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Saint-Médard : le travail et l’attitude de la mairesse dénoncés

durée 5 mai 2023 | 15h25
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    «On est gérés à coup de droits de véto, l’ambiance est pourrie.» Le climat de travail dans le milieu municipal de Saint-Médard est plus difficile que jamais et deux élus n’en peuvent plus. Comme plusieurs citoyens qui se sont adressés à Info Dimanche, ils dénoncent aujourd’hui les façons de faire de la mairesse Linda Gagnon et exigent du changement.  

    Manque de transparence, manque de respect auprès de citoyens et de certains conseillers, utilisation d’un droit de véto «à profusion»… les manières de travailler de la mairesse Gagnon ne passent plus dans la petite municipalité de la MRC des Basques. Pourtant, on craint que le statu quo soit inévitable à court terme, alors qu’on l’accuse d’avoir la mainmise sur tout ce qui s’y trame et de travailler de concert avec la directrice générale adjointe et une majorité d’élus. 

    Rejoints cette semaine, un conseiller et une conseillère municipale, Rodolphe Thériault et Raphaëlle Ouellet, confirment que le travail est éprouvant depuis plusieurs mois et que les relations sont pour le moins tendues au sein du conseil municipal. Ils n’ont pas hésité à être durs à l’endroit de la mairesse, Linda Gagnon, élue par acclamation en novembre 2021. 

    «On n’est pas gérés, on est plutôt dictés dans nos façons de fonctionner […] Ça ne peut plus continuer comme ça», a lancé Rodolphe Thériault qui n’en est pas à son premier mandat comme conseiller municipal. En 15 ans d’implication, il dit n’avoir jamais vécu pareille situation. 

    «C’est catastrophique ce qu’on vit à Saint-Médard», a aussi soutenu sa collègue, Raphaëlle Ouellet, élue une première fois en 2021. «Je ne vois plus d'issue. Ça n'a pas de bon sens ce qui se passe.»

    À bout de patience et surtout de solutions, le duo a accepté de se confier à Info Dimanche et de dénoncer la situation en espérant qu’une sortie publique fasse bouger les choses. Actuellement, ils estiment qu’il y a «abus de pouvoir» et que la mairesse ne travaille pas pour le bien de sa communauté, priorisant plutôt ses idées et ses intérêts personnels. L’ambiance de travail est malsaine et parsemée de «bras de fer» et de «discordes», disent-ils. 

    DROITS DE VÉTO

    Selon M. Thériault et Mme Ouellet, il est normal que tous les membres d’un conseil municipal ne soient pas toujours du même avis, mais ce n’est pas le problème ici. Ils croient que la mairesse souhaite faire à sa tête et tout contrôler à Saint-Médard, une municipalité d’un peu plus de 200 habitants. 

    Ils donnent tous les deux l’exemple du droit de véto qu’elle utiliserait maintenant beaucoup lors de l’adoption de certaines résolutions afin de parvenir à ses fins. Ce faisant, des dossiers n’avancent pas et trainent, d’autres meurent, regrettent-ils. 

    «Parfois nous avons l’unanimité du conseil et les choses pourraient progresser. Mais quand ça ne fait pas son affaire, elle ne signe pas le procès-verbal et utilise ensuite son droit de véto pour repousser l’adoption de la résolution. Un mois plus tard, les autres conseillers changent soudainement leur fusil d’épaule et votent contre. Elle a toujours le contrôle», a lancé M. Thériault qui estime que le conseil «tourne en rond». 

    «Elle s’organise pour gagner du temps et mettre les autres conseillers de son bord. Ce sont toujours les mêmes», a complété Mme Ouellet lors d’une autre entrevue. «Elle utilise ce pouvoir-là sans raison, comme bon lui semble...»

    Autre rareté dans le milieu municipal : Raphaëlle Ouellet, mairesse suppléante, n’est plus invitée à participer aux séances de discussions qui précèdent les séances du conseil, pourtant essentielles à une gestion municipale saine et efficace. Elle en a été exclue il y a déjà plusieurs mois. 

    «Je dois me présenter aux séances à la même heure que les citoyens. Je ne suis pas capable de mettre des propositions à l'ordre du jour […] Avec Mme Gagnon, soit on se tait ou on se soumet, soit on est contre elle», a-t-elle résumé.  

    «C’est une façon de la bâillonner, puisqu’elle donne souvent son avis et ça ne fait pas l’affaire de tous. C’est aussi simple que ça», a soutenu son collègue. 

    MANQUE DE TRANSPARENCE

    Dans un cri du cœur, Rodolphe Thériault et Raphaëlle Ouellet dénoncent également tous les deux un grand manque de transparence dans la gestion des affaires municipales. Selon eux, plusieurs dossiers soulèvent des questions et des craintes. Ils ne comprennent pas pourquoi ils ont si peu de réponses à leurs questions, eux qui – à titre d’élus – devraient être au cœur des décisions prises. 

    La gestion du dépanneur municipal, un organisme géré par un comité formé de quelques membres de la Municipalité, fait partie de la liste. Ils soutiennent que beaucoup d’informations ne sont pas dévoilées (comptes fournisseurs, inventaire, etc.), même si de l’argent y est investi chaque année, notamment grâce aux redevances de l’éolien. 

