l’amour de Dieu » a-t-il poursuivi.

« Cet évènement pénible qui nous affecte tous a déjà commencé à faire de moi un homme meilleur et je sais que tous et chacun de nous et tous ceux qui nous écoutent à travers la province, le pays, peut-être même en dehors des frontières, on est appelé par cet évènement à grandir, non pas à s’écraser, c’est surtout ce que nos chers disparus voudraient, à être du monde courageux, vaillant, dévoué et généreux. Ils nous diraient réveillez vous, allez de l’avant et c’est ce que je nous souhaite. Je suis persuadé que chacun de nous, nous allons nous relever et devenir des hommes et des femmes meilleurs, toujours plus respectueux les uns des autres, plus attentifs aux besoins des uns des autres », de mentionner le père Frigon.

GESTES HAUTEMENT SYMBOLIQUES

La cérémonie a été marquée par quelques gestes hautement symboliques : lecture du message du Saint-Père
par M. Joël Bujold, paroissien du secteur ; présentation du visuel et d'objets symboliques
par  Mme Marielle Marquis, bénévole engagée en liturgie avec la paroisse ; Mme Irène, de la Résidence du Havre, a apporté un châle ; Mme D'Amours, la cuisinière de la Résidence du Havre, a apporté un chapeau d'homme ;
trois enfants de la paroisse ont apporté un bouquet de 32 roses ; lecture du livre de la Sagesse
par Mme Audette Lafrance Côté, bénévole engagée en liturgie avec la paroisse. Notons aussi que tous les chants interprétés lors de cette messe l’ont été par la chorale du secteur de la terre à la mer qui compte plus de 40 personnes.

500 PLACES POUR LES FAMILLES

Cette cérémonie religieuse était d’abord organisée pour les familles et les personnes proches des victimes. L’église Saint-Jean-Baptiste compte environ 900 places. Le comité responsable de la messe avait réservé 500 places aux familles et proches des victimes et des personnes disparues.

Parmi les 400 autres places qui étaient disponibles pour les gens de la communauté et de l’extérieur désireux d’être présents à cette messe commémorative, un certain nombre était aussi réservé à des intervenants, au cœur de cette tragédie depuis la nuit du 23 janvier 2014, des personnes impliquées sur le terrain dès les premiers instants de la tragédie, des personnes ordinaires devenues extraordinaires, selon les mots du curé de la paroisse.

Finalement, pour les personnes ayant de la difficulté à se déplacer et pour l’ensemble de la population du Québec, la messe commémorative a été diffusée en direct sur les ondes de RDI.

Homélie de la messe commémorative

C'est le cœur brisé par le départ subi de nos chers disparus que nous cherchons un sens à notre souffrance.  Ces hommes et femmes sont les saints et saintes de notre paroisse.  Des cœurs d'amour pur et gratuit qui entrent aujourd'hui au ciel.  Ils entrent au ciel pour continuer de nous aimer, de nous éclairer et de nous transmettre la force de Dieu, la force d'aimer.

Ces hommes et femmes étaient les personnes les plus vulnérables de notre société.  Ils vivaient paisiblement, car on en prenait grand soin.  Personne ne mérite de finir sa vie de façon aussi dramatique et eux non plus.  Notre joie, notre force, notre espérance et notre certitude c'est que nous, les chrétiens et chrétiennes, nous savons dans une pleine assurance que nos personnes disparues sont maintenant passées de la mort à la vie!  Car jamais rien ne nous séparera de l'Amour!  Par sa mort et sa résurrection, le Christ a vaincu toutes les puissances de mal et de mort qui pourraient anéantir l'enfant de Dieu que nous sommes.

En Jésus Christ, l'être humain est image de Dieu et Dieu est visage humain.  Très souvent et presque toujours, nos ambitions personnelles, nos objectifs, nos grands désirs de rendement et de performance nous enferment dans notre petit monde étroit et mesquin et nous empêchent de vivre l'essentiel de notre vie et de notre existence.

Nos frères et sœurs disparus vivaient dans l'essentiel.  Ils vivaient tous dans l'accueil et le don de soi, l'accueil de l'autre et le rayonnement de leur tendresse, de leur amour.

La foi en Jésus Christ m'appelle à accueillir le don que Dieu me fait d'être vivant aujourd'hui et à partager autour de moi, le meilleur de moi-même.  C'est une leçon simple, mais  que l'aveuglement de nos ambitions personnelles nous fait vite oublier.

Aimer ce que tu fais et le faire par amour pur et gratuit pour tes proches : voilà l'essentiel de la vie.  Tout le reste est inutile et te fait véritablement et pleinement passer à côté de la vie.  Nous sommes créés par amour et pour l'amour et rien d'autre.

Prenons et apprenons cette leçon et ne passons plus jamais à côté de la vie, de la vraie vie qui se vit entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain.  Tout le reste n'est qu'illusion.

Amen!