    «Ça semble être un puits sans fond. C’est préoccupant. Quelque chose ne fonctionne pas, mais il a plusieurs éléments qu’on ignore. On ne réussit pas à avoir l’heure juste», dénonce Mme Ouellet, toujours aussi incrédule. 

    La conseillère confie d’ailleurs devoir se battre régulièrement pour obtenir des informations sur certains dossiers actifs à Saint-Médard. Elle raconte avoir dû suivre des procédures administratives, au même titre qu’une citoyenne. «Des décisions sont prises sans qu’on soit au courant, de l’information nous est cachée. Et quand on prend des initiatives, on est toujours bloqués», a-t-elle indiqué.  

    Elle souligne aussi l’aspect autoritaire de la mairesse et l’absence de vivre-ensemble. «En séance publique, elle utilise un marteau et elle s’en sert comme un juge pour mettre fin à des interventions. Ça me surprend chaque fois», a-t-elle illustré. «Elle manque de respect aux citoyens […] C’est un spectacle qu'on donne. C’est vraiment désolant.» 

    Raphaëlle Ouellet rappelle que le rôle d’un maire ou d’une mairesse est d’être au service de son conseil municipal et même de lui rendre des comptes, pour le bien de la Municipalité. Or la mairesse Gagnon se croit dans une fonction supérieure, estime-t-elle. 

    «Dans une Municipalité, comme une Ville, c’est le conseil qui est le patron. C’est un patron divisé en 6 têtes. Mais ce n’est pas comme ça à Saint-Médard. C’est la mairesse qui gère. Ça ne peut pas fonctionner.»

    «On ne veut pas travailler contre la Municipalité, mais présentement, ça ne peut plus continuer», a maintenu Rodolphe Thériault. 

    LA MAIRESSE AVARE DE COMMENTAIRES

    Appelée à réagir aux critiques et allégations faites à son endroit, la mairesse Linda Gagnon n’a pas souhaité accorder d’entrevue. Questionnée à savoir si tout se passait bien à Saint-Médard, elle n’a fait que deux brefs commentaires, rejetant toute forme de responsabilité.  

    «Je n’ai pas de critique à recevoir. Ceux qui font des critiques, c’est ceux qui font des choses par en arrière», a-t-elle dit. «J’ai des conseillers qui ne suivent pas la barque. Et après ils me mettent des choses sur le dos, mais je suis capable de marcher la tête droite […] Je ne ferai pas d’autres commentaires», a-t-elle ajouté, avant de mettre fin à la conversation. 

    Les plus récentes séances ordinaires du conseil municipal du 3 mars et du 14 avril peuvent être écoutées en se rendant sur le site de la Municipalité, dans l'onglet «Procès verbaux». 

    >> DES CITOYENS INQUIETS À SAINT-MÉDARD

    Sans surprise, le climat de travail difficile dans le milieu municipal de Saint-Médard est connu bien au-delà des murs de la salle du conseil et préoccupe nombreux résidents de Saint-Médard. Chaque mois, selon les conseillers, il seraient nombreux à se présenter pour poser des questions et tenter d’avoir des réponses lors des séances publiques. Certains demandent même publiquement la démission de la mairesse Linda Gagnon. 

    «Ça se parle. Les gens sont révoltés. Ils ne se sentent pas respectés. Certains voulaient lancer une pétition, mais ils savent que ça n’a pas de poids», a souligné la conseillère Raphaëlle Ouellet, qui est impliquée dans la communauté comme présidente du conseil de fabrique et à travers l’organisation d’activités.

    Une affirmation corroborée par quelques appels. Les citoyens interpellés par Info Dimanche parlent d’un climat de peur et d’un sentiment général de découragement. Certains confient même avoir déjà été menacés par la haute administration municipale. Ils ont souhaité l’anonymat par crainte de représailles. 

    «[Mme Gagnon] ne veut pas l'avis de personne. Elle donne peu de réponses, interrompt les gens et met fin à la période de questions quand ça ne va pas comme elle veut […] Il faut que quelque chose change», a dit une première personne. 

    «Elle se sert de son titre de mairesse pour ses vengeances personnelles. C’est grave ce qui se passe et ça va trop loin. Ça crée de la bisbille dans la communauté», a ajouté une deuxième. 

    À travers tout ce branle-bas de combat, une évidence : la Municipalité semble peu ouverte à la critique. Au moins un citoyen a confirmé avoir reçu une mise en demeure puisqu’il aurait «manqué de respect» à la mairesse lors d’une récente période de questions. Ces lettres sont signées par la Municipalité, mais les élus ne les ont pas approuvées. Ils n’étaient pas au courant, clament Raphaëlle Ouellet et Rodolphe Thériault. 

    Soulignons que le conseil municipal avait récemment l’opportunité d’engager une firme externe spécialisée afin de régler certains dossiers, de redresser la Municipalité et d'assurer la succession de la directrice générale adjointe actuelle, qui a remis sa démission. Le contrat n’a finalement pu être conclu. Les conseillers accusent la mairie d’avoir laissé le dossier filer, de crainte qu’il chamboule l’état établi. 

     

